Une lueur d’espoir. « On peut enfin souffler, la vie a repris à Djibo », murmure un habitant de la grande ville du nord du Burkina Faso, rencontré à la gare routière du quartier Larlé de Ouagadougou. Après plus d’un an de suspension, bus et camions de marchandises circulent à nouveau depuis octobre sur « l’axe de la mort », comme les Burkinabés surnomment cette route sur laquelle le maire et le grand imam de Djibo ont été exécutés en 2019 et 2020.
Il y a encore quelques mois, la ville était sous blocus. Des groupes armés contrôlaient les pièces d’identité et tuaient les notables. Désormais, « ils sont partis, il n’y a plus d’attaques, c’est redevenu calme », assure un pasteur qui guette l’arrivée du bus et rapporte avoir failli être lui-même tué par des « terroristes » en juin dernier.
Que s’est-il passé à Djibo, « ville martyre » devenue le symbole du basculement du pays dans la spirale djihadiste ? « Accords », « négociations »… Depuis des mois, les rumeurs vont bon train. « Ça a pris tout le monde de court. Du jour au lendemain, on a vu des anciens combattants aller et venir, sans armes, dans la ville. On se doute qu’il y a eu des pourparlers, mais personne n’ose le mentionner de peur d’avoir des problèmes », explique une source locale, jointe par téléphone, sous le couvert de l’anonymat.
Changement de stratégie
L’option de la négociation avec les groupes terroristes pourrait faire débat lors du prochain sommet du G5 Sahel, qui doit se tenir à N’Djamena (Tchad) les 15 et 16 février. Cette voie embarrasse la France, engagée avec plus de 5 000 soldats au Sahel, mais aussi le Burkina Faso, qui l’a toujours officiellement repoussée.
Face aux attaques, les autorités burkinabées prônent la riposte militaire. « Nous ne négocierons pas avec ceux qui ont pour projet de démanteler le Burkina Faso et de mettre à mal notre vivre-ensemble », avait martelé M. Kaboré pendant la campagne pour les élections présidentielle et législatives de novembre 2020, alors que plusieurs candidats se disaient favorables à un changement de méthode.
Ces derniers mois pourtant, malgré cette fermeté affichée, les signes d’une inflexion sont de plus en plus manifestes. Le 4 février, le premier ministre, Christophe Dabiré, a même évoqué pour la première fois, après son discours de politique générale, « la possibilité, si nous connaissons de façon claire les responsables de la situation aujourd’hui, que nous puissions engager éventuellement des discussions avec ces gens-là ». Une telle ouverture marquerait un changement de stratégie majeur dans la lutte contre le terrorisme au Burkina Faso, où les violences ont déjà fait plus de 1 600 morts et 1 million de déplacés depuis 2015.