Deux soldats français ont été tués « au combat » dans la nuit de lundi à mardi à Bangui, au cours des opérations de désarmement des milices dans la capitale centrafricaine où le président François Hollande est attendu dans la soirée.
Cinq jours après le début officiel de son intervention et 24 heures, l’armée française affirme avoir sécurisé la capitale mais fait désormais face à des « accès de violence », pillages et tentatives de représailles contre les civils musulmans, lourds de menaces pour la suite des évènements.
Près de l’aéroport, des commerces appartenant à des musulmans ont été pillés dans le quartier Combattants, a constaté l’AFP. Leurs propriétaires ont été évacués par des soldats tchadiens de la force africaine, et le calme est revenu à la mi-journée.
Dans la ville, les soldats de l’opération française Sangaris ont poursuivi pour la deuxième journée consécutive le désarmement des groupes armés –visant en priorité les combattants musulmans de l’ex-rébellion Séléka–. Ils opéraient notamment à la sortie nord de Bangui où ils fouillaient les véhicules.
Alors que les combattants en armes de la Séléka avaient totalement disparu des rues lundi, quelques-uns ont fait leur réapparition mardi à bord de leur pick-ups, apparemment avec l’accord tacite des soldats français et de la force africaine (Misca).
deux soldats
Premiers morts français
Deux soldats du 8ème régiment de parachutistes d’infanterie de marine de Castres (sud), « sont morts au combat la nuit dernière à Bangui », a annoncé la présidence française.
Il s’agit des premières pertes françaises depuis le déclenchement jeudi soir de l’intervention française Sangaris, dans la foulée d’un feu vert de l’ONU.
Les deux hommes ont été tués lors d’un échange de tirs « à très courte distance » avec des individus munis d’armes légères, selon le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian. Ils sont décédés peu après de leurs blessures, malgré leur prise en charge par un antenne chirurgicale. L’incident a eu lieu près de l’aéroport, où est basé l’essentiel du dispositif français.
Alors que la situation reste très instable dans Bangui après les massacres inter-religieux de la semaine dernière qui ont fait quelque 400 morts, le président Hollande fera étape mardi soir dans la capitale centrafricaine, de retour d’Afrique du Sud où il aura assisté le jour-même à la cérémonie d’hommage à Nelson Mandela.
Venu « saluer et encourager » les militaires de Sangaris, il rencontrera le Premier ministre Nicolas Tiangaye et surtout le président Michel Djotodia, ex-chef rebelle de la Séléka qu’il avait très vivement critiqué samedi dernier.
M. Hollande en appellera « à leur sens des responsabilités » et va leur demander de « faciliter par tous les moyens le retour au calme », selon l’entourage du chef de l’Etat français.
Son arrivée devrait nécessité un important dispositf de sécurité autour de l’aéroport M’Poko. La compagnie Air France a annoncé la suspension de son vol hebdomadaire vers Bangui « pour des raisons de sûreté ».
Dans le cadre de l’opération Sangaris (du nom d’un papillon rouge local), la France a déployé 1.600 militaires en Centrafrique, pour l’essentiel dans Bangui mais aussi dans le nord-ouest du pays, en appui à la force africaine présente sur place, la Misca, désormais forte de 3.000 soldats.
Les soldats français ont pour mission de « rétablir la sécurité, protéger les populations et garantir l’accès de l’aide humanitaire », a rappelé la présidence française dans son communiqué de mardi, rendant hommage aux « sacrifice des deux soldats » tués dans la nuit.
En France, le parlement français débat dans l’après-midi de l’opération Sangaris, au cours d’une réunion convoquée par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Ce débat, exigé par la Constitution, ne fera pas l’objet d’un vote. Le Premier ministre a déjà rencontré dans la matinée les principaux responsables parlementaires, se félicitant « d’une large communauté de vues de l’ensemble des participants » en faveur de l’opération.
Des inquiétudes s’expriment de plus en plus ouvertement en France sur une opération annoncée comme « humanitaire » et relativement rapide, et qui pourrait s’avérer beaucoup plus longue et délicate que prévu.
Selon Paris, il s’agit en effet aujourd’hui de désarmer tous les groupes armés, ramener la stabilité dans un pays totale décomposition et organiser des élections libres « avant 2015″ en remplacement du régime actuel, coalition rebelle à dominante musulmane arrivée au pouvoir par les armes en mars 2013 après avoir renversé le président François Bozizé.
Soif de vengeance
Selon l’état-major français, la quasi-totalité des groupes armés ont été désarmés dans Bangui, où la population cherchait à se ravitailler après des journées de quasi-paralysie de tout activité.
L’urgence pour les militaires français semble désormais de contenir la vengeance des populations de la capitale, en très grande majorité chrétiennes, contre les ex-Séléka et la minorité civile musulmane qui y est associée.
Dans une ville de près d’un million d’habitants, le contingent français -numériquement limité- et les hommes de la Misca pourraient ainsi se retrouver en difficulté pour contrôler cette soif de vengeance.
Frustrés d’avoir été désarmés et cantonnés dans leurs bases, beaucoup d’hommes de la Séléka sont de leur côté furieux, car s’estimant privés par les Français de tout moyen de se défendre –avec leurs familles et leurs proches– face à la vindicte populaire.
Très peu d’information arrivent par ailleurs des provinces, totalement coupées du reste du pays. « On peut malheureusement s’attendre à découvrir prochainement des centaines de corps dans la brousse », s’inquiétait un responsable d’une ONG internationale.
« Nous sommes dans une dynamique infernale de représailles », avec le spectre d’un +match retour+ des chrétiens et de nouvelles tueries de la Séléka dans leur retraite vers leurs bastions du nord, analyse cette source.