En pleine saison des pluies, période cruciale pour les travaux des champs, le téléphone d’Issoufou Porgo, secrétaire permanent de la Confédération paysanne du Faso, sonne sans cesse. « Beaucoup de cultivateurs n’ont toujours pas pu trouver d’engrais, tout le monde est très inquiet », rapporte-t-il. Au Burkina Faso, pays semi-aride où plus de 80 % de la population vit de l’agriculture, la flambée des prix des intrants touche de plein fouet les producteurs, dépendants des fertilisants importés pour la croissance des cultures.
Fin février, l’invasion de l’Ukraine par la Russie, deuxième exportateur mondial derrière la Chine, a contribué à enflammer le cours des engrais azotés. En Afrique de l’Ouest, où 50 % de l’urée et 70 % du potassium, un composant essentiel des produits NPK – fertilisants génériques dont le nom est issu des éléments chimiques qui les composent : N pour l’azote, P pour le phosphore, K pour le potassium –, sont importés de Russie et de Biélorussie, les prix ont doublé, et même triplé sur certains marchés.
Au Burkina Faso, qui enregistre la plus forte pénurie dans la région, les paysans craignent des conséquences catastrophiques pour la campagne agricole, déjà gravement impactée par les violences djihadistes, les effets du changement climatique et les répercussions de la crise du Covid-19.
Dans la vallée du Sourou, l’un des greniers du pays, dans la région Nord, ils ont été contraints, avec l’arrivée des premières pluies, de commencer à semer sans engrais. « Je n’ai pas eu le choix, c’est le moment de repiquer le riz. Après une semaine, il faut ajouter des fertilisants, mais je n’ai rien pu trouver dans la région », regrette Siaka Soro, le président de l’Union des coopératives agricoles du Sourou.
« Marché saturé »
Comme ce riziculteur, presque aucun producteur, sur les 50 000 de la vallée, n’a pu s’approvisionner. Et les prix des rares sacs disponibles ont atteint des sommets. Les granulés d’urée et de NPK, les produits les plus utilisés, coûtent de 50 % à 80 % plus cher, selon les données d’Africa Fertilizer, une initiative de collecte et d’analyse de données du marché. « Jusqu’à 35 000 francs CFA [53 euros] le sac de 50 kilos, contre 19 000 francs CFA avant, on n’a jamais vu ça ! » assure Siaka Soro. Même si les paysans burkinabés utilisent huit fois moins d’engrais que la moyenne mondiale, soit 17 kilos par hectare, ces intrants restent déterminants pour le rendement de leurs cultures, de plus en plus dégradées par les sécheresses au Sahel.