Notre rêve de Maliens se transforme une fois de plus en cauchemar, et c’est le pire des sommeils quand dans notre rêve, il est question de remettre solidement sur ses jambes, notre armée, et de lui faire pousser des ailes pour « voler plus haut, plus loin, plus vite ». Dans le genre de cauchemar que les Maliens se découvrent en train de faire, le réveil peut être brutal, pour ainsi dire qu’il l’est déjà.
N’est-ce pas le cas depuis 2017 lorsque la hiérarchie militaire ne faisait plus mystère de la manœuvre qui avait pu entourer les achats d’hélicoptères et d’avions de transport et de combat pour les forces armées et de sécurité ?
A la suite de ce chef d’état major qui a pu dire alors à la presse, que «nous avons deux hélicoptères cloués au sol et qui ne servent à rien», c’est le président de la République, IBK, qui dans une interview accordée à notre confrère Jeune Afrique, affirme ou confirme : les hélicoptères sont cloués au sol faute de maintenance appropriée.
Ensuite, c’est le tour au président de la Commission Défense et de la Protection civile de l’Assemblée nationale Karim Kéita d’enfoncer le clou, en terre parisienne, donnant l’impression que c’est là que réside la responsabilité, « les hélicoptères que nous avons achetés ne peuvent plus voler, ça marchait au début mais vraisemblablement on a un problème d’entretien depuis l’achat, je me demande si, on n’a pas été floué à l’achat… ». En tout cas l’extrait passé à la télévision malienne, ne traduisait pas une auto-flagellation, alors qu’on devrait s’en prendre qu’à nous mêmes, si c’est ‘’l’acheteur’’ – le client d’Airbus- qui a choisi d’entrer en possession de deux vieux appareils qui restent cloués sol, au lieu d’acheter un appareil neuf ?
Depuis 2017, IBK a annoncé l’achat de quatre hélicoptères Puma et MI-35, quatre avions d’attaque Super Tucano brésiliens, trois avions de transport Casa et Y-12 chinois. Aujourd’hui les deux Super Puma sont « cloués au sol », depuis avant janvier 2018.
Si certains ont choisi de s’enrichir illicitement sur le dos de notre armée en guerre, et par conséquent du peuple malien, ils doivent être démasqués pour qu’ils répondent de leurs actes assimilables au terrorisme d’Etat et au crime organisé. Même s’il n’y a pas eu création de société écran pour la transaction, comme c’était le cas de l’avion présidentiel en 2014, le dénominateur commun reste le détournement à la pelle et l’enrichissement illicite, avec à la clé la surfacturation et l’opacité la plus totale. Le crime est entouré de circonstance aggravante, sachant que ces acquisitions d’avions de transport et de combat entrent dans une stratégie de défense d’un pays en guerre, depuis 2012, un Etat failli qui peine à se relever. Comment mettre fin à la gabegie financière, arrêter l’effusion des ressources publiques destinées aux forces armées de sécurité, dans un pays où les dirigeants tapis derrière le « Secret Défense », sont à la manœuvre pour détourner des milliards destinés à l’armée, malgré l’insécurité croissante, rendant encore plus vulnérables les populations.
On doit forcement situer les responsabilités maliennes, dans le contexte du gouvernement de mission dont l’accord politique de gouvernance est sans concession sur les défis de la bonne gouvernance. Mais, il y a des doutes et des questionnements sur la volonté de surmonter certaines contingences.
Le ministre de la défense au moment de l’achat de l’avion présidentiel en 2014, Soumeylou Boubeye Maïga, n’était pas encore devenu Premier ministre, au moment des achats d’hélicoptères et d’avions de combats et de transport de l’armée en 2017 – contrairement à ce que nous indiquions par inadvertance, dans notre édition N°6095 ; nous lui présentons nos excuses, ainsi qu’à nos lecteurs – puisqu’il ne le deviendra que le 30 décembre 2017. Le dossier des « avions cloués au sol » est un marchandage qui tombe dans les escarcelles de son prédécesseur, le Premier ministre Modibo Kéita. Mais Soumeylou Boubeye Maïga était Secrétaire général de la Présidence de la République, depuis le 29 août 2016.
En outre, le ministre de l’Economie et des Finances, de l’époque, Dr Boubou Cissé est actuellement Premier ministre du gouvernement de mission, tout en conservant en cumul son portefeuille de ministre de l’Economie et des Finances. Dans l’affaire dite des Super Puma cloués au sol, réside une difficile équation d’être à la fois juge et partie.
Si on peut dire que les djihadistes sont en perte de vitesse dans le centre, nous le devons en grande partie aux frappes de la force Barkhane, qui ont mis hors d’état de nuire beaucoup de terroristes. Aujourd’hui on parle du retour des déplacés qui regagnent leur centre natal, et le Premier ministre Dr Boubou Cissé y est en tournée pour la deuxième fois. Un espoir pour le retour de la paix et la sécurité au Mali.
B. Daou
Source: Le Républicain