Dans plusieurs pays d’Afrique, des artistes s’engagent, parfois au péril de leur sécurité, voire de leur vie, pour dénoncer les tares de la société et les dérives des régimes en place.

(FILES)– A file photo taken on February 14, 2015 shows Ivorian reggae artist Moussa Doumbia, known as Tiken Jah Fakoly, speaking during an interview in Goma. Fakoly was turned back upon his arrival at the airport of Kinshasa on June 19, 2015, where he was supposed to give a concert on June 21 at the Jazz Kif 2015 festival. According to an organizer of cultural events in Kinshasa and a diplomatic source, it has become extremely difficult to bring artists into the country since March 15, when about thirty people, including rappers and civil society activists, were arrested during a meeting on good governance in Africa. AFP PHOTO / FLORY MUMENA
Entre menaces, incompréhensions et exils, les artistes engagés défient les interdits en Afrique. Sur le continent, de nombreux artistes musiciens restent des voix dissidentes, au risque de l’exil, des menaces ou des arrestations.
Au Togo, le reggaeman Amen Jah Cissé illustre cet engagement dans sa reprise poignante : « Mon Togo va mal… « . À travers ce titre, il dénonce la situation dans son pays et salue le courage de son confrère Aamron, arrêté après avoir osé critiquer le pouvoir.
« Aamron a réveillé un peuple qui dormait. Il a donné du courage à ceux qui étaient découragés de la politique. Il a dénoncé un système qui a pris un peuple en otage. Le gars n’est pas fou, il est juste normal », affirme Amen Jah Cissé.
Un combat sans frontières
Pour l’artiste, la liberté d’expression est un combat sans frontières qu’il poursuit à travers des chansons comme Actualités brûlantes, en duo avec Tiken Jah Fakoly. Mais ce type d’engagement est souvent mal compris.
Dans « Actualités brûlantes, ma partie a seulement touché le Togo et Fakoly a continué avec les pays comme la Côte d’Ivoire, Cameroun, et les pays de l’AES. Mais les gens ont mal compris Fakoly. Fakoly n’est pas contre les pays de l’AES, moi non plus », précise-t-il, face aux critiques qui leur reprochent de viser certains régimes plus que d’autres.
Cette incompréhension, Elie Kamano, rappeur guinéen, la partage. Accusé d’avoir une posture sélective, il rappelle la gravité de la situation dans des pays comme le Burkina Faso : « On ne peut pas donner la démocratie à un peuple qui n’est pas sécurisé. Donc pour moi, le cas du Togo, de la Guinée, du Sénégal et de ces autres pays n’est pas comparable aux pays de l’AES, qui ont vu leur population se faire massacrer. Moi, si mon pays brûlait comme le Burkina, je mettrais ma voix au service des autorités pour combattre l’ennemi. »
Des artistes sur le chemin de l’exil
La parole libre a aussi conduit des artistes sur le chemin de l’exil, à l’image du Rwandais Jean-Paul Samputu. « J’ai été le premier artiste, le premier Rwandais survivant du génocide à pardonner l’homme qui a tué mon père. J’ai des gens qui me menacent chaque jour, qui me disent « on va te tuer, tu vas voir », mais je m’en fous. Moi, mon véritable ennemi, c’est ma haine, ce n’est pas l’être humain. Alors les gens qui ne comprennent pas deviennent des ennemis », confie-t-il.
Qu’ils soient au Togo, en Guinée, au Rwanda ou ailleurs, ces artistes engagés lancent un appel aux jeunes du milieu musical : bannir la peur, dénoncer les injustices, mais aussi promouvoir la paix, le pardon et le vivre-ensemble. Un message que chacun d’eux porte à travers ses notes et ses mots.