Il n’a ni le regard perçant et mystérieux d’Assimi Goïta, le putschiste malien, ni la stature de colosse de Mamady Doumbouya, le tombeur d’Alpha Condé en Guinée. Sur les rares photos disponibles de lui – la variété et les tirages devraient sensiblement augmenter ces prochains jours –, le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba apparaît légèrement replet, invariablement coiffé de son béret rouge de parachutiste et habillé du treillis brun jaune, propre à l’armée du Burkina Faso.

L’officier de 41 ans, qui a renversé Roch Marc Christian Kaboré, lundi 24 janvier, et détient toujours l’ex-président, est un pur produit de son institution. Pour le qualifier, ses camarades de la promotion 1992 du Prytanée militaire de Kadiogo l’ont ainsi tout simplement surnommé « L’Armée ». Un de ses anciens supérieurs se souvient d’« un chef efficace, très proche de ses hommes, impliqué sur le terrain et prenant des initiatives », lorsque le lieutenant-colonel, devenu dirigeant de fait du Burkina Faso, commandait les forces antiterroristes à Ouahigouya, à 180 kilomètres au nord de la capitale.

Promu en décembre 2021 à la tête la troisième région militaire, la plus importante du pays, le lieutenant-colonel Damiba affiche le CV d’un officier en constante progression. Régiment de sécurité présidentielle (RSP) – l’unité d’élite de l’ancien président Blaise Compaoré qu’il quitte après des mutineries en 2011 –, commandement de régiments d’infanterie engagés dans la lutte contre les groupes djihadistes dans le nord du pays. « Il n’hésitait pas à se rendre à son PC avancé de Djibo et à mener des opérations de ratissage », relate l’officier supérieur précédemment cité.

« Passionné de réflexion stratégique »

L’homme de terrain « taiseux » cache « un passionné de réflexion stratégique », selon un autre de ses pairsDiplômé de l’Ecole de guerre de Paris, le lieutenant-colonel Damiba est également titulaire d’un master 2 en sciences criminelles du Conservatoire national des arts et métiers de Paris, où il fut élève d’Alain Bauer. Considéré par les siens comme « un intellectuel », il a publié en 2021 Armées ouest-africaines et terrorisme : réponses incertaines ? (éditions Les 3 Colonnes, 160 pages).

Le nouvel homme fort du Burkina Faso n’est pas un putschiste récidiviste dans ce pays qui compte déjà huit coups d’Etat réussis depuis son indépendance en 1958. En 2015, il avait refusé de prêter main-forte à la tentative de coup de force de ses anciens frères d’armes du RSP, comme il en a témoigné devant la justice. Pas rancunier, le général Gilbert Diendéré lui avait souhaité pendant une audience de son procès « beaucoup de courage » dans le combat contre les djihadistes… et peut-être un peu plus ?

Source: Le Monde