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Birama Sidibé : “Faire de la BAD la locomotive du secteur privé”

TRIBUNE. “L’Afrique ne se développera que lorsqu’elle aura créé ses propres marchés d’échange de biens et de services”, estime le candidat malien. Démonstration.

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Par Birama Sidibé

Au cours des vingt dernières années, l’Afrique a globalement enregistré une croissance économique soutenue. Pour que cette embellie soit durable, les dirigeants africains sont convenus de moderniser la structure de l’économie africaine et de diversifier les sources de la croissance.

Les marchés doivent être élargis

Pour poursuivre dans cette voie, accroître le développement de marchés régionaux et continentaux performants est une nécessité. Chaque pays doit apprendre à se tourner vers les consommateurs les plus proches de lui : ses voisins africains. Les marchés doivent, ainsi, être élargis par les collectivités, chaque jour davantage, ce qui sous-tend une certaine liberté de mouvement des biens et des services. De fait, les marchés n’ont de sens que lorsque leur accès est facilité, tant sur le plan physique (le transport, l’énergie), que sur le plan des nouvelles technologies de l’information et de la communication (fibre optique).

Pour illustrer cette proposition, prenons l’exemple des pays d’Afrique de l’Ouest. Ils disposent d’un marché de plus de 300 millions de consommateurs potentiels. Toutefois, tant que le producteur d’un pays n’est pas dans la possibilité d’utiliser correctement les routes et que son accès au commerce n’est pas facilité, il n’aura aucune motivation pour produire un bien, pourtant demandé, par exemple, au Nigeria. Ce dernier pays dispose d’ailleurs, lui-même, de biens qu’il souhaiterait vendre par-delà ses frontières, mais cela implique de meilleures connexions avec les autres pays.

Union économique et monnaie unique

Les aspects réglementaires doivent également être renforcés pour assurer l’encadrement du marché, mais dans ce domaine, l’Afrique est en avance. Elle a commencé par se développer en communautés régionales avant d’atteindre l’échelle continentale.

 

Au niveau de l’Afrique australe a été créée la Communauté économique de développement d’Afrique australe (SADC), organisation bien huilée qui a défini des règles communes concernant des programmes d’infrastructures ou des règles phytosanitaires. Des efforts y sont entrepris pour avancer vers une union économique autour d’une monnaie unique. Il s’agit là, vraiment, d’une avancée vers une intégration économique.

 

En Afrique de l’Ouest, l’une des communautés les plus dynamiques est la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedao), laquelle a ouvert un marché de 300 millions de consommateurs aux 15 pays membres, en mettant en place des règlements communs au niveau économique, politique et commercial, dont le dernier en date est le tarif extérieur commun.

En Afrique de l’Est, on observe une poussée similaire vers l’intégration économique : la liberté de circulation et d’échange est partie intégrante des objectifs affirmés des États. Par exemple, entre le Kenya, l’Ouganda et le Rwanda, le modèle du « corridor nord » mis en place consiste à développer et échanger librement sur la base des avantages comparatifs et compétitifs de chaque pays. Dans toutes ces régions africaines, à l’image du fonctionnement européen, les règles communautaires s’imposent aux nations. L’Afrique est en ordre de marche pour booster le développement des infrastructures.

Privilégier le moyen de transport le plus adapté

Compte tenu de tous ces bons premiers pas pour relancer les marchés de consommation africains, interconnecter les pays et régions du continent représente, évidemment, un objectif prioritaire. Les autorités publiques ont la mission de construire des liaisons partant des pays producteurs vers les pays consommateurs et vice versa. Faut-il privilégier une voie plutôt qu’une autre ? Non. Toute infrastructure est nécessaire tant qu’elle sert à créer un lien entre l’offre et la demande et transporter des biens et des services. Entre la construction de chemins de fer et de routes, il convient simplement de privilégier le moyen de transport le plus adapté à ses besoins et contraintes financières.

