Tombouctou se stabilise petit à petit. Les déplacés et réfugiés continuent de revenir ; la ville trouve tant bien que mal son visage naturel. Tout cela a été rendu possible grâce à plusieurs efforts conjugués, avec la Minusma qui a un bureau à Tombouctou. Elle devrait créer de nouveaux camps militaires dans certaines localités de la région de Tombouctou. C’est ce qui ressort de l’entretien que le chef de bureau de la Minusma à Tombouctou nous a accordé.
La Minusma à Tombouctou, qu’est-ce que ça représente ?
Cécilia Piate : La Minusma dans la région de Tombouctou représente plus de 900 militaires. Nous avons ici le contingent burkinabè qui est présent sur l’ensemble de la région. Cela représente aussi 140 policiers qu’on appelle PFIU, ainsi qu’une présence civile qui s’occupe de questions d’appui à l’Etat : la restauration de l’Etat, l’appui à la société civile, la promotion et le monitorage des droits de l’homme. Une composante civile très diverse, chacun avec sa propre spécialité. C’est aussi une composante d’appui qui est importante, de façon à ce que la partie opérationnelle puisse être à même de fonctionner. C’est une présence également à Goundam et nous avons aussi une patrouille statique à Ber. Il est prévu à ce que notre présence s’élargisse avec la création de camps à Léré, à Goundam. On aura un camp plus substantiel à terme à Ber aussi. Nous allons renforcer nos effectifs avec une infrastructure plus importante à Gossi. Qui, elle, est assurée par TOGOBAT.
Vos élargissements vont commencer à partir de quel mois ?
Alors nous programmons, mais pour le moment, c’est un travail qui est progressif. Nous sommes concentrés sur notre camp à Tombouctou. Mais les plans sont en cours et les dispositifs à l’identification du terrain sur lesquels les camps vont se faire, et les plans d’architectes, si l’on veut, d’ingénieurs, sont en cours pour les autres camps secondaires. Nous attendons que le tout soit réalisé progressivement. Mais, au plus tard, au mois de mai ou juin dans ces zones-là.
Dans la ville de Tombouctou, qu’est-ce que la Minusma fait auprès de la population ?
Nos activités, c’est d’abord les patrouilles internes qui nous permettent d’avoir une présence dans les habitations, les lieux habités, mais aussi le long des axes. Les axes qui rejoignent les différents villages, les axes qui sont utilisés par les forains ; tous les jours nos hommes patrouillent à l’extérieur comme je l’ai dit. C’est aussi une présence de nuit, par exemple en ville, avec nos policiers qui patrouillent la nuit ; ils patrouillent à pied jusqu’à deux heures du matin. C’est aussi un appui, comme je le disais tout à l’heure, à la restauration de l’autorité de l’Etat, du système de justice et le système pénitentiaire, qui sont essentiels pour le retour de l’Etat de droit. Il y a aussi un appui à la gendarmerie et à la police. Dans le cadre du système pénitentiaire, nous travaillons main dans la main avec le PNUD qui, comme vous le savez, a un programme d’appui à la restauration de l’autorité de l’Etat. Dans le cadre duquel un certain nombre de résultats tangibles ont été réalisés et continueront de l’être dans l’ensemble des cercles, avec la réhabilitation de plusieurs édifices publics. Mais qui va aller de paire avec un appui qui porte sur la formation et le fonctionnement des institutions.
Est-ce que les populations vont bénéficier des formations ?
Pour revenir à cette question de justice, il y aura tout un volet lié à l’accès à la justice. Là, on touche aux justiciables ou aux plaignants. Nous appuyons aussi la société civile. Vous savez que la société civile est très importante, les autorités traditionnelles sont très importantes dans le nord et à Tombouctou en particulier. Et là, on appuie également la société civile dans le cadre de ce processus de dialogue qui est en cours. Nous pensons qu’écouter leurs voix est importante, et c’est dans ce sens que nous œuvrons.
On voit qu’il y a 3 forces ici, la Minusma, les FAMA et Barkhane. Est-ce qu’il y a un travail d’ensemble ?
