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Blocage dans la mise en oeuvre de l’accord d’Alger

Des observateurs s’interrogent sur la bonne foi de l’Algérie
Nicolas Normand, ancien diplomate français, un fin-connaisseur du dossier Nord-Mali pour avoir a été ambassadeur dans notre pays, décortique et fait le bilan de la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, signé à Bamako, mai-juin 2015, mais qui peine à être appliqué sur le terrain. Beaucoup de raisons expliquent, selon lui, ces difficultés d’application de l’accord tant du côté du gouvernement malien que de celui des groupes armés. Lisons plutôt !

L’accord d’Alger, perçu au départ comme une solution, et pour la communauté internationale, et pour le gouvernement malien, puisque conçu pour traiter sur le fond les rebellions répétitives du Nord, plus précisément de la région de Kidal. Cette solution, selon l’ancien diplomate français, repose sur l’idée d’une régionalisation très poussée, et pas seulement les régions du Nord, mais de toutes les régions du Mali.
«Bien entendu, il faut réaffirmer l’intégrité territoriale du Mali, il n’est pas question de donner le pouvoir à des séparatistes qui créeraient un Azawad indépendant au détriment des populations sédentaires du Nord. Et on réaffirme l’organisation des élections, car les groupes armés ne doivent pas survivre, selon l’accord, ils doivent être désarmés et il doit y avoir des élections pour désigner les responsables des régions. Maintenant dans l’application de ce schéma, on voit que les choses ne se déroulent pas bien», dira-t-il.
Pour autant, Nicolas Normand pense qu’il ne faut jeter l’accord aux orties, un accord qu’il n’accuse pas, mais peine à s’appliquer. Il constate plutôt des problèmes comme le fait que les groupes armés restent toujours armés, depuis 2015. Pire, déplore-t-il, il y a même désormais plus groupes armés au Nord. Et là, il ne parle pas des djihadistes, mais bien des groupes armés signataires, chaque tribu touareg et arabe du Nord ayant formé des groupes qui sont soit dans la plateforme, qui sont en principe des loyalistes, soit dans la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) qui était des séparatistes sont ralliés à l’autonomie.
Il y une multiplication des groupes armés, et il y aussi la coordination des mouvements de l’inclusivité qui sont apparus après.
Selon Nicolas Normand, cette tribalisation armée, est due au fait qu’il n’y a pas eu de désarmement. Il y a aussi la question du redéploiement de l’armée reconstituée qui, à ses yeux, a un peu dérivé, les groupes armés devant constituer les 2/3 de cette armée. Difficile pour lui donc de faire fonctionner une armée avec 2/3 des gens qui ne sont pas des militaires professionnels, mais des miliciens !
C’est d’ailleurs pourquoi les 1.504 soldats formés pour l’armée reconstituée ne sont pas fonctionnels ni à Kidal, ni à Tombouctou. Un échec donc pour l’ancien diplomate français ! Un autre fait qui n’a pas marché est, selon M. Normand, la régionalisation poussée qui nécessitait la modification de la constitution, mais qui n’a pu se faire, car de façon générale, il n’y a pas eu beaucoup de communication autour de l’accord. Pour lui, le gouvernement malien aurait dû expliquer cet accord est une solution et qui pouvait aussi améliorer la situation des autres régions du Mali.
Pour le reste, voici ce qu’il pense de la situation: «On a l’impression que l’accord été signé à la sauvette, il n’a pas été discuté au parlement, c’est donc un problème. Un autre problème de communication, c’est que les groupes armés n’ont joué le jeu comme il faut. Ils n’ont pas été désarmés et ils ont fait pire que cela, ils ont des défilés militaires qui ressemblaient à des provocations, ils brûlé le drapeau malien et arboré des fanions séparatistes un peu partout, ils célébré des anniversaires de l’insurrection, ils ont pris des lois et règlements de façon unilatérale… Ce sont des choses qui n’inspirent pas confiance.
Et finalement il y a eu un problème de défiance qui s’est installé, parce que dès lors que les groupes armés ne sont pas désarmés, dès lors qu’il n’y a pas eu délections aussi, cela a donné lieu à des autorités intérimaires. Et qui a désigné ces autorités intérimaires ? Pour les 2/3 aussi c’est des groupes armés ! Ces autorités intérimaires elles ne sont des légitimités démocratiques parce qu’elles ne sont pas élues. Elles représentent des groupes armés signataires qui sont minoritaires, puisque ne représentant que 30% de la population du septentrion malien, alors que les autres ethnies sont peu représentées dans ces groupes armés. Cela devait être corrigé dans l’accord par des élections qui n’ont pas eu lieu…
Donc si on veut sauver dans l’accord, et bien il faut avancer dans les désarmements, il faut que les groupes armés se transforment en partis politiques, il faut accepter des élections, il faut que les autorités élues représentent la population. Il faut donc des élections libres, qu’elles ne fassent sous la pression des groupes armés, et il faut en ce moment que le gouvernement mette en place les dispositifs institutionnels à travers la communication. Il y a donc beaucoup d’efforts à faire de tous côtés pour sortir des difficultés actuelles. Je crois que ce n’est pas communauté internationale qui pourrait résoudre cela. Je ne pense pas que les injonctions venant de un tel ou un tel soient utiles.
C’est vrai que l’Algérie a une responsabilité particulière, parce que c’est elle qui préside le comité de gestion de l’accord, c’est elle qui préside la médiation internationale. Pour l’instant, j’ai l’impression que ça a plutôt dérivé dans le sens favorable aux groupes armés, pas dans le sens favorable à Bamako. Je pense qu’il faudrait un peu recadrer tout ça. Alors, est-ce qu’il faut réviser l’accord, c’est aussi une question se pose.
Il y a certains éléments du texte de l’accord qui peuvent poser des problèmes sur l’armée reconstituée parce qu’elle n’est tout à fait composée comme armée normale, sur le fait que les présidents des régions sont élus au suffrage universel direct. Ce serait mieux que ce soit les conseillers régionaux qui soient élus au suffrage universel direct, et qu’ils élisent ensuite à leur tour les présidents».
Moussa DIARRA

 

Source: L’express de Bamako

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