Si François Hollande ne fera pas d’annonce lors de ses voeux pour 2014, les sujets sur lesquels sa parole est attendue sont légion. De la Centrafrique à la mise à plat de la fiscalité, du Mali à la courbe du chômage, du FN qui attend les échéances électorales avec gourmandise aux sujets de société qui, comme en 2013, peuvent s’enflammer, tour d’horizon des sujets que devraient aborder le chef de l’Etat ce 31 décembre. Ou qui occuperont une place prééminente en 2014.
Trois défis sur la scène internationale
Le risque de l’enlisement en Centrafrique
La Centrafrique occupera sans aucun doute une bonne place dans l’intervention du chef de l’Etat lors de ses voeux aux Français. Car l’opération Sangaris, que l’on imaginait d’une moindre ampleur que celle au Mali, se révèle finalement plus redoutable pour les troupes françaises. François Hollande avait prévenu qu’il ne s’agirait que d’une opération de sécurisation en soutien à des forces africaines déjà présentes. Et l’effectif déployé, 1.600 hommes, ne permettait d’ailleurs pas d’avoir des ambitions plus audacieuses. Pourtant, en 2014, la France restera en première ligne. Pire, elle pourrait être rapidement confrontée au risque d’enlisement. Le bourbier est encore loin, mais la première mission de désarmement et de cantonnement des groupes armés un mois après le début de l’opération est mal engagée. Les “ennemis” qui se fondent dans la population sont difficile à identifier. Et leurs armes difficile à récupérer.
Si la France veut stopper la spirale de haine et d’horreur qui menace la Centrafrique de guerre civile, elle devra envoyer des hommes supplémentaires. Ou partir ? Peu probable, sous peine de voir le pays plonger encore plus dans le chaos, et la France par là même se décrédibiliser. François Hollande ne peut ni compter sur les troupes des forces africaines sous-équipées et mal-entraînées, ni sur ses partenaires européens qui ne souhaitent pas s’engager davantage militairement.
Au Mali, la menace terroriste n’est pas écartée
La situation est un peu plus sous contrôle au Mali. Même si, un an après le début de l’opération Serval, l’heure n’est toujours pas au bilan. En 2014, la France sera toujours au Mali -et elle y sera encore pour quelques années. Sur le terrain, le dispositif militaire doit être allégé, passant de 2.800 à un millier d’hommes en février 2014.
Pour autant, la menace terroriste dans la bande sahélienne n’aura pas disparu et Paris devra réadapter sa mission en fonction de cet effectif réduit. Les terroristes et leurs chefs, dont le désormais célèbre Mokhtar Belmokhtar, sont en fuite mais déterminés à ne pas abandonner le combat.
Sur le plan politique, à Kidal, d’où est partie la révolte, le dialogue entre le MNLA et Bamako est au point mort. Sans accord politique, difficile d’entrevoir un retour à la sécurité.
La formation de l’armée malienne et la poursuite de l’aide au développement constitueront en outre des éléments déterminants pour stabiliser le pays.
Dossier syrien : la France sans voix
“Si Genève-2 doit être la confirmation de Bachar al-Assad ou la transition politique de Bachar al-Assad à Bachar al-Assad, il y a quand même peu de chances que l’on reconnaisse ce rendez-vous comme ayant été la solution politique pour la question syrienne”. On aura connu François Hollande, qui s’exprimait ainsi le 20 décembre, plus vindicatif sur le sujet…
Le président et son ministre des Affaires étrangère Laurent Fabius avaient pourtant pris la tête ces deux dernières années des soutiens à l’opposition syrienne, aidant à former les Amis du peuple syrien, faisant voter des sanctions par l’Union européenne contre le régime syrien, présentant des résolutions au Conseil de sécurité et allant, en septembre, jusqu’à promouvoir une solution militaire après la confirmation de l’utilisation par Damas d’armes chimiques contre sa population. Las… Sans soutien américain sur la voie militaire, face à la montée des courants islamistes sur le terrain et aux victoires militaires d’Assad, Paris a très vite eu le verbe un peu moins haut. Et le risque est grand de voir François Hollande rester sans voix en 2014 .
