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Blanchissement de capitaux et financement du terrorisme: les révélations de l’évaluation nationale des risques

La Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières (CENTIF) a tenu, hier, au CICB, un atelier national de dissémination du rapport de l’évaluation nationale des risques (ENR) de Blanchissement de capitaux et financement du terrorisme (BC/FT). Ledit rapport apporte des réponses sur les menaces et vulnérabilités du blanchissement de capitaux au niveau national ; les menaces et vulnérabilités du blanchissement de capitaux au niveau des secteurs; les menaces de financement du terrorisme ; les risques de blanchissement de capitaux relatifs à l’inclusion financière.

 

La Cellule Nationale De Traitement Des Informations Financières (CENTIF) est chargée, notamment de recueillir, d’analyser, d’enrichir et d’exploiter tout renseignement propre à établir l’origine ou la destination des sommes ou la nature des opérations ayant fait l’objet d’une déclaration ou d’une information reçue.
Elle émet des avis sur la mise en œuvre de la politique de l’État en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. A ce titre, elle propose toutes réformes nécessaires au renforcement de l’efficacité de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Le processus de l’ENR
Par rapport au processus en cours, le Président de la CENTIF a fait savoir que c’est conformément à la recommandation I du Groupe d’Action Financière (GAFI) et à l’article 10 de la Loi 008 relative à la lutte contre le blanchissement de capitaux et le financement du terrorisme que notre pays s’est volontairement soumis, en 2018, à son Évaluation Nationale des Risques (ENR) de blanchissement de capitaux et de financement du terrorisme. Cette activité qui consiste à une auto-évaluation lui a permis d’analyser et d’évaluer les menaces et les vulnérabilités au blanchissement de capitaux et financement du terrorisme tant au niveau national, sectoriel, qu’au niveau spécifique de l’inclusion financière.
L’ENR a été, fait-on savoir, conduite sur la base de la note d’orientation du Guide méthodologique de la Banque mondiale. Elle avait pour objectif : évaluer la menace nationale et celle des secteurs spécifiques ; évaluer la vulnérabilité nationale et des secteurs spécifiques ; identifier, analyser et comprendre les risques de BC/FT ; élaborer une politique et un plan d’action en vue d’atténuer ces risques ; mobiliser et allouer les ressources nécessaires pour la mise en œuvre efficace et efficiente du plan d’action, en tenant compte des priorités.
Lancée à la faveur d’un atelier national tenu les 17, 18, 19 octobre 2018, l’ENR est coordonnée par le CENTIF. Elle a consisté à collecter les données et informations, à les traiter et à les analyser en vue de dégager les menaces et vulnérabilités qu’elles dégagent.

