La justice espagnole a ordonné ce jeudi 2 novembre le placement en détention provisoire de huit des quatorze membres du gouvernement catalan destitué, pour sédition et rébellion. Selon son avocat belge, Carles Puigdemont est désormais visé par un mandat d’arrêt européen.
Quatorze membres du gouvernement catalan destitué étaient appelés à comparaître ce jeudi à Madrid. La juge de l’Audience nationale, Carme Lamela, devait les entendre dans le cadre de l’enquête pour sédition, rébellion et détournement de fonds publics suite au référendum sur l’autodétermination organisé le 1er octobre et à la proclamation unilatérale de l’indépendance de la Catalogne le 27 octobre.
Huit d’entre eux ont été placés en détention provisoire. Parmi ces responsables séparatistes figure le vice-président de la Generalitat, Oriol Junqueras. Un neuvième ministre, qui avait démissionné avant la proclamation d’indépendance, a également été écroué, mais il sera libéré après le versement d’une caution de 50 000 euros.
La décision de détenir provisoirement mes clients est absolument non-motivée et disproportionnée. Nous estimons qu’il n’y a ni délit de sédition ni délit de rébellion, malgré ce qu’essaye d’affirmer le parquet. Aussi n’y avait-il aucun risque que nos clients prennent la fuite. La loi permet d’adopter des peines moins lourdes quand c’est possible. On aurait simplement pu leur retirer leur passeport, leur interdire la sortie du territoire ou les obliger à pointer régulièrement au poste de police. La détention provisoire n’est donc pas motivée, selon nous. Cela dit, mes clients sont sereins et ils appellent au calme. En particulier le peuple de Catalogne. Il faut que la tranquillité continue, qu’il n’y ait pas de manifestations de violence d’aucun type pour que ceux qui voudraient voir s’appliquer des mesures encore plus répressives n’aient aucun moyen de les justifier.
La présidente du Parlement catalan destitué Carme Forcadell, deux députés et trois membres du bureau du Parlement ont quant à eux obtenu un report de leur audition jusqu’au jeudi 9 novembre. Carme Forcadell a qualifié sur Twitter le placement en détention des « ministres » de décision « injuste et indécente ».
« Tous en prison. Sentiment de grande injustice. Jour très triste pour la démocratie », a réagi pour sa part Jaume Alonso-Cuevillas, un avocat de l’ex-président catalan Carles Puigdemont et de son parti, le PDeCAT (Parti démocrate européen catalan).
Ce que risque Carles Puigdemont
Carles Puigdemont est lui-même désormais visé par un mandat d’arrêt européen, affirme son avocat à la télévision flamande. Le parquet espagnol a requis ce mandat contre l’ancien président catalan et quatre de ses anciens ministres.
A Bruxelles, un magistrat chargé du dossier doit l’examiner afin d’en déterminer la régularité, la recevabilité et les objections que la personne recherchée est susceptible de faire valoir pour éviter son extradition, indique notre correspondant à Bruxelles, Quentin Dickinson. Carles Puigdemont peut alors être représenté par son avocat flamand, Me Paul Bekaert, du barreau de Bruges.
Mais avant cela, les autorités belges doivent interpeller le fugitif. Tant que cela n’est pas fait, la machine judiciaire est dans l’impossibilité de se mettre en branle. Or peu de gens savent où se terre l’ancien président de la Generalitat. S’il devait être arrêté en Belgique et comparaître comme prévu devant un juge d’instruction, Carles Puigdemont, qui ne remplit aucune des clauses suspensives de l’automaticité de l’exécution du mandat d’arrêt européen, serait livré aux autorités espagnoles au plus tard dans les deux mois.
Manifestation de soutien à Barcelone
A Barcelone, plusieurs centaines de personnes se sont réunies dès 18h au parc de la Ciutadella où se trouve le Parlement catalan, rapporte notre correspondante sur place, Leticia Farine. Malgré quelques lanternes, le lieu du rassemblement était plutôt sombre et les manifestants ont piétiné pendant un moment dans l’obscurité en attendent devant une petite estrade les prises de paroles des membres de l’Assemblée nationale catalane et d’Omnium Cultural, les deux mouvements indépendantistes qui ont convoqué ce rassemblement.
Drapeau indépendantiste au vent dans leur main ou accroché à leur cou, ruban jaune du mouvement sécessionniste épinglé sur la poitrine, les manifestants portaient des affiches avec écrit « Démocratie » ou encore « Libérez les prisonniers politiques ». Les cris de ralliement se sont enchaînés pendant plusieurs heures. On a entendu ça et là « Puigdemont président », « vous n’êtes pas seuls », « pas de retour en arrière », « Dehors la justice espagnole » ou encore « Grève générale ».
Après avoir passé la journée scotché devant la télévision, à écouter la radio ou à consulter les informations sur leur portables, les pro-indépendantistes se sont dits très indignés ce soir après la décision du parquet de mettre en détention provisoire plusieurs membres du gouvernement catalan. Même si plusieurs personnes ont confié qu’elles n’étaient pas surprises de cette décision, compte tenu que la justice était selon elles de mèche avec le gouvernement. Ce rassemblement indépendantiste, le troisième aujourd’hui, pourrait bien être le plus important.
rfi.fr