Alors que de nombreux espoirs résidaient dans la tenue de Genève-2 où une transition politique devait être organisée, petit à petit, ces attentes se sont taries sans qu’aucune autre solution au conflit meurtrier n’émerge. La tenue de Genève-2 le 22 janvier ne devant malheureusement pas y changer grand-chose.
Le chômage, le chômage, toujours le chômage… et les impôts aussi
L’inversion enfin à l’horizon ?
2013 devait être l’année de l’inversion de la courbe du chômage ? 2014 sera aussi l’année de l’inversion de la courbe. Et même DES inversions. Car pour l’instant, le chômage ne diminue pas franchement. Certes, celui des jeunes est en baisse depuis l’été, rappelle le ministère du Travail. Certes, les chiffres de décembre ne seront connus qu’en janvier, note Michel Sapin. Certes, en moyenne, le nombre de demandeurs d’emplois baisse de 1.350 par mois au dernier trimestre, alors qu’il augmentait de 30.000 au début de l’année, grâce aux emplois aidés, aux emplois d’avenir et aux contrats de génération. Mais pour une baisse réelle, il faudra attendre le retour d’une croissance forte. Et ce n’est pas pour tout de suite. Perspectives mornes en Europe, remontée des taux aux Etats-Unis, baisse de la demande dans les pays émergents : l’investissement des entreprises se fait attendre en France. Résultat : les économistes prévoient entre 0,6% et 1,3% de croissance du PIB l’année prochaine, le gouvernement 0,9%. Insuffisant pour occuper les 150.000 nouveaux arrivants sur le marché du travail et ceux qui pointent déjà à Pôle emploi. De quoi faire osciller la courbe du chômage jusqu’en 2015.
Remise à plat ou pas remise à plat des impôts ?
L’annonce surprise d’une “remise à plat” fiscale a donné à Jean-Marc Ayrault un sursis à Matignon. Elle va aussi donner des migraines à tout le gouvernement en 2014. Les principaux ingrédients d’une grande réforme sont connus : fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, prélèvement à la source, réforme du financement de la sécurité sociale. La France a des taux théoriques élevés qui freinent l’investissement et cultivent le “ras-le-bol fiscal”, des exceptions parfois injustes qui font chuter les recettes, et des dépenses publiques pas toujours optimales. Problème : la réforme devra se faire à niveau de prélèvements constant, ce qui revient à prendre aux uns pour donner aux autres. Un véritable défi politique, vu la vitesse avec laquelle la fronde des bonnets rouges a forcé le gouvernement à repousser l’application de la taxe poids lourds. De quoi aussi inquiéter les investisseurs, pour qui la stabilité est un élément décisif. “Nous n’allons pas défaire ce qui a été fait, notamment en direction des entreprises, pour stimuler la croissance. Nous nous adressons au monde économique en disant clairement que nous voulons simplifier et stabiliser”, assure Jean-Marc Ayrault, qui a lancé des groupes de travail. Les premières proposition, attendues pour l’été, seront intégrées à la loi de finances à l’automne. Mais François Hollande a déjà prévenu : la réforme prendra “le temps du quinquennat”. Et ensuite ?
Quel avenir pour la rigueur ?
L’une des principales contraintes de la majorité, réduire les déficits publics rapidement tout en stimulant la croissance, vient tout droit de Bruxelles. Mais en 2014, les élections au Parlement européen déboucheront sur une nouvelle équipe à la Commission. Une nouvelle fois, les chefs d’Etat et de gouvernements vont engager un bras de fer sur le casting : exit Jose Manuel Barroso, place à… moins de rigueur, plus de fédéralisme ? Mutualisation des dettes, multiplication des investissements commun… A Bercy, Pierre Moscovici plaide même pour la création d’un budget de la zone euro, qui serait en charge de créer un système d’assurance chômage européen. Pas sûr, toutefois, que la chancelière Angela Merkel, même en coalition avec les sociaux-démocrates du SPD, fasse preuve de plus de souplesse aujourd’hui. L’Allemagne réclame d’abord la création de contrats engageant les Etats-membres auprès de Bruxelles sur les réformes structurelles à mener. Car pour assurer l’épargne et la retraite d’une population vieillissante, nombre d’Européens semblent toujours bien décidés à réclamer davantage de productivité à sa population active. Que pense la France de tout ça ? Sans victoire de la gauche européenne, flexibilisation du marché du travail, réduction des déficits et libre échange resteront les maîtres mots du projet européen.
