Comme un serpent qui change de peau, le président Umaro Sissoco AMBALO, le grand républicain, a enfilé son costume de dictateur, menaçant d’expulsion la mission de médiation de la CEDEAO dépêchée pour renouer le dialogue avec son opposition au tour de la fin du mandat. Décidément, après les pays de l’Alliance des Etats du Sahel, la CEDEAO est en difficulté en Guinée-Bissau où elle a, d’ailleurs, joué un rôle important dans la confirmation des élections du président Embalo. Sur le terrain, la CEDEAO est en phase de devenir une organisation de bras cassé pour respecter et faire respecter ses directives sur la bonne gouvernance.
En Guinée-Bissau où les tensions sont vives entre le régime en place et l’opposition au tour de la fin du mandat du président Embalo, la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a dépêché une mission pour tenter de faire renouer le dialogue politique dans ce pays coutumier des troubles politiques.
Arrivée le 21 février pour trouver une solution aux divergences entre le pouvoir et l’opposition sur la date de la fin du mandat du président Embalo, la mission annoncée en grande pompe a tourné court.
En coup de vent, la délégation de haut niveau a plié ses bagages sous la menace d’expulsion du président Embalo alors qu’elle ’’a préparé un projet d’accord pour une feuille de route pour la tenue des législatives et de la présidentielle et a commencé à le présenter aux parties prenantes pour leur consentement’’.
Que contient cette feuille de route ?
Qu’est-ce qui a mis en colère Embalo à vouloir menacer une mission de la CEDEAO ?
Ironie du sort que le président Embalo chasse une mission de la CEDEAO dont l’intervention, en 2020, en demandant à la Commission nationale électorale de son pays de procéder à une vérification des procès-verbaux, alors que le président sortant à l’époque contestait son élection, a permis Embalo de briguer la magistrature suprême.
Ce jour-là, l’implication de la CEDEAO a évité une crise post-électorale en Guinée-Bissau où le président a pris ses fonctions le 27 février 2020.
Contre toute attente et toute civilité diplomatique, le président Embalo refuse, en menaçant d’expulsion des missionnaires, le dialogue proposé par celle-ci sur les tensions autour de la fin de son mandat constituant une vive préoccupation de l’organisation sous régionale prompt à agir, généralement en pompier.
Cette visite tournée en vinaigre est la preuve, parmi tant d’autres, que la CEDEAO est en perte de vitesse et affaiblie par des années de violations de son protocole sur la bonne gouvernance.
Un déclin à l’aune notamment des deux poids, deux mesures de la CEDEAO qui châtie les coups d’Etat militaires et déroule le tapis rouge au pouvoir issu de changements illégaux de constitution pour se maintenir au pouvoir.
Aucun chef d’État ne s’en est offusqué. Alors que personne ne soit surpris que la CEDEAO soit une organisation à bras cassés sur le terrain, incapable d’imposer le respect de ses textes qu’elle viole sans état d’âme.
Par ailleurs, comme un revirement de position, celui qui plaidait pour le respect du protocole de bonne gouvernance de la CEDEAO pour promouvoir notamment la démocratie, semble enfiler le costume de dictature refusant tout dialogue alors que son mandat est arrivé à terme depuis jeudi dernier, selon l’opposition.
Décidément, la reconversion de Umaro Sissoco Embalo en démocrate n’est pas encore achevée. Lui, à l’image de nombreux chefs d’Etat, ne brandit les valeurs démocratiques que lorsqu’elles lui sont favorables. Dans le sens contraire, elles sont, en revanche, foulées au pied.
C’est lui encore qui défendait la création d’une force d’attente de la CEDEAO contre les coups d’Etat en juillet 2022, agit en véritable putschiste et défie l’organisation dont il est membre.
En effet, lors d’une conférence de presse conjointe tenue le 28 juillet 2022 avec Emmanuel Macron, Embaló déclarait : « tout le monde » doit « comprendre que nous sommes au XXIe siècle et qu’il est inadmissible et inacceptable de faire des coups d’État ».
Et d’ajouter que l’on « ne peut penser que pour arriver au sommet de l’État” par coup d’Etat. Selon lui, seul le peuple a le droit de sanctionner les dirigeants, mais pas avec des coups d’État militaires.
Deux ans après cette déclaration fracassante, il s’accroche au pouvoir et évite la médiation de la CEDEAO censée apaiser la tension. Que fait-il de ces valeurs ? Que vaut ce discours aujourd’hui ?
PAR SIKOU BAH
Source : Info Matin