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Baba Salah Cissé, artiste et musicien : “Je sors un nouvel album très bientôt”. “J’envisage un projet dans la production et le management culturels”

Le microsome musical malien est nostalgique de l’un de ses meilleurs guitaristes, Baba Salah Cissé, disparu depuis un certain temps de la scène.  Où était-il, quelles sont les raisons de ce mutisme ? Quels sont ses projets artistiques ?  L’artiste aux cinq albums et plusieurs fois primé au Mali a bien voulu répondre à nos questions dans cet entretien exclusif. 

 

Aujourd’hui-Mali : Bonjour, peut-on savoir comment Baba Salah est devenu artiste musicien ?

Baba Salah : Je dirais que c’est le destin. Je ne suis pas issu d’une famille de musiciens ou d’artistes. Aucun membre de ma famille n’a fait de la musique. Je suis le seul, je peux donc dire c’est un don. Depuis vers mes neuf (9) ans j’ai compris que j’aimais vraiment la musique. A l’époque, quand je partais à l’école, je m’arrêtais pour suivre le groupe de musique de Gao, le Songhoy Star. Dans cet orchestre, il y avait un guitariste du nom de Doumma Albarka Maïga qui se trouve actuellement au Niger. De tous les instrumentalistes, c’est lui que j’appréciais et je voulais tellement devenir comme lui.

Au début, je l’imitais à la bouche et aux gestes, ensuite je me suis fabriqué une guitare avec une boite, un bâton et des fils de frein de vélo.  Peu à peu, je me suis approché de l’orchestre jusqu’à commencer à toucher petit à petit les instruments. Les répétitions commençaient à 16h et moi je venais dans la salle des répétitions vers 15h pour pouvoir jouer un peu la guitare avant l’arrivée de l’équipe.  A part cet orchestre, je ne pouvais pas avoir une guitare ailleurs. Et quand les instrumentalistes se sont rendu compte que je jouais bien, ils m’ont aidé à m’améliorer. Ensuite, ils m’ont fait intégrer l’orchestre. Après mon diplôme d’études Fondamentales (Def), je me suis présenté au concours d’entrée à l’Institut nationale des arts (Ina) en 1994 où je me suis inscrit à la section musique et voilà comment c’est parti.

Guitariste au départ, vous décidez de prendre le micro, qu’est ce qui a motivé ce choix ?

Pendant tout le temps où je jouais à la guitare lors de mes collaborations avec des artistes, je m’essayais aussi à la composition des chansons dont j’avais enregistré quelques-unes, mais sans grande conviction de devenir un artiste chanteur. Mais tout est parti grâce à l’émission Top Etoiles sur l’Ortm qui était très suivie chez nous au Nord, mais malheureusement il n’yavait pas d’artiste venant du nord qui participait à l’émission. Les gens reprochaient, à l’époque, aux artistes du nord de ne pas avoir le niveau ou de ne pas être à la hauteur.  C’est ainsi que M’Baye Boubacar Diarra m’a invité un jour à l’émission Top Etoiles et pour ma toute première sortie à cette émission, j’ai été classé 2e au classement des artistes invités avec ma chanson sur la dévaluation.

Mon coup d’essai a été un coup de maître. C’est ainsi que M’Baye Boubacar Diarra m’a proposé de faire un album si j’avais d’autres chansons. En ce moment, j’avais une dizaine de chansons écrites et on a fait l’album Gao, mon tout premier album qui a été vraiment un succès, surtout au nord où j’étais devenu une fierté. C’est le lieu pour moi de remercier M’Baye Boubacar Diarra qui m’a été d’un grand apport pour le lancement de ma carrière.

Vous avez eu à collaborer avec plusieurs artistes maliens, notamment Oumou Sangaré. Dites-nous comment était cette collaboration et quels sont aujourd’hui vos rapports avec la Diva du Wassoulou ?

Effectivement, j’ai joué avec beaucoup d’artistes avant même de rencontrer Oumou Sangaré. Vous savez, quand je suis arrivé à l’Ina, j’ai eu la chance de tomber sur un professeur de chant du nom de Massamou Wélé Diallo. Lui, il était l’arrangeur national si je peux me permettre de le qualifier ainsi car c’était lui qui arrangeait tous les artistes maliens à l’époque, surtout les plus connus. Il appréciait vraiment mes notes de guitare et c’est ainsi qu’il m’a proposé à Oumou Sangaré quand celle-ci préparait son album Denko sorti en 1995, je crois. C’était aussi un rêve qui se réalisait pour moi car j’aimais vraiment la musique d’Oumou Sangaré à travers surtout son premier album sorti en 1990, si je ne me trompe pas. En ce moment, je n’étais pas encore venu à Bamako. Et mon coup d’essai a été un coup de maitre avec Oumou aussi car mon style nordiste était très proche de de la musique d’Oumou, c’est-à-dire la musique du Wassoulou. Ce sont toutes les deux des musiques pentatoniques avec seulement quelques nuances. Ce qui nous a très vite rapprochés l’un de l’autre. Ensuite, on a collaboré sur son album Ladan sur lequel, en plus d’être guitariste, j’étais le directeur artistique avec Boncana Maïga. Avec Oumou Sangaré, j’ai fait énormément de tournées à travers le monde entre 1995 et 2013. Cette collaboration m’a vraiment donné une grande notoriété et a beaucoup pesé aussi dans ma carrière, surtout quand j’ai commencé à chanter.