Les élections, c’est maintenant ; le remaniement, c’est pour quand ?
Retrouver la cote
Alors que le chef de l’Etat comptait sur ses initiatives sur la scène internationale pour redorer son image, il enregistre, en cette fin d’année, une cote de confiance tombée sous la barre des 25%, un record sous la Ve République. A trois mois des municipales et quatre des européennes, peut-il rebondir? La réponse dépend sans doute essentiellement du succès ou pas de sa politique économique, et notamment de sa fameuse promesse d’inverser la courbe du chômage. Mais le chef de l’Etat doit aussi restaurer sa cote personnelle, sérieusement amochée.
Il a fini l’année 2013 en faisant remonter à la surface son image de M. petites blagues, après sa boutade sur la sécurité en Algérie. Son image de président rassembleur, par opposition à son prédécesseur, avait aussi été écornée par les huées et sifflets du 11 Novembre au matin sur les Champs-Elysées, et ceux qui ont accompagné sa visite le même jour à Oyonnax, dans l’Ain, où il rendait un hommage à la Résistance. Début octobre, dans les allées du “Sommet de l’élevage” de Cournon-d’Auvergne, dans le Puy-de-Dôme, il avait aussi été copieusement conspué.
Plus grave, l’épisode Leonarda: il a imprimé dans l’esprit des Français l’image d’un président négociant directement, par télé interposée, avec une gamine de 15 ans.
Des élections en forme de sanctions ?
Ce désamour des Français va-t-il se traduire dans les urnes municipales et européennes ? Les socialistes insistent, eux, sur l’aspect local du scrutin municipal. Ils partent avec quelques avantages, puisqu’ils dirigent la majorité des villes de plus de 30.000 habitants (et la quasi-totalité de celles de plus de 100.000). Pour les conserver, ils travaillent sans relâche à unir la gauche dès le 1er tour. “Mais le contexte national est plutôt favorable à la droite, il y aura un vote-sanction à l’égard du gouvernement qui sera probablement nettement plus puissant qu’en 2008, où c’était déjà violent” pour le camp Sarkozy, prédit le politologue Jérôme Fourquet, de l’Ifop. Le danger viendra surtout de l’Est : Strasbourg, Metz, Reims sont menacées. Dans l’Ouest, Angers et Laval sont des cibles de choix pour l’UMP. Tous les regards se tourneront aussi vers Marseille, que le socialiste Patrick Mennucci espère ravir à l’UMP Jean-Claude Gaudin. > Six villes à surveiller
Le FN en embuscade
Le FN pourra-t-il priver l’UMP de nombreuses conquêtes et faciliter la reconduction de socialistes dans certaines mairies ? Au vu de ses scores dans les élections partielles – au premier mais aussi au second tour -, la formation d’extrême droite devrait provoquer plusieurs dizaines de triangulaires. Aujourd’hui quasiment absent des conseils municipaux, le FN espère s’emparer d'”au moins dix villes”, selon Marion Maréchal-Le Pen. Si le parti frontiste ne devrait rafler que quelques mairies, il compte bien étendre son maillage territorial en installant des conseillers dans de nombreuses villes et faire de ses prises de guerre des vitrines utiles. Un moyen de combler son “déficit de crédibilité”, selon sa présidente, Marine Le Pen, qui entend montrer que son parti est désormais en mesure de “gérer” des municipalités et de faire oublier Vitrolles, Marignane, ou encore Orange.
