De grands mouvements de protestation populaire, notre pays en a connu depuis qu’il a accédé à l’indépendance. Nous pensons naturellement au soulèvement du 3 janvier 1966, qui a abouti à la chute de la IIIe République.
Nous pensons aussi aux grandes journées des 17 et 18 décembre 1975 où une grève générale, jamais rééditée dans l’histoire syndicale de la Haute-Volta au Burkina Faso, a donné un coup d’arrêt au Mouvement national de renouveau (MNR) à travers lequel Lamizana a tenté de caporaliser le peuple.
Passons sur les grandes marches déclenchées au début des années 90 par la Convention des forces démocratiques (CFD) pour réclamer la conférence nationale souveraine et les contremarches symétriques organisées par l’Alliance pour le respect et la défense de la Constitution (ARDC).
Comment ne pas faire également mention des grands mouvements de la lutte contre l’impunité déclenchée par le Collectif d’organisations de masse et de partis politiques qui ont abouti aux réformes politiques et institutionnelles opérées en 2000 faute d’avoir pu élucider par voie judiciaire les circonstances exactes de l’assassinat de Norbert Zongo et de ses trois compagnons d’infortune en rade de Sapouy?
Plus proche de nous, il y a la marche de l’opposition du 29 juin 2013 qui avait fait foule à la place de la Nation et à travers les rues de la capitale. Cette journée de juin avait eu quelque chose de positif en ce que le chef de l’Etat avait pris bonne note en décidant de surseoir à la mise en place du Sénat, dont le processus avait commencé avec l’élection des sénateurs de régions.
Et voilà la marche du 18 janvier 2014. Loin de nous l’idée de nous engager dans la guerre des chiffres entre organisateurs de la marche-meeting et la police. Comme cela se passe sous tous les cieux, il est de bonne guerre qu’on se renvoie les chiffres. Mais qu’on s’arrête aux 1000 manifestants affichés par la police ou, si on préfère, aux 250 000 revendiqués par les organisateurs, une chose est sûre et certaine : il y a eu foule à la place de la Nation et à travers les différentes artères retenues par les acteurs pour déployer les troupes. Oui, il y a eu foule à Ouagadougou, Bobo-Dioulasso, Koudougou, Ouahigouya, Banfora, Dédougou et Kaya, selon les informations que nos correspondants dans ces localités nous ont fait remonter. Toute chose égale d’ailleurs et de l’avis d’observateurs neutres qui suivent ces chose-là depuis le mémorable 3-Janvier, on peut dire que ce qui s’est passé ce samedi 18 janvier n’a pas eu de précédent en ce qui concerne la mobilisation populaire.
Alors, reposons la question : que va faire Blaise Compaoré face à l’ampleur du mouvement qui s’est déployé à travers toutes nos grandes villes contre la mise en place du Sénat et surtout contre les velléités de déverrouillage de l’article 37 ?
On sait que, concernant le verrou constitutionnel, son entourage le pousse à violer la clause limitative à deux mandats consécutifs.
On en veut pour preuve le récent meeting de la FEDAP/BC au palais de la Culture de Bobo-Dioulasso, au cours duquel le maintien au pouvoir de leur champion au-délà de 2015 a été réclamé à l’unisson et à qui mieux mieux.
Vers qui le chef de l’Etat aura-t-il l’oreille tournée ?
Vers ceux qui l’exhortent à la fuite en avant, quitte à foncer droit dans le mur ou plutôt vers ceux-là qui conseillent le respect de la Constitution en l’état ?
Pour notre part, comme nous ne nous en sommes jamais cachés, nous souhaitons que ce soit plutôt les seconds qu’il écoute. Nous souhaitons surtout qu’en les écoutant, il sache prendre de la hauteur et ne pas s’arrêter à certaines déclarations et rodomontades de nature à fouetter son amour-propre.
Gageons, pour terminer, qu’en bon stratège, il doit être en train d’échafauder, s’il ne l’a pas fait bien avant, un plan B qui ne passe pas forcément par la modification de l’article 37. En quoi faisant ? En sortant, par exemple, de son chapeau un candidat venant du CDP ou hors du CDP.