Depuis l’instauration du couvre-feu, les femmes maliennes, notamment, celles de Bamako, n’hésitent pas à manifester leur « joie profonde » du fait que la mesure permettrait aux hommes de commettre moins d’infidélités. Celles dont les conjoints étaient constamment occupés à travailler au point de toujours rentrer tardivement à la maison, sont désormais obligés de se confiner en famille durant les heures du couvre-feu. Pour ce soudain changement d’attitude, les femmes ne peuvent, en effet, que s’en réjouir.
Statistiquement, le point de discorde le plus récurrent dans les couples au Mali, est l’absence quasi-régulière des hommes auprès de leurs conjointes. Ce n’est, en tous cas, pas les motifs qui manquent. Parmi les nombreuses raisons évoquées pour couvrir leur frivolité, celles liées au travail, prédominent très souvent avec des astuces multiples utilisées pour brouiller toutes les pistes. Les hommes infidèles peuvent être parfois d’une ingéniosité incroyable.
Certains hommes mariés, à force d’être des absentéistes chroniques, ont fini par acculer leur couple à la séparation. Certaines femmes, après être passées parmille moyens pour exprimer leur colère face aux sorties injustifiées de leurs conjoints, s’y sont habituées de force après s’être retrouvée face à leur propre impuissance. Quant aux enfants, il leur fallait nécessairement se patienter pour les weekends ou autres jours de repos de leurs pères pour pouvoir partager, ne serait-ce qu’un petit moment d’affection avec eux.
Mais, aujourd’hui, avec l’instauration du couvre-feu dans le cadre des mesures de prévention contre le Covid-19, les données ont complètement changé. Personne n’est assez fou pour se faire attraper par les policiers et se faire copieusement tabasser comme un gamin. Le couvre-feu a désormais obligé les hommes, notamment, les infidèles, à commettre moins de bêtises. Là où les cris impuissants des femmes au foyer martyrisées ont échoué, le couvre-feu a enregistré ses succès. Là où les pleurs pathétiques des enfants en manque d’affection paternelle, ont échoué, le couvre-feu a imprimé sa marque salutaire.
« Si cela ne tenait qu’à moi, le couvre-feu allait durer aussi longtemps que possible. J’ai subi toutes sortes d’humiliations à cause des sorties nocturnes et frivoles de mon mari comme s’il avait été envoûté par une force maléfique. J’ai fait intervenir toutes les personnes de bonne volonté pour lui prodiguer des conseils afin qu’il change. Mais il finit toujours par récidiver », nous a confiés, une jeune dame qui ne cache guère sa réjouissance face aux « bienfaits conjugaux » du couvre-feu. Au vu de tout ceci, la mesure semble n’avoir pas fait que de mal.
Moulaye DIOP