Cette forme de correction des élèves a été interdite par l’article 26 de l’arrêté n°100688 MEALN-SG du 12 mars 2010. Tout enseignant qui viole les dispositions de cet arrêté peut recevoir des avertissements allant jusqu’à sa traduction devant un Conseil de discipline
Le châtiment corporel consiste à infliger une douleur physique afin d’amener une personne reconnue coupable d’une faute ou d’un délit à se repentir et à éviter la récidive. C’est aussi, selon certains, un instrument qui aide un éducateur à aboutir à un enseignement de qualité de ses élèves. Le bâton ou le fouet aide également l’enseignant à avoir l’autorité dans sa classe. Le comité des droits de l’enfant définit le châtiment corporel comme l’usage de la force physique visant à infliger un certain degré de douleur ou de désagrément. Ils sont constitués par l’utilisation de la force physique avec l’intention de faire ressentir une douleur à la personne sans lui infliger de blessure. Le but est de la corriger ou de contrôler son comportement.
Cette forme de punition des élèves a été interdite après l’avènement de la démocratie dans notre pays en 1991. En effet, l’article 26 de l’arrêté n°100688 MEALN-SG du 12 mars 2010 fixant le règlement intérieur des établissements de l’enseignement fondamental et secondaire, stipule que le châtiment corporel est formellement interdit. Tout enseignant qui viole les dispositions de cet arrêté peut recevoir des avertissements allant jusqu’à sa traduction devant un Conseil de discipline.
Malgré l’interdiction, certains enseignants continuent à châtier des élèves en classe. Et les avis sont partagés sur l’autorisation et l’interdiction du châtiment corporel à l’école. Pour bien comprendre, notre équipe de reportage a sillonné plusieurs établissements scolaires et quartiers de Bamako pour recueillir les opinions des acteurs : cadres du ministère de l’Education nationale, enseignants, parents d’élèves et des élèves eux mêmes.
«L’effectif normal d’une classe est de 70 élèves. Mais, il y a des maîtres qui encadrent 100 à 200 élèves dans une classe. Avec cet effectif pléthorique, le châtiment corporel est incontournable et obligatoire. On ne peut pas enseigner aux enfants de l’école publique fondamentale sans le fouet», pense Hamady Bâ, enseignant d’une classe de 6è année de l’ex Ecole communautaire de Fadiguila en commune I. Cet enseignant juge que le châtiment corporel ne se limite pas seulement à fouetter l’apprenant. «Les genoux à terre, la mise au pilori sont aussi d’autres mesures dissuasives. On peut enseigner sans fouet, mais on ne peut pas enseigner sans le châtiment corporel», explique l’enseignant. Néanmoins, il estime que les enseignants doivent pouvoir sensibiliser les élèves sans leur donner des coups de fouet à tout moment. Soutenant le retour du châtiment corporel à l’école, l’enseignante à la retraite, Mme Traoré Bintou Soumaoro pense que c’est le seul moyen pour pouvoir enseigner, éduquer et améliorer le niveau des enfants, même si certains parents d’élèves et promoteurs d’écoles privées sont contre. Le pédagogue Souleymane Dembélé a, lui aussi, souhaité la réintroduction du châtiment corporel dans notre système éducatif. Car l’éducation familiale et scolaire a été bafouée avec l’interdiction de cette forme de correction de nos enfants, a-t-il estimé.
Notre interlocuteur pense que l’enseignant doit donc toujours tenir en main un fouet en classe pour canaliser ses apprenants. Cela lui permet de dissuader et de menacer les enfants «indisciplinés» pour qu’ils soient corrects à l’école et à la maison. Son collègue pense que l’enseignant doit au préalable avertir l’élève à plusieurs reprises et prendre des conseils auprès de sa direction, avant de mettre la main sur son élève. Et le fouet ne doit intervenir que quand il est nécessaire, précise-t-il.
«Nous sommes obligés de recourir au fouet pour corriger certains apprenants qui n’ont reçu aucune éducation à la maison. L’usage du fouet n’est pas synonyme de méchanceté comme le pensent certains parents d’élèves. Le fouet consiste à dissuader l’enfant pour que son sérieux prenne le dessus sur ses divertissements. Bref, sans le châtiment corporel, certains enfants ne peuvent pas avancer dans les études. Mais, il faut le faire de façon modérée», a défendu Mme Niamba Salimata Camara, enseignante de 2è année à l’Ecole privée fondamentale «Moribougou» de Boulkassoumbougou en commune I.
