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BAKARY TOGOLA INCARCERE POUR DETOURNEMENT DE FONDS : a chute d’un brave paysan instrumentalisé par le pouvoir politique

Le Tout puissant président de l’Assemblée permanente des chambres d’Agriculture du Mali (APCAM), Bakary Togola  est accusé par le Pôle économique et financier de Bamako de détournement de ristournes destinées aux producteurs de coton. Plus de 9,5 milliards de F CFA lui sont reprochés. C’est sans doute le début de la descente aux enfers pour un brave paysan tiré de sa campagne du Baniko pour être hissé sur un piédestal par les derniers régimes à cause de sa fortune et surtout de son influence électorale dans le monde rural. Va-t-il trinquer seul comme un agneau sacrificiel destiné à calmer les esprits ? Le paysan modèle est en tout cas mal barré !

 

 L’information a fait le buzz jeudi dernier (12 septembre 2019) en se propageant à une vitesse virale sur les réseaux sociaux. Les tentatives désespérées d’un cercle restreint de fidèles pour la démentir ont produit l’effet contraire. Oui, le Tout puissant président de l’APCAM et jusque-là un soutien sûr du RPM (parti présidentiel) a été placé en garde à vue avant d’être placé en détention le vendredi 13 septembre 2019.

Le 12 septembre 2019, Bakary Togola a été placé en garde à vue par le Pôle économique et financier du tribunal de la Commune III. Et le lendemain, vendredi 13 septembre 2019, le président de l’Assemblée permanente des chambres d’Agriculture du Mali (APCAM) a été inculpé et placé en détention par le 8e Cabinet d’instruction de ce Pôle.

Aux dires du Procureur Mamadou Kassogué Bakary Togola a été interpellé dans les affaires de ristournes des producteurs de coton. Suite à un «développement» dans cette affaire, la brigade judiciaire du Pôle économique et financier de Bamako a interpellé le suspect. C’est un lanceur d’alerte qui a révélé ces malversations financières au niveau de la Confédération des Sociétés Coopératives de Producteurs de Coton (C-SCPC).

Le «dénonciateur anonyme», a précisé le procureur lors d’un point de presse animé samedi dernier (14 septembre 2019), a beaucoup contribué à l’enquête en mettant à disposition non seulement des documents, mais aussi en aidant le cabinet d’instruction à «comprendre les lignes comptables des documents». Les investigations ont permis de mettre en évidence que, de 2013 à 2019, la Compagnie Malienne de Développement des Textiles (CMDT) a octroyé 13,431 milliards FCFA à la Confédération des Sociétés Coopératives de Producteurs de Coton (C-SCPC). Sur ce montant, seulement 8,854 milliards ressort dans les comptabilités de ladite Confédération. Sur ce montant comptabilisé 4,886 milliards se sont volatilisés. Ce qui fait, selon le procureur, un total «non justifié » de 9,462 milliards FCFA.

«C’est ainsi que nous avons ordonné une mesure de garde à vue. Nous avons décidé de l’ouverture d’une information judiciaire pour détournement de deniers publics sur la base de faux et usages de faux, soustraction frauduleuse et autres malversations. En sa qualité de PCA de la confédération, Bakary Togola est présumé principal auteur des faits», a expliqué à la presse le procureur Mamadou Kassogué. Et d’ajouter, «nous ne sommes pas dans une chasse aux sorcières. Nous sommes dans l’objectivité et l’impartialité».

Un paysan fortuné piégé et instrumentalisé par les politiciens

L’enquête préliminaire est bouclée et le juge d’instruction va poursuivre les investigations et vérifier si les montants octroyés sont  confirmés. L’enquête sera poursuivie et les coauteurs et les complices répondront de leurs actes. A la date du samedi 14 septembre 2019, six autres personnes sont suspectées dans cette affaire de ristournes.

Hissé sur un piédestal par le Mouvement citoyen d’Amadou Toumani Touré dit ATT puis le RPM d’Ibrahim Boubacar Kéita, Bakary Togola doit se sentir aujourd’hui trop seul, car abandonné par tous. Sa popularité dans le monde rural et ses largesses dans le financement des campagnes électorales ne sont aujourd’hui d’aucune utilité à ce dernier qui a servi d’agneau sacrificiel pour assurer les Maliens de sa détermination à combattre enfin la corruption.

La chute risque d’être très dure pour ce paysan-pilote qui a vu le jour en 1960 à Niamala dans la commune rurale de Koumantou (cercle de Bougouni/région de Sikasso). Son père l’aurait retiré de l’école (en 1978) alors qu’il fréquentait la 7e année fondamentale. Plus malin qu’il en a l’air et véritable force de la nature, il devient rapidement l’un des success story du monde paysan malien. Quand le Mouvement citoyen le tirait de sa campagne pour le propulser à la tête de l’APCAM, Bakary Togola est déjà l’un des paysans les plus fortunés du Mali et de la sous région avec plus de 200 ha surfaces agricoles exploités.

Il avait fait gagner le pari de l’autosuffisance alimentaire à l’ensemble des familles de son village, Niamala, où il n’y a jamais eu de chômeur. En effet, «grâce à son sens élevé de l’organisation et de la méthode, il est parvenu à inculquer chez tous les jeunes de sa génération au village et environs, le goût de l’effort et de l’union qui fait la force», disait de lui un confrère dans un reportage de l’ORTM (Itinéraires), il y a quelques années.

C’est donc naturellement pour ses qualités de leader qu’il va successivement diriger l’AV (Association villageoise) du village et le syndicat des cotonculteurs avant de se voir propulser à la tête de l’APCAM. Un parcours exemplaire qui faisait de lui une référence dans le monde rural et qui lui a conféré une grande notoriété.

Malheureusement, c’est cette popularité qui lui vaut aussi aujourd’hui de se retrouver derrière les barreaux parce que, voyant en lui un potentiel faiseur de roi, les politiciens ont réussi à l’attirer sur le terrain glissant de l’arène politique. Avec un déroutant franc-parler et faisant souvent preuve de grande naïveté voire de maladresses dans ses déclarations, il se croyait sans doute incontournable voire intouchable parce que dans les grâces du président IBK et de son parti, le RPM.

Mais, aujourd’hui, il risque de trinquer seul faute de soutiens politiques sûrs. Pour justifier son attachement viscéral à l’agriculture, Bakary Togola martelait fréquemment que «la terre ne trahit jamais». La politique oui ! Et il est en train de découvrir cette réalité à ses dépens ; au détriment de sa liberté et de son honneur !

Dan Fodio

Source : Le Matin

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