Boulkessi-Mondoro : quels enseignements et quelle stratégie contre le terrorisme
La galéjade des soldats qui fuient comme des lapins au moindre au coup de feu frise l’indécence face au sacrifice que les hommes consentent en terme d’engagement et de sacrifice. Toutefois, la vieille rengaine de l’absence de matériels pour les forces engagées sur le terrain qui fait de l’Etat le bouc émissaire N°1 des tragédies ne peut toujours prospérer dans un contexte asymétrique. La lucidité commande de bien tirer les enseignements sur le terrain, de réévaluer nos capacités opérationnelles et de bien peaufiner une stratégie globale. Voilà les conseils de notre compatriote Boubacar Traoré, diplômé en relations internationales et spécialisé sur les questions de développement dans le Sahel.
Attaques à Boulkessi et Mondoro dans le centre du Mali
L’attaque du lundi 30 septembre 2019 contre les deux villes maliennes Boulkessi et Mondoro situées non loin de la frontière entre le Mali et le Burkina Faso n’est pas la première du genre. L’assaut des terroristes contre ces localités est récurrent depuis 2016.
Le premier enseignement, c’est d’abord l’échec du dispositif global de lutte contre l’extrémisme violent dans le Sahel. Le déclenchement d’une attaque simultanée par les insurgés démontre qu’ils sont mieux organisés et mieux renseignés que les forces loyalistes et leurs partenaires.
Le second enseignement est le défi lancé directement à la force conjointe du G5 Sahel, dont le contingent malien a été attaqué à Boulkessi. L’attaque intervient surtout à une période cruciale pour le G5. En effet, le 14 septembre dernier s’était tenue, à Ouagadougou, une rencontre des Chefs d’État de la CEDEAO, afin de dégager des pistes crédibles pour lutter contre les terroristes. Profitant de cette réunion, les membres du G5 ont voulu lancer une nouvelle dynamique. Pour démontrer sa détermination, la force conjointe a immédiatement condamné la double attaque.
Le troisième enseignement est celui de l’absence de coopération transfrontalière entre le Mali et le Burkina. Malgré les attaques à répétition dans la même zone et avec le même modus operandi, de la part des insurgés, les forces nationales et leurs partenaires n’arrivent pas à améliorer la situation dans cet espace, ni sur le plan sécuritaire ni sur le plan du développement. La récurrence des attaques résulte d’une absence de l’État comme porteur de projets.
La situation dans le Sahel et principalement au Mali et au Burkina Faso est préoccupante et nécessite la définition d’une véritable stratégie à travers, entre autres, le renforcement des armées nationales comme priorité absolue.
L’organisation interarmes : ce qui manque le plus
Depuis plusieurs années, les autorités maliennes font face à une revendication récurrente, à savoir celle qui consiste à doter l’armée d’équipements. En effet, il est toujours douloureux de voir son armée en mauvaise posture. Les sociétés occidentales ont pendant de nombreuses années, tenté de faire croire au concept « zéro mort » grâce, entre autres, à l’innovation et au progrès technologique. Mais très rapidement, certains exemples vont démontrer les limites d’une telle conviction. L’échec de l’armée américaine en Somalie en 92-93 en est la parfaite illustration.
Dans des sociétés où le fait stratégique n’est pas maîtrisé, la population ramènera toujours le débat autour de l’absence de matériels. Pourtant la difficulté de faire travailler les différentes unités ensemble dans un cadre cohérent devrait être plus perceptible.
La formation de plus d’une dizaine de GTIA (Groupement Tactique InterArmes) par l’EUTM, n’est pas le fait du hasard, l’objectif étant de pallier à un grand manque que constitue l’absence de coordination entre les différentes armes.
Chaque arme est conçue pour répondre à une ou plusieurs exigences spécifiques, dans le but d’atteindre des objectifs bien précis. C’est pour cela qu’il en existe plusieurs sortes (offensives, défensives, de mêlée, d’appui, etc.)
Dans une situation normale, un GTIA est constitué en prenant en compte la nature de l’ennemi, le terrain, et des objectifs à atteindre. Un noyau dur du GTIA doit être permanemment constitué, afin de pouvoir y agréger rapidement des éléments supplémentaires dans le but d’être déployé rapidement.
Pour atteindre des résultats probants, le degré d’organisation doit être irréprochable.
L’architecture d’engagement des forces militaires est méconnue par de nombreuses personnes, d’où le débat incessant autour du matériel, qui garde tout de même une importance vitale.
Boubacar TRAORE