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BOUBACAR TRAORE, ARTISTE DE PASSAGE A PARIS » Les Maliens doivent se donner la main pour sortir de la crise »

Bluesman considéré comme l’un des meilleurs artistes du Mali, Boubacar Traoré dit Kar Kar est actuellement en tournée européenne après la sortie de son dernièr album « M’balimaou » (mes frères). Il s’est produit samedi 9 mai dans le cadre de la journée commémorative de l’abolition de l’esclavage au Théâtre traversière à Paris. En plus de son rapport à la musique, il y évoque dans cet entretien son passé, son retour à la chanson au début des années 90 ainsi que son rapport à la jeunesse malienne.

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Les Echos : Vous vous produisez dans le cadre de la journée de commémoration de l’abolition de l’esclavage, quel sentiment vous anime ?

Boubacar Traoré : C’est difficile d’en parler énormément de choses qui se sont passées durant l’esclavage. Les Africains ont souffert, ont été fatigués il y a longtemps de cela. Aujourd’hui, après avoir beaucoup voyagé, je dis Dieu merci car, l’Africain que se soit aux Etats-Unis, au Canada ou un peu partout, est fier.

Les Echos : Vous avez parlé de différents voyages. Vous êtes aujourd’hui de retour à Paris, c’est une ville que vous connaissez bien, où vous avez vécu. Pouvez-vous nous raconter ?

B.T. : Après le décès de ma femme Pierrette Françoise en 1989, je suis venu en France pour travailler. Je suis resté deux ans ici, en faisant des travaux de marteaux piqueurs, comme manœuvre dans le bâtiment. C’est en 1991 que des Anglais m’ont découvert grâce à ma cassette« Mariama » sortie en 1989. A partir de ce moment, ils ont tout fait pour que j’aille faire une tournée en Angleterre. C’est une longue histoire car ils m’ont retrouvé ici, puis le studio Harrison a produit mon nouvel album «« Mariama« . Ils ont alors financé une tournée dans 27 villes anglaises. Depuis lors, je suis sur scène, et cela grâce aux Anglais.

Les Echos : Justement, vous êtes sur scène, mais pendant très longtemps vous aviez abandonné la musique…

B.T. : Oui, pendant vingt ans ! Je suis noble, je ne suis pas griot (les griots sont traditionnellement, la caste des musiciens, ndlr). Au Mali, en étant que griot, on peut vivre sans faire de musique, tu peux aller voir quelqu’un en lui disant, «  je n’ai pas à manger « , et cette personne va te donner de l’argent. C’est une coutume que nous avons chez nous. J’ai eu beaucoup de succès dans les années 60, tout le monde me connaissait. Même aujourd’hui, si tu demande à un président, un ministre, ou n’importe qui d’autre, ils vont te dire qu’ils connaissent Kar kar. Au moment de l’indépendance, j’ai chanté des chansons qui ont lancé le Mali.

Les Echos : Lesquelles ?

B.T. : Il y a « Mali Twist », « Mariama » et « Kayes Ba », une chanson qui revêt quelque chose de sacré. Beaucoup de gens ont pensé à cette chanson pour en faire l’hymne national. Mais à ce moment là, il y avait un grand griot, Bazoumana Sissoko qui a finalement fait la musique de l’hymne. J’ai continué à avoir beaucoup de succès, mais je n’avais rien. C’est pourquoi j’ai arrêté la musique pendant 20 ans.

 

Les Echos : Qu’avez-vous faits durant ces 20 années ?

 

B.T. : J’ai fait du commerce, et des petites affaires.

 

Les Echos : Dans la chanson « Malidenew » vous appeliez les Maliens à construire le pays. Aujourd’hui dans la chanson « Bembalisso », vous faites le constat que la guerre est partout. Que pensez-vous de la situation actuelle du Mali ?

 

B.T. : Il y a la guerre au Mali, mais il y a aussi la guerre partout. J’ai donc eu l’idée d’une chanson pour que les gens comprennent ce qu’est« Bembalisso ». « Bembalisso » est un mot qui exprime le malentendu dans le monde. Aujourd’hui, tout le monde à peur. Moi, je suis musicien, ce que je raconte dans cette chanson est que si je sors, je vais mourir. Puis je me transforme en grand oiseau, des gens ont tué le grand oiseau. Je me transforme donc en petit oiseau, normalement, on ne fait pas de mal au petit oiseau, mais ils ont quand même enfermé le petit oiseau. Maintenant qu’est qu’on va faire dans ce monde ? Moi je dis, que lorsque on part au travail le matin et qu’on rentre chez sois le soir, il faut remercier Dieu,« Alhamdoulilaye ! ». On est devenu sur terre des morts vivants. Alors que je pense qu’il faut juste remercier Dieu, c’est ça le « Bembalisso ». Il n’y a pas qu’au Mali que ça ne va pas, c’est le cas dans le monde entier. C’est pourquoi j’ai inventé une chanson comme ça.

 

Les Echos : Dans le reste de votre répertoire, vous parlez d’amour, de la mort, de Kayes votre ville d’origine, d’espoir et de vos proches, que symbolisent pour vous toutes ces notions ?

B.T. : Je suis originaire de Kayes, je suis né là-bas, et j’y ai grandi. Je ne peux pas oublier ça. J’ai chanté des chansons sur Kayes et ses habitants car encore aujourd’hui, je pense à eux. Les jeunes filles, les garçons, beaucoup de gens m’aiment à Kayes, je ne peux pas les oublier. Les chansons tristes, aussi rappellent souvent ma femme Pierrette Françoise qui est décédée, mon grand frère aussi professeur de musique, il a fait huit ans d’études à Cuba, il est mort aussi. Mes frères sont morts, certains de mes enfants sont morts, c’est pourquoi je fais des chansons tristes.

Les Echos : Vous faites aussi des chansons pleines d’espoir…

 

B.T. : Oui, car j’aimerais que les gens soient courageux. C’est normal, en tant que musicien de faire des chansons pour que les gens apprécient. Pour qu’une personne mauvaise cesse de faire du mal aux autres. La musique que je fais est un message.

 

Les Echos : Comme par exemple dans la chanson « Malidenhou » ?

 

B.T. : Oui ! Ça c’est une chanson qui a touché tous les Maliens.

 

Les Echos : Dans ce sens, vous êtes considéré comme une légende la musique dans le monde entier. La jeunesse malienne à qui vous prodiguez des conseils est beaucoup plus féru de hip hop et peine à vous connaître. Quel est votre sentiment et votre rapport à la jeunesse malienne ?

B.T. : Il y a plusieurs générations et moi, je peux remercier Dieu d’en avoir connu beaucoup. La génération d’aujourd’hui, ce sont mes petits-enfants et ils me connaissent à travers les journaux. Même s’ils écoutent du hip hop ou du reggae, ils savent que je suis sur scène, que je suis leur grand papa.

 

Les Echos : Il y a-t-il un travail de transmission de votre part, que dites vous aux jeunes musiciens ?

 

B.T. : Il y a beaucoup de jeunes qui font de la musique traditionnelle. Je leur dis de continuer, à jouer de leur instrument. C’est ce qui est bien. Beaucoup d’autres font du reggae, du hip hop ou de la musique électronique, c’est bon aussi, mais pour moi, ce n’est pas ça normal. En musique, je préfère la musique instrumentale.

Propos recueillis à Paris

Par Kaourou Magassa

source : Autre Presse

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