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Changement de Premier ministre : Et de deux !

 Le deuxième « Premier Ministre » de l’ère IBK en la personne de Moussa Mara  ne l’est plus. En moins de deux ans, IBK aura usé déjà deux chefs de gouvernement pour son début de mandat de cinq années ! Du déjà vu, dirons-nous sauf que les circonstances liées à ces « ruptures », et le contexte dans lequel elles s’opèrent font cogiter.

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Une durée de moins d’une année pour  les deux Oumar Tatam Ly et Moussa Mara, dans un contexte de tensions politiques et sécuritaires extrêmes.  Deux  personnalités dont IBK chérissait et ne tarissait pas d’éloges à leur endroit. Cette estime présidentielle n’a pour autant pas empêcher le résultat que nous connaissons tous. Dès lors sommes-nous en droit de nous interroger sur les raisons de ces « instabilités » au sommet de l’Etat ? Comment expliquer cette fébrilité de l’exécutif (Présidence et Gouvernement) à se projeter durablement dans le temps en parfaite harmonie dans la cohésion, l’unité et la confiance ? Jamais deux sans trois, dit l’adage. Modibo Keita, le nouveau Premier Ministre connaitra-t-il aussi le même sort  que ces deux prédécesseurs? L’avenir nous le dira.

 

Exit la jeunesse, place à la gérontocratie !

 

Modibo Keita remplace Moussa Mara à la primature. Le jeunot de 39 ans cède la place au doyen de 72 ans. Désormais la Présidence et la Primature sont occupées par deux septuagénaires. Bonjour la gérontocratie, le pouvoir des anciens ! Après une expérience plus ou moins ratée avec la frange juvénile, IBK a-t-il décidé de composer désormais avec un moins jeune pour ne pas dire  un homme d’âge mûr, un homme d’expérience dont on pourrait dire que ce dernier a son avenir derrière lui ? Un homme qui ne constituera pas une menace pour son pouvoir,  un homme  avec lequel il serait certainement en phase dans la conduite des affaires sans un coup de Jarnac ?

Cet homme, Modibo Keita revient pour la seconde fois à ce prestigieux poste après l’avoir été sous Alpha Oumar Konaré. Il a eu également à occuper des fonctions de ministre et d’ambassadeur sous Moussa TRAORE  et ATT. C’est dire que nous avons en face un vieux de la vieille.

La nomination d’un retraité au-delà des supputations et autres clabaudages, est sans conteste un désaveu cinglant pour la jeunesse qui ces derniers temps prônait inlassablement le tournant générationnel, et le Premier Ministre sortant Moussa Mara, le plus jeune de l’histoire politique du Mali était justement le symbole de cette mutation avec certains ministres de son gouvernement. Sa mise à la touche et surtout son remplacement par un vieillard de 72 ans traduisent ils cette difficile cohabitation entre deux générations ? Modibo Keita occupe l’espace public depuis les années quatre-vingt soit plus de trois décennies et il n’est pas seul dans le landernau politique actuel. Est-ce à dire finalement  que les « anciens » sont insatiables et n’entendent pas s’effacer « sagement » au profit de leurs cadets, ou que les jeunes ne sont pas assez compétents ou sont incapables pour se voir attribuer certains postes de responsabilité et continuer à jouer toujours les seconds rôles ? Le débat est ouvert.

IBK pouvait surement choisir un autre jeune. S’il ne l’a pas fait, c’est qu’il a décidé de ne plus jouer la carte de la jeunesse à ce niveau de responsabilité. Pourquoi ? Bien malin  qui pourra répondre à cette interrogation.

Aujourd’hui, le retour de Modibo KEITA à ce poste malgré un premier passage terne en 2002, malgré son âge avancé, malgré son apparente neutralité politique est un pied de nez et à la jeunesse d’une part, et au parti présidentiel le RPM et ses alliés politiques d’autre part.

Bien entendu,  la question du renouveau politique revient à la surface dans la mesure où le nouveau Premier Ministre est un ancien dans tous les sens du terme qui n’incarne pas forcement le changement tant attendu, contrairement au sortant qui symbolisait la rupture, le renouveau et même l’espoir d’un nouveau Mali !

En agissant ainsi IBK a-t-il voulu tout simplement protéger prioritairement son début de mandat pour le moins laborieux ?

 

 

Les raisons d’un divorce

 

La démission surprise d’Oumar Tamtam Ly a propulsé Moussa Mara à la tête du gouvernement. Le choix porté sur ce dernier n’était pas fortuit et IBK ne l’a pas nommé par hasard. Incontestablement Il est l’un des meilleurs de sa génération, et il doit  cette nomination par ses qualités d’homme d’Etat rarement vues dans l’espace politique Malien : travailleur, consciencieux, courageux, énergique, patriote ayant le sens de la responsabilité, compétent etc. Pas seulement ça, le Premier Ministre sortant séduit surtout par ses qualités morales et sa probité, denrées rares au Mali et force le respect par son sérieux et son engagement.