Le score du FN aux européennes sera également regardé de près. Vote contestataire par excellence, le scrutin européen pourrait offrir une victoire symbolique au parti d’extrême droite, qui semble en mesure de passer devant le PS et l’UMP. Selon un sondage Ifop pour “Le Nouvel Observateur” du 9 octobre, le Front national est crédité de 24% des intentions de vote contre 22% pour l’UMP et 19% pour le PS. Le 25 mai au soir, le Front national pourrait bien se proclamer “le premier parti de France”. Un tremblement terre qui serait une défaite pour François Hollande. Mais aussi pour l’ensemble des partis républicains.
UMP : en attendant Sarkozy…
A l’UMP, 2014 sera, c’est promis, l’année de l’union. Finies les petites phrases, les critiques acerbes et les positions polémiques… Le parti compte bien récolter les fruits de l’exaspération ambiante. D’où l’empressement de son président Jean-François Copé à insister sur “la portée nationale” du scrutin municipal. Et celui de François Fillon à l’ériger en “référendum contre l’assommoir fiscal”.
Mais il y a peu de chances pour que les choses se passent ainsi, même si le parti presque rassemblé présentera à la fin du mois de janvier ses 10 propositions pour la France lors d’un congrès national. Une jolie photo de famille unie, qui ne devrait pas refléter l’atmosphère de l’année. Car chaque seconde qui passe est une de moins avant la primaire pour la présidentielle de 2017: l’année qui s’ouvre sera donc plus que jamais celle des ambitieux. Sarkozy en tête.
L’ex-président, dans ses vœux de Noël publiés sur Facebook, l’a promis aux Français : “je serai toujours là parmi vous”. Aux dernières nouvelles, habilement disséminées par ses visiteurs dans ses bureaux de Miromesnil, Nicolas Sarkozy pourrait prendre la parole au courant de l’été, au lendemain des élections européennes. Pour le forcer à revenir dans l’arène, certains à l’UMP plaident pour que la primaire présidentielle soit organisée en 2015 et non en 2016, à l’instar de Valérie Pecresse, Laurent Wauquiez ou encore Alain Juppé.
Le temps du remaniement
En annonçant par surprise, le 19 novembre, une “remise à plat” de la fiscalité, Jean-Marc Ayrault semble avoir sauvé son poste à Matignon… Mais pour combien de temps ? On voit mal le chef de l’Etat changer de Premier ministre en pleine campagne électorale, alors que les municipales et les européennes approchent. En cas de revers sévère en revanche, les jours d’Ayrault seront comptés.
Un mois seulement après son annonce sur la grande “mise à plat” fiscale, une grande majorité de Français (64%) disait toujours souhaiter un remaniement avec changement de Premier ministre, selon le baromètre BVA. Selon notre sondage LH2 de novembre, les Français aimeraient voir succéder à Ayrault à Matignon Manuel Valls, pour 35% d’entre eux, contre 21% pour Martine Aubry et 9% pour Laurent Fabius (19% des sondés ne choisissent aucune des personnalités proposées, 10% ne se prononcent pas).
Les réformes de société au point mort ?
PMA, fin de vie, les “mariages pour tous” de 2014 ?
Après une année riche en contestations sur le plan sociétal, et durant laquelle les anti-mariage homo sont montés au créneau, d’autres chantiers épineux pourraient raviver les tensions. Si la loi famille, attendue en mars, écartera la question de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes, François Hollande s’était engagé au printemps à suivre l’avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Il devrait se prononcer en mars.
Le Parlement devrait par ailleurs être saisi avant la fin de l’année d’un texte de loi sur la fin de vie. Sur ce point, l’avis définitif du CCNE est attendu en février. Un panel de citoyens réuni par le Comité s’est de son côté prononcé en faveur d’une “légalisation du suicide médicalement assisté” mais contre une inscription de l’euthanasie dans la loi.
Le printemps sera aussi marqué par le débat autour de la réforme pénale. Le projet de loi, qui vise à lutter contre la récidive, va créer une nouvelle peine hors de prison : la contrainte pénale. Repoussés après les municipales, les travaux du Parlement débuteront le 8 avril. Les débats s’annoncent houleux, tant la droite est vent debout contre le projet.
Sarah Diffalah, Estelle Gross, Donald Hébert et Audrey Salor – Le Nouvel Observateur
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