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Bamako : mendier pour apprendre et vivre !

A Bamako, les ronds-points, les lieux publics, les devantures des mosquées et autres, ont été toujours des espaces privilégiés pour les élèves coraniques, lancés à la recherche de leur pitance et des faveurs pour leurs maîtres qui, parfois, exigent une recette journalière par enfant. Caleçons souvent troués et pieds nus, des boîtes en mains, beaucoup de ces talibés disent avoir embrassé cette pratique contre leur gré. 

 

C’est dans la rue et au fil du temps que ces élèves coraniques acquièrent la dépendance de la mendicité. Aujourd’hui, nombreux sont nos enfants qui ne connaissent que cette pratique et qui ne vivent que de cela. Ce 30 août 2019, nous sommes à la place de la liberté à Bamako, aux environs de 10 heures. Ils sont nombreux à se faufiler entre les usagers de la circulation. Des sourates du Saint-Coran sont récitées si ce ne sont pas des éloges du Prophète (Paix et Salut sur Lui), faits à la moindre occasion, pour faire fléchir les usagers qui alors leur jettent des pièces dans les boîtes.

La recherche de Dieu

Beaucoup de parents musulmans souhaitent donner à leurs enfants une excellente éducation religieuse et spirituelle. Pour ce faire, tous les moyens sont bons. Surtout le placement des enfants chez un  »karamoko » (maître) qui va se charger de leur éducation. Mais cette éducation se fait-elle dans les règles de l’art ? Comment, partis à la recherche de Dieu, des enfants innocents peuvent-ils se retrouver dans la rue, livrés à tous les risques : accidents, drogue, délinquance, prostitution…

Un jeune d’une voix douce apparaît devant nous et commence sa litanie d’éloges au Prophète. Puis, il accepte de nous raconter son quotidien. « Je suis Lassana Diallo. J’ai 12 ans et je suis élève coranique à Banconi en Commune I du District de Bamako. Voici cinq ans que je pratique la mendicité. Je passe toute la journée dans la circulation et au petit soir je rentre chez mon maître. C’est seulement pendant la nuit qu’on apprend le Coran », a-t-il souligné.

Ce jeune natif de Mopti a été envoyé à Bamako par ses parents pour apprendre à lire et à traduire le Coran. « Je me suis retrouvé dans la mendicité sans l’avoir choisie moi-même. Beaucoup de mes camarades ont été victimes d’accidents et même de violence de la part d’autres enfants, à cause de la mendicité que nous faisons à longueur de journée. Nous sommes régulièrement dépossédés de nos butins par d’autres enfants de la rue et qui ne sont pas forcément des élèves coraniques », a-t-il précisé.

Et à la question de savoir à qui ces butins sont destinés, Lassana affirme que  l’argent est mis dans une boîte comme une sorte d’épargne pour gérer les besoins. Mais les besoins de qui ? Nous sommes restés sans réponse. Puisque ces mêmes enfants sont rarement bien vêtus. La plupart d’entre eux ont toujours les pieds nus et ne portent que des loques.

Après sept ans de mendicité, Brouhima Koné, âgé de 15 ans, se sent désormais à l’aise avec la pratique. « Mendier ne me pose plus aucun problème. Au début, je ne l’aimais pas. Mais aujourd’hui, cela fait plus de sept ans que je la pratique. Je m’y suis donc habitué. Au départ, je le faisais de famille en famille, mais maintenant je ne m’arrête que devant les ronds-points des grands axes. C’est plus pratique et l’on n’a pas besoin de trop marcher. Il suffit seulement de se placer à côté d’un feu tricolore et à chaque arrêt de voitures ou motos, se faufiler entre elles avec la boîte », dit-il.

Une pratique désolante !

Selon Mamadou Sidibé, un ancien élève coranique, la mendicité a toujours existé dans l’enseignement coranique, « même si on ne peut pas affirmer que cela fait partie de l’apprentissage du coran. » Cependant, avance-t-il, à  notre époque, on mendiait, mais ce n’était pas de la même manière qu’aujourd’hui. « A notre temps, ça se faisait après la mémorisation complète de la leçon du jour. C’est après cela que nous sortions mendier dans quelques familles avant de revenir aussitôt chez notre maître. Mais aujourd’hui, la pratique est désolante. Les talibés  (élèves d’écoles coraniques) sont laissés à eux-mêmes et je me demande quand est-ce qu’ils  apprennent leurs cours », ajoute-t-il.

Pour Mamadou Sidibé, les autorités doivent revoir l’enseignement coranique.  Il s’agit, selon lui, de doter ces écoles d’un fonds de fonctionnement dans le but de mettre fin à la mendicité et de permettre aux enfants de se consacrer uniquement à l’apprentissage du Coran. Dans la foulée, un usager de la route qui a requis l’anonymat déclaré : « Cette  mendicité des enfants et surtout des élèves coraniques doit cesser non seulement pour le bien de ces derniers, mais aussi pour la fluidité de la circulation. Car, la place d’un enfant n’est pas dans la rue et encore moins dans la circulation. »

Ce phénomène désolant de mendicité des talibés exige que des mesures draconiennes soient prises, non pas contre les enfants, mais plutôt contre ces maîtres coraniques véreux et amoraux exploitant la naïveté de certains parents qui voient en eux des références spirituelles. D’autre part, les parents devraient être sensibilisés sur la vie que mènent leurs enfants confiés aux maîtres coraniques, car ils sont nombreux à ne pas savoir ce que subissent leurs progénitures, une fois confiés aux marabouts supposés instructeurs.

Fatouma Dicko Diako

Source: Ziré

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