En 2009 dans un billet publié sous le titre : De grâce laissez Mara travailler pour le salut de la commune IV! Nous disions :

………Moussa Mara a toujours été l’homme à abattre, peut-être parce qu’il s’est toujours élevé contre l’establishment local fait de corruption, de malversations, et d’enrichissement illicite ? Peut-être parce qu’il a toujours voulu faire la politique autrement au travers d’une gestion saine des ressources, d’une bonne gouvernance ? Ou peut-être parce que tout simplement il est jeune, et donc immature et un brin ambitieux ? Son âge, sa popularité, son succès, son ambition dérangent. Il est évident que c’est un futur adversaire politique dangereux, un jeune aux dents longues qu’il faut écarter avant qu’il ne soit trop tard, car son ascension fulgurante, ses capacités et talents politiques peuvent lui permettre de jouer les premiers rôles dans un proche avenir. Il y a sûrement un peu de tout cela dans cette « chasse à l’homme »…

La suite est connue. Quatre petites années plus tard, Monsieur Mara s’est retrouvé propulser à la tête du gouvernement après un bref passage au ministère de l’urbanisme et des politiques de la ville. On peut sans risque de se tromper, dire que cet homme n’a pas fini avec le Mali ou que le Mali n’a pas fini avec cet homme ! Wait and see.

 

L’inimitié du RPM envers Mara

 

Le Parti présidentiel, majoritaire à l’Assemblée Nationale n’a jamais digéré le choix porté sur Mara lequel n’a jamais réussi à être adoubé par ses ténors. Au contraire tout  a été mis en œuvre pour le faire dégager de la primature car apparaissant à leurs yeux comme un opportuniste, un usurpateur, un imposteur roulant pour lui-même.  C’est un secret de polichinelle, Mara n’avait pas les coudées franches au sein de la mouvance présidentielle.

 

 

La visite controversée à Kidal

 

 

Le déplacement de Mara dans le septentrion en parfait accord avec le Président de la république IBK, (car il ne saurait en être autrement) lui a valu récriminations, blâmes allant jusqu’à exiger son départ de la primature. En cela la communauté internationale notamment la France, le Mouvement Nationale de Libération de l’Azawad (MNLA) l’opposition Malienne n’ont pas chômé.

 

Le passage de Mara à l’hémicycle

 

Ses échanges pour le moins musclés et assez polémiques autour de dossiers sensibles avec les députés de l’opposition au sein de l’hémicycle ont détérioré pour de bon une relation qui n’était pas des plus cordiales. Une motion de censure a même été initiée par l’opposition parlementaire en son temps et qui a échoué.

 

L’amère réalité du terrain avec la perte de Kidal avait émoussé IBK. Désormais la volonté présidentielle pacifique et faisant  preuve de docilité auprès de la communauté internationale notamment la France dans la gestion de la crise sécuritaire, cadrait mal avec le maintien de « celui par qui le malheur arriva » même si  nous pensons par ailleurs que dans ce dossier on lui fait un faux procès. Mara était indubitablement sur une chaise éjectable car aux yeux des mouvements armés Mara constituait un blocage, et la France de son côté n’avait pas apprécié ce « volontarisme suicidaire ».

Le scandale financier lié à l’achat du matériel militaire et de l’avion présidentiel a certainement affecté le gouvernement dans son ensemble. Le remaniement était inévitable et  IBK a fait d’une pierre deux coups. Faire partir Mara démontrant ainsi sa volonté de décrispation dans la gestion de la crise sécuritaire et contenter certains de  ses partenaires, mais aussi réaffirmer sa volonté d’une gouvernance « clean » en se séparant de certains ministres cités dans le scandale financier. Mais en réalité il est difficilement admissible de croire que les tares du pouvoir d’IBK se limitent uniquement à ces changements. L’on ne va pas s’abriter derrière un faux fuyant pour se refaire une nouvelle virginité synonyme d’acquiescement populaire !

 

Moussa Mara n’a pas démérité, bien au contraire. Son passage à la primature est globalement positif au-delà des bisbilles politiciennes. Rigide, trop jeune, inexpérimenté, orgueilleux, hautin, imbu de sa personne, pressé, ambitieux….tout a été dit, mais ce qu’il faut retenir au final c’est que Moussa Mara a été un bon Premier ministre malgré tout !

 

Son successeur MODIBO Keita bénéficie de préjugés favorables, mais saura-t-il composer utilement avec IBK pour le bonheur des Maliens ? Les attentes sont là plus que jamais et les Maliens s’impatientent. IBK, celui qui voulait faire le pari de la jeunesse, de l’avenir, de l’espoir a fait un volt face incroyable par ce choix. Plus de révolution de palais, IBK fait un rétropédalage et revient au « classique » dans la gestion du pouvoir, pourvu qu’il ne se soit pas trompé !

 

Makan DIALLO

Avocat aux Barreaux de Paris et du Mali

Docteur en Droit

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