Le sélectionneur belge de l’Algérie Georges Leekens a démissionné mardi au lendemain de l’élimination au premier tour de la CAN: la valse des techniciens se poursuit et relance le débat au recours systématique des entraîneurs étrangers à la tête des Fennecs.
« Vu la pression qui est exercée sur la fédération et l’équipe nationale, j’ai préféré arrêter mon contrat par amitié pour le président de la Fédération qui mérite le respect », indique celui qui était passé une première fois à la tête des Fennecs en 2003, sur le site de la fédération algérienne (FAF). « Pour le bien de tous, je préfère donc partir même si je le fais avec un pincement au cœur en souhaitant toute la réussite du monde à l’équipe nationale », conclut le technicien de 67 ans.
Le ministre algérien de la Jeunesse et des Sports, El Hadi Ould Ali, a qualifié mardi la participation algérienne de « médiocre », nécessitant une évaluation « dans le calme » afin de « trouver des solutions, loin de toute critique négative ».
Dans une déclaration à l’agence APS, le ministre a soutenu que « tout le monde doit endosser la responsabilité de cet échec » et que la FAF « doit donner des explications aux peuple ».
Sélectionneur local ou étranger ? Voilà le débat qui agite sans cesse la scène sportive algérienne relancé. Ali Fergani, l’un des « héros » vainqueurs de l’Allemagne au Mondial-1982 au 1er tour estime, ainsi auprès de l’AFP que la FAF opte pour un étranger par « manque de confiance vis-à-vis des entraineurs locaux ».
Fergani, qui fut l’entraîneur des Fennecs durant la CAN-1996, souligne qu’il y en a « qui sont capables de mener à bien cette mission ».
La légende vivante Rabah Madjer, qui donna son nom à une talonnade, abonde dans le même sens en affirmant que « ces dernières années, la FAF marginalise ce qui est local. C’est malheureusement un complexe ».
« Je n’ai rien contre les entraîneurs étrangers, je les respecte mais combien de Coupe d’Afrique avons-nous gagné avec ces entraîneurs étrangers ? Rien ! », assène encore l’ancienne star du FC Porto. « Avec cette politique (de recours aux coachs étrangers) nous ne sommes pas sortis de l’auberge ».
– « Erreur de casting » –
L’analyse de Madjer doit cependant être relativisée. Quand l’Algérie a gagné sa seule CAN en 1990, le sélectionneur était en effet algérien: Abdelhamid Kermali. Mais la meilleure performance de l’Algérie dans un Mondial, le 8e de finale époustouflant perdu contre l’Allemagne en 2014, s’est réalisée avec un étranger sur le banc: le Franco-Bosnien à poigne Vahid Halilhodzic.
Ces derniers mois ont été marqués par une valse incroyable des entraîneurs à la tête des Verts: trois titulaires étrangers et un intérimaire algérien se sont succédé en 2016, dont Leekens qui n’aura tenu que trois mois…
Fergani dénonce « une erreur de casting » récurrente en déplorant le choix du Français Christian Gourcuff (août 2014-avril 2016), « un entraîneur de club qui n’avait jamais entrainé une sélection nationale ».
Son successeur, le Serbe Milovan Rajevac (juin à octobre 2016) fut pour Fergani « une catastrophe », écarté « parce que des joueurs se sont ligués contre lui et que, bizarrement, la Fédération les a suivis ».
« Ce n’est pas bon qu’il y ait autant d’entraîneurs en si peu de temps », assène encore Fergani, en précisant qu’il « faudrait une direction technique forte, très forte et ne pas laisser tout faire par le président de la Fédération ».
Fergani assure encore « qu’il y a des entraîneurs locaux qui feraient très bien l’affaire ». Pour lui, la FAF pourrait ramener « une pointure » étrangère et lui assigner comme adjoint un jeune entraîneur algérien qui prendrait la relève par la suite.
– « Triste pour mon pays » –
Il cite pour exemple, entre autres, Kheïreddine Madoui, Abdelkader Amrani, Adel Amrouche qui « mériteraient qu’on leur donne leur chance ».
« A-t-on besoin d’un entraîneur étranger pour servir notre football, pour servir l’équipe nationale? Je ne le pense pas », tranche plus abruptement Madjer.
« L’Algérie est une grande nation du football qui a formé de grands joueurs et de grands entraîneurs », martèle encore celui qui fut aussi sélectionneur (1993-1995).
Lors du départ de Gourcuff, la FAF avait commenté sur son site internet: « Les techniciens de très haut niveau sont excessivement chers ».
Madjer réfute cet argument et pointe du doigt la précarité du poste: « Un entraineur avait été viré après un match nul face au Cameroun… ».
Le Français Rolland Courbis, un temps sondé, avait refusé, déclarant plus tard: « Le contrat proposé était résiliable tous les mois pendant vingt mois ! C’est comme un contrat d’un mois renouvelable, c’est inenvisageable ».
Face à l’absence de candidats après Rajevac, « on a été cherché Leekens qui avait déjà officié à la tête des Verts en 2003 avant d’être viré. Il est revenu pour sauver ces gens-là, parce qu’ils n’ont trouvé personne d’autre », tacle encore Madjer.
« Je suis triste pour mon pays. Je suis triste pour le football et l’équipe nationale de mon pays », conclut Madjer.