Oui, absolument. Je dirai que ces trois forces sont en contact régulier, permanent ; chacune a ses responsabilités. La responsabilité de la sécurité des personnes et de leurs biens appartient aux forces de sécurité maliennes. Nous sommes là en appui ; un certain nombre de patrouilles mixtes ont également lieu. Avec les Fama mais avec également la gendarmerie et la police. Avec Barkhane également, les contacts sont réguliers. Là aussi, je dirai que chacun a ses objectifs spécifiques. Mais tout se fait dans la complémentarité et dans la bonne entente et la bonne coopération. C’est une coopération de tous les jours.
Vous avez participé à la réhabilitation de la gendarmerie de Tombouctou ; on vous voit dans des actions de ce genre. Est-ce que ça fait partie de votre mandat ?
Là, vous faites allusion au projet impact rapide, qui est effectivement un projet, qui nous permet de faire des réalisations rapides qui ont des valeurs de 22 millions Fcfa au maximum. L’avantage est que ce programme nous permet d’agir sur différents volets. Un des volets que nous avons exploités est celui de permettre rapidement à la gendarmerie et à la police de travailler dans des conditions adéquates. C’est ainsi que la réhabilitation d’un certain nombre de postes de gendarmerie et de police a été entreprise, et nous voulons vraiment continuer. Nous souhaitons rétablir ce qu’on appelle la chaîne pénale : toucher à la fois les forces de sécurité, la magistrature, la justice et aller jusqu’au système pénitentiaire. Si un des maillons dysfonctionnait, c’est l’ensemble du système qui en pâtirait. Il est important de rétablir cette chaîne pénale. Mais bien sûr, d’accompagner ce processus par une amélioration à l’accès à la protection des citoyens. Et là-dessus, je voudrais aussi parler du travail qui est fait par la division des droits de l’homme -qui est essentiel. Qui, au quotidien, suit la situation ; qui est en contact avec les victimes, qui conduit également les entretiens avec les personnes détenues, mais aussi qui promeut les organisations de défense des droits de l’homme.
Vous avez parlé de Ber avec une patrouille statique ; vous allez faire quoi en plus ?
Depuis les événements, nous avons établi une présence à Ber et à la limite de Ber. Une présence qui a comme effet que la situation est sous contrôle, qui nous permet d’avoir le lien avec la population de Ber et les groupes armés qui sont là-bas. Notre présence est essentielle et se motive par le mandat que nous avons pour protéger les civils. Il y a une population civile importante qui vit à Ber. Donc, à partir de là, nous patrouillons dans Ber et dans ses environs. Nous pensons que notre présence a permis d’atténuer les tensions dans la zone.
Ici, à Tombouctou ville, est-ce que vous travaillez avec les femmes ?
Les femmes sont très présentes. Elles sont très actives, elles jouent une part importante dans la société et sur l’ensemble de la région. Elles sont très bien organisées ; elles ont une capacité de mobilisation incroyable et admirable. C’est pourquoi elles sont prises en compte pratiquement dans toutes nos activités. C’est un principe que les Nations unies ont d’intégrer la dimension genre dans toutes les activités. Ce n’est pas seulement une intégration, mais aussi une prise en charge de leurs préoccupations particulières : leur donner la voix et l’espace d’exprimer leurs préoccupations.
Aujourd’hui, est-ce que la Minusma est satisfaite du retour des réfugiés et déplacés, la vie qui reprend petit à petit ?
Nous avons vu au cours des mois, lent mais progressif et continu, le retour des déplacés et des réfugiés. Nous nous en félicitons. Nous avons aussi constaté que le retour se fait dans le calme. Les retournés ont été intégrés dans le tissu socio-économique et accueillis par ceux qui sont restés. Ici à Tombouctou mais aussi dans les villages. Quand on prend la route, on voit actuellement de plus en plus de villages avec femmes et enfants devant les maisons, les cases et autres. On voit de plus en plus de bêtes aller dans les pâturages ; chose qui était rare il y a quelque temps. La plupart des endroits étaient totalement abandonnés. Tout ceci est un signe positif qui montre qu’il y a une reprise de confiance. Ça, c’est fondamental pour un retour durable !
Est-ce que vous avez des mots pour conclure cet entretien ?
C’est exprimer notre accompagnement le plus proche des préoccupations des populations. Bien sûr, dans le respect de notre mandat. En tout cas, il y a un engagement très ferme d’être aux côtés des populations.
Kassim TRAORE
Source: Le Reporter