Le transport par chemin de fer à la tonne est bien évidemment beaucoup moins cher que la route : il s’agit du moyen de transport le plus intelligent et qui permet de transporter le mieux en masse. Il ne faut toutefois pas oublier les voies d’eau, car le transport par bateau peut parfois être moins cher, par exemple, le programme de navigation sur le fleuve Sénégal au compte de l’organisation de Mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS). Par ailleurs, il serait idéal que le long des voies ferrées et routières soit placée une fibre optique afin de fluidifier le transfert de l’information et des données. En tout état de cause, il s’observe, ces dernières années, une réelle accélération dans ce domaine, dans la mesure où les communautés économiques régionales ont pu dégager ensemble des priorités, parmi lesquelles figurent des ouvrages communs.

Toutes les routes à développer sont identifiées

Aujourd’hui, les infrastructures régionales sont conçues à l’échelle du continent africain. Via les programmes spécialisés du Nepad (Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique), l’Union africaine pilote et définit, avec la BAD et la CEA (Commission économique pour l’Afrique), les programmes d’infrastructures régionales. De nombreux corridors sont à ce jour prévus dans le plan d’action relatif au développement des infrastructures de l’Union africaine. Toutes les routes à développer sont identifiées, tout comme les tronçons et les corridors. Il s’agit, d’ailleurs, bien souvent, de partir des routes nationales déjà existantes, et d’en changer le standard pour les rendre conformes au transport interrégional.

Les avancées obtenues par le PIDA

Parmi les programmes du Nepad, l’un d’eux, intitulé Pida (Programme de développement des infrastructures en Afrique) a réalisé des études pour identifier tous les tronçons de routes manquants, appelés “missing links” qu’il faut réaliser en priorité. Deux corridors prioritaires ont déjà été réalisés : l’un partant de l’Algérie vers le Mali et le sud du continent, l’autre partant de l’Algérie vers le Niger et le Nigeria. La branche en direction du Niger est presque terminée ; il ne reste qu’un tronçon de 150 kilomètres à réaliser. Cela permettra aux Algériens et aux Tunisiens de vendre leurs agrumes aux pays africains du sud du Sahara. Et, à l’inverse, les fruits tropicaux qui ne poussent pas sous un climat méditerranéen trouveront, grâce à ce corridor, un débouché logique. Routes à plusieurs voies ou autoroutes payantes : tout peut s’envisager. Ces routes nationales ou internationales efficientes doivent être à deux, trois ou quatre voies et être à même de supporter le transport de poids lourds de 10-15 tonnes. Elles peuvent aussi prendre la forme d’autoroutes avec des spécificités attenantes à la nécessité de la grande vitesse… Voies d’accès rapides ou autoroutes payantes, tout est envisageable ; les Africains ayant déjà commencé à payer le service routier pour bénéficier d’un accès facilité.

Transformer la BAD en locomotive du secteur privé

Si la volonté politique est là, l’importance des investissements nécessaires doit amener à une réflexion. Concernant les marchés commerciaux, tout d’abord : les secteurs des petites et moyennes entreprises (PME) et de l’auto-entrepreneuriat doivent faire l’objet d’une attention stratégique de la BAD, en raison de leur potentiel élevé d’inclusion et de création d’emploi. Cette population inclut un réservoir de producteurs et d’innovateurs, dans l’agriculture, l’industrie et les services, et qui gagnerait à être structuré en marché et connecté à des débouchés locaux, nationaux et internationaux. Il s’agit, en réalité, de transformer la BAD en locomotive du secteur privé pour l’intégration du continent.Concernant les infrastructures, il est également important de changer la donne de la participation du secteur privé africain et international dans les projets d’intégration de grande envergure en mettant en place des mécanismes d’incitations économiques, financières et légales. Ces incitations combinées à la participation active de la BAD dans des partenariats publics privés innovants (notamment ceux à fort potentiel d’inclusion) auront un effet d’entraînement certain et seront perçues comme une caution de la viabilité du financement, tout en apportant l’assurance de la prise en compte des risques de toutes natures et des préoccupations environnementales. La BAD doit militer en faveur d’une gestion supranationale de ces programmes, afin de sécuriser les opérations et les montages financiers. Éliminer le risque politique national et donc assurer la pérennité des accords, quels que soient les changements de dirigeants des pays, devrait rassurer les investisseurs.

 

Source: lepoint.fr

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