Menaces et vulnérabilités au niveau national
Selon le rapport, la menace de blanchissement de capitaux au niveau national est moyennement élevée.
‘’L’évaluation de cette menace découle de l’analyse des infractions sous-jacentes de blanchissement de capitaux constatées pendant la période 2014-2018, dont les plus importantes sont : trafic illicite (drogue, médicament, cigarette) ; fraude (fiscale, douanière, et bancaire) ; traite des personnes et pratiques assimilées ; enlèvement, séquestration et prise d’otages ; atteintes aux biens publics’’.
En ce qui est de la vulnérabilité nationale, le Rapport révèle qu’elle est également moyennement élevée dans notre pays. Il souligne que si notre pays dispose d’un cadre législatif cohérent pour lutter contre le BC, il n’en demeure pas moins que les capacités des acteurs sont limitées (insuffisance de formation et sensibilisation, de coordination au niveau national, de ressources humaines et financières).
Menaces et vulnérabilités au niveau des secteurs
A ce niveau, le Rapport s’intéresse aux banques, assurances, titres, autres institutions financières. L’évaluation a permis d’identifier les principales vulnérabilités suivantes : la non-fiabilité de certains documents d’identification ; l’insuffisance de formation et de sensibilisation des assujettis.
Dans le secteur bancaire, dont le poids est déterminant dans l’économie nationale, le risque de blanchissement est jugé moyennement élevé. Il reste néanmoins exposé à un certain nombre de menaces : escroquerie, faux et usage de faux, abus de biens sociaux, faux monnayage, atteintes aux biens publics.
Au total, indique-t-on, 7 rapports émanant du secteur bancaire ont été transmis à la justice relativement aux infractions suivantes : 1 cas de faux et usage de faux en 2016 ; 1 cas de faux et usage de faux et escroquerie en 2017 ; 5 cas de faux et usage de faux et enrichissement illicite en 2018.
Les risques rencontrés dans ce secteur, selon l’évaluation, s’expliquent par : l’absence de mécanisme d’identification des bénéficiaires effectifs au niveau national qui rend leur détection difficile pour les banques ; l’insuffisance de mise en œuvre des obligations de vigilance par les banques ; la non-fiabilité des documents d’identification, la non-disponibilité d’un système d’information sur les bénéficiaires effectifs.
Le rapport traite également des risques de blanchissement de capitaux dans le secteur des titres, des assurances, des institutions financières autres que le secteur bancaire, le secteur des titres et celui des assurances, des EPNFD et OBNL.
Risque élevé de financement du terrorisme
A ce niveau, il ressort de l’analyse des données recueillies que le risque global de financement du terrorisme est globalement élevé.
« La menace terroriste est élevée, la vulnérabilité moyennement élevée ».
Durant la période examinée, révèle le rapport de l’évaluation nationale des risques, 3 cas de financement du terrorisme recensés ont abouti à la saisie de 23 665 250 FCFA.
Il est rappelé que depuis 2012, de grands espaces du nord du pays échappent au contrôle de l’État avec les groupes terroristes suivants qui y mènent des actions : Ansar Eddine ; Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans ; Al Qaeda au Maghreb islamique ; Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest ; Ansarul Al Islam.
De 2015 à 2018, documente-t-on, le pays a enregistré 660 incidents ayant entraîné 2 149 victimes.
Selon le rapport, l’interaction entre drogues, crimes organisés et terrorismes se traduit par des alliances à des fins de financement d’activités terroristes et/ou pour financer des opérations terroristes.
Depuis 2015, poursuit le document, ces groupes se substituent à l’État en se faisant payer en nature ou en espèces dans leurs zones d’évolution certaines prestations (sécurité, justice, etc.) et en percevant des droits de traversée, amendes islamiques, confiscation de biens suivant la charia.
« Il a été relevé que l’utilisation du cash est le moyen privilégié d’acheminement des ressources financières de ces groupes terroristes. Cependant, les terroristes utilisent également les services de transfert de fonds (non réglementés), les rançons de prises d’otages, les pillages des banques et les organismes à but non lucratif (associations, fondations, ONG).

L’inclusion financière
exposée au BC/FT
Les produits de l’inclusion financière n’échappent pas non plus au BC/FT. Les facteurs généraux de risque de BC/FT associés à ces produits sont : l’accessibilité des produits sur la quasi-totalité du territoire et même dans les zones à risque ; l’anonymat à la souscription (acceptation de porteur sans pièce officielle d’identité, absence de collecte de pièce des donneurs d’ordres et des bénéficiaires lors des opérations) ; impossibilité de confirmer l’identité du client lors de l’utilisation du produit : les ordres sont émis et exécutés de façon autonome par le client sans sa présence physique et sans intervention de l’émetteur qui, de ce fait, ne peut qu’assurer que le donneur d’ordre est la personne qu’il prétend être, dès lors que le code confidentiel est correct ; l’implication des espèces aux phases d’approvisionnement et de paiement ; la rapidité et l’instabilité des transactions qui compliquent la surveillance et peuvent compromettre le respect des mesures de gel de fonds ; l’existence de comptes multiples ; l’importance des activités économiques informelles ; la crise sécuritaire…
« Malgré les faiblesses ci-dessus citées, le niveau de risque de blanchissement de capitaux et de financement du terrorisme des produits d’inclusion financière est modéré pour le transfert international en zone UEMOA uniquement autorisé et faible pour les autres produits ».
Le ministre des Mines, de l’énergie et de l’eau, Lamine Seydou TRAORE, représentant son homologue de l’Economie et des finances, a relevé certains acquis enregistrés depuis l’adoption par le conseil des ministres du rapport de l’ENR et de son plan d’action.
« La synthèse du rapport a été publiée sur le site du CENTIF ; le code de procédure pénale a été modifié pour permettre l’élargissement des tribunaux compétents pour connaître des questions de blanchissement des capitaux ; un décret pour désigner les autorités de supervision et de contrôle des entreprises et professions non-financières désignées (EPNFSD) ; le comité interministériel de lutte contre le blanchissement de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT) a été élargi en commission nationale et sa base élargie ; l’autorité compétente en matière de gel administratif pour la mise en œuvre des sanctions décidées par le Conseil de sécurité des Nations Unies a été désignée par décret ; un décret a été adopté sur les bénéficiaires effectifs des personnes morales dans le domaine des industries extractives ; des formations ont été initiées ; une série d’études est en train d’être conduite.
Pour le ministre TRAORE, ces avancées n’occultent pas les défis qui ne peuvent être relevés que si toutes les parties prenantes s’acquittent de leurs obligations conformément à la loi et les rapportent à la CENTIF.

PAR BERTIN DAKOUO

Source : Info-Matin

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