59 morts et 2 400 blessés par balle. Tel est lourd bilan des manifestations organisées ce lundi 14 mai dans la bande de Gaza, le long de la barrière de séparation avec Israël. Des rassemblements appelés en protestation de l’inauguration de l’ambassade des Etats-Unis en Israël à Jérusalem mais qui s’inscrivent aussi dans le cadre de la « Grande marche du retour ». Ce mouvement de protestation lancé le 30 mars dernier vise à réclamer le droit au retour des réfugiés palestiniens et la levée du blocus imposé à la bande de Gaza. En six semaines de manifestations, 42 personnes avaient déjà été tuées par l’armée israélienne. Mais ce lundi fut la journée la plus meurtrière.
Avec nos envoyés spéciaux à Gaza, Hassan Jaber et Guilhem Delteil
Dès le début de la matinée, les manifestants ont commencé à répondre à l’appel des organisateurs de la « Grande marche du retour », qui voulaient faire de ce lundi une grande journée de mobilisation. Les rassemblements du jour ont été les plus importants depuis le début de ce mouvement de contestation, il y a un mois et demi.
Les premiers heurts ont commencé rapidement. Dans les différents lieux de rassemblement, les protestataires ont tenté de s’approcher de la barrière de séparation de la bande de Gaza et du territoire israélien. Ils étaient des milliers à entrer dans la zone tampon décrétée par l’armée israélienne.
Mais la plupart sont restés à quelques dizaines de mètres de la barrière de séparation. Anas Mousran, lui, entendait tenter de franchir la barrière avec ses amis. « Nous avons déjà réussi à entrer. C’était il y a deux semaines. On a fait une centaine de mètres et jeté des pierres sur les soldats juifs. »
Pneus brûlés contre tirs à balles réelles
Scène désormais habituelle, les manifestants ont incendié des pneus pour créer un écran de fumée noire pour les soldats. L’armée israélienne avait prévenu qu’elle défendrait son territoire et a répliqué en faisant usage de gaz lacrymogènes, de balles en caoutchouc, mais aussi de balles réelles, comme ce fut le cas depuis le début de cette « Marche du retour ».
Les organisateurs de cette marche avaient appelé les manifestants à franchir en nombre la barrière de sécurité. L’armée israélienne les en a empêchés, mais elle a recensé plusieurs tentatives d’intrusion et a tiré sur les Palestiniens qui ont cherché à rentrer en Israël.
Des tentatives d’intrusion limitées, assure Hussam, présent au point de rassemblement à l’est de la ville de Gaza. « Il y en a qui ont essayé de passer mais les Israéliens leur ont tiré dessus et en ont tué certains. Mais ils vont continuer d’essayer car ils ont le sentiment d’être humiliés ici. »
Israël « créé des martyrs »
Tahrir Omar, comme chaque vendredi, est venue en famille. Et si ses six enfants devaient, eux, rester dans les tentes installées en retrait, elle entendait marcher vers les grillages israéliens. « Je vois que les gens s’approchent et j’y vais aussi. Les soldats israéliens ne nous effraient pas. Nous avons le droit pour nous. Et celui qui a le droit est plus fort. »
Les organisateurs de la marche estiment que « les gens restent pacifiques », argumentant que « jusqu’à présent, il n’y a eu aucun soldat israélien tué ou blessé ». « Mais Israël nous pousse vers la violence, constate Ahmad Abu Routeima, porte-parole de la « Grande marche du retour ». Israël veut de la violence. Israël ne sait pas comment gérer les marches pacifiques. Donc Israël fait couler beaucoup de sang, crée des martyrs, blesse des gens pour nous pousser vers la violence. Israël porte la responsabilité de ce qui se passe. »
Le chef du Jihad islamique, Khalid al-Batsh, pointe quant à lui la responsabilité des Etats-Unis dans cette situation. « Nous estimons que les Américains portent la responsabilité de chaque goutte de sang versée ici, à Jérusalem ou en Cisjordanie. Trump est responsable de ce qui se passe ici car il a déménagé son ambassade et qu’il soutient Israël. »
De nouvelles manifestations sont prévues ce mardi, à l’occasion des 70 ans de la Nakba, l’exode de plus de 700 000 Palestiniens à la création d’Israël. Et le mouvement doit se poursuivre dans les prochaines semaines.
Rfi