Son directeur Mohamed Kéïta soutient que le fouet permet de pousser les élèves au travail et à respecter les enseignants et le règlement intérieur de l’école. «Enseigner un enfant sans une dose d’autorité physique de l’enseignant n’est pas chose facile. Avec le fouet, les éducateurs peuvent mettre un peu de pressions sur les enfants. Mais le fouet doit être utilisé avec modération. Nous souhaitons donc l’autorisation du châtiment corporel à l’école», souhaite le directeur Mohamed Kéïta.
Le parent d’élève Adama Sissoko souhaite, lui aussi, le retour du châtiment corporel à l’école parce que le niveau des écoliers est en décadence. Selon lui, cette forme de correction oblige l’enfant à bien apprendre et améliore son niveau. Il est l’une des solutions pour redresser notre système éducatif. Mais le parent d’élève tient à préciser que le châtiment corporel ne doit pas être systématique. Par exemple, l’enfant fragile ne doit pas être châtié. Il a plutôt droit à une sensibilisation à défaut une menace. Par contre l’élève turbulent, têtu, fort de caractère doit être châtié à la hauteur de la faute commise.
Le parent d’élève Mamadou Baba Dembélé soutient également que le châtiment corporel permet de corriger l’enfant à l’école. «J’ai donné l’autorisation aux maîtres de bien corriger mes enfants», a-t-il avoué, ajoutant que l’enfant peut être corrigé sans être blessé par le fouet. L’élève de 9è année, Assétou Niang, raconte qu’elle a été fouettée par un de ses maîtres pour avoir obtenu une mauvaise note en devoir. Idem pour l’élève Batoma pour mauvaise conduite. Un professeur d’éducation physique d’une écolé privée à Kati qui avait l’habitude de frapper ses élèves, a été renvoyé par la direction après un conseil de discipline. En réalité, la direction a reçu plusieurs plaintes des parentes d’élèves et sous la pression, elle s’est débarrassée de l’enseignant «agresseur».
Le constat est que le retour du fouet est aujourd’hui une réalité au sein de nos écoles publiques. Pour ce qui est des établissements privés, le châtiment corporel est dosé car leurs promoteurs ne souhaitent pas perdre les élèves, surtout ceux des parents fortunés. «Je ne pense pas que le fouet soit une solution pour que l’enfant devienne meilleur à l’école ou même bien éduqué dans la vie, c’est pourquoi je ne veux pas que mes enfants soient frappés à l’école, surtout mes filles. Le jour où ça se produit, je vais les retirer de leur école pour les placer dans une autre école privée», nous dit sans ambages, A.S, employé d’une agence de communication. La position de ce parent s’explique par le fait qu’étant élève, il a été giflé par un maître. Il a eu des problèmes à son oreille qui a reçu le coup. Plusieurs années après, les séquelles persistent.
Un responsable du ministère de l’Education nationale que nous avons rencontré, est on ne peutplus clair : tout enseignant qui enfreint à l’article 26 de l’arrêté n°100688 MEALN-SG du 12 mars 2010, le fait à ses risques et périls. Il ne peut être couvert et il s’expose à des sanctions si le parent d’élève porte plainte.
«Nous avons peur de laisser les enseignants frapper les élèves, car la plupart d’entre eux ne sont pas pédagogues. Certains enseignants ne sont pas venus par vocation dans le métier. Ils n’ont pas l’amour de leur métier. Donc le châtiment corporel peut devenir un règlement de comptes entre eux et leurs apprenants, notamment lorsqu’il s’agit des jeunes filles qu’ils courtisent. D’autres enseignants utilisent le fouet pour traumatiser les enfants, car ils tentent d’inculquer des connaissances dans la tête de l’enfant sans qu’eux mêmes les maitrisent. Si on autorise le châtiment corporel, beaucoup d’enseignants feront des victimes. Les éducateurs doivent plutôt bien préparer leurs leçons pour avoir moins de problèmes avec leurs apprenants», explique notre interlocuteur.
Sidi Y WAGUÉ
L’Essor