Avez-vous reçu des distinctions dans votre carrière ? Si oui, lesquelles et laquelle vous a le plus marqué et pourquoi ?

J’ai eu de nombreuses distinctions au cours de ma carrière artistique. D’abord avec mon album Gao avec lequel j’ai reçu le prix de meilleur artiste de la Chaine 2, j’ai été la révélation de Tamani d’Or, des trophées de Mali music Awards, entre autres, mais la distinction qui m’a le plus marqué c’était celle d’Officier de l’Ordre national du Mali en 2009. Cette distinction m’a beaucoup marqué d’autant plus qu’elle est synonyme d’une reconnaissance de l’Etat, ce qui est un honneur surtout en tant qu’artiste. Cela m’a beaucoup touché car c’est la preuve que j’ai apporté ma touche à la promotion de la culture malienne. C’est vraiment un immense honneur.

Parlant d’actualité, le monde entier traverse une crise sanitaire sans précédent ces derniers mois, causé par le coronavirus. Alors, dites-nous comment vous vivez cette période en tant qu’artiste ?

C’est vraiment une période difficile. Toutes les activités sont à l’arrêt. Pas de concerts ni autres activités pouvant permettre aux artistes de gagner de l’argent. Par exemple, moi, je jouais presque tous les weekends dans plusieurs endroits de la capitale où j’invitais d’autres artistes à m’accompagner. A chacune de mes sorties, j’étais avec une dizaine de musiciens qui gagnaient chacun un peu d’argent. Mais avec l’arrêt des activités, toutes ces personnes sont au chômage technique. Ce qui a le plus aggravé la situation chez les artistes maliens, c’est qu’il n’y a eu aucune mesure d’accompagnement de la part de l’Etat pour le secteur culturel, même s’il y a eu quelques gestes par-ci par-là. Mais je crois que la forme n’y était non plus parce qu’à mon avis, ces accompagnements de la part des autorités devaient passer par le Bureau malien du droit d’auteur qui a pratiquement une liste de tous les artistes reconnus dans leurs domaines respectifs.  Mais ces quelques gestes qui ont été faits sont passés par des organisations qui n’ont pas tous les artistes en leur sein. Je pense que l’Etat malien doit penser à consacrer un fonds d’accompagnement au secteur culturel qui peine à se relever malgré sa richesse. Nous avons quand même maintes fois interpellé les décideurs sur l’importance de la culture dans le développement d’un pays, mais hélas nos messages n’ont été entendus.

Je crois que l’Etat devrait nommer des artistes au poste de ministre de la Culture, comme c’était le cas avec Cheick Oumar Sissoko un moment donné. Un homme de Culture saurait accorder de la valeur qu’il faut à la Culture, s’il est ministre. Cela peut vraiment aider le secteur culturel. Mais si vous mettez quelqu’un qui ne maitrise ou qui ne connait pas vraiment l’importance de la Culture, il ne pourra pas aider la Culture au Mali. Cela mérite réflexion de la part des autorités si elles souhaitent vraiment aider la Culture dans notre pays.

Vous avez disparu des radars ces dernières années, peut-on connaitre les raisons de ce mutisme ?

Vous savez, il y a eu un moment de doutes chez moi par rapport à la rentabilité de la musique suite au développement des Technologies de l’information et de la communication. C’est ce qui m’a poussé à aller faire des études de communication dans une université de la place pendant 4 ans dans le but d’ouvrir à l’avenir une agence de communication et de production artistique.  C’est pour cette raison que je ne pouvais pas être assez souvent sur la scène. Cependant, durant cette période, j’ai quand même eu à faire mes deux derniers albums, mais je n’ai pu consacrer de temps à leur promotion. Néanmoins, je n’abandonne pas la musique puisque la production est toujours de la musique. Aussi, je continue toujours à composer des chansons. Pour dire que je n’ai pas arrêté la musique même si j’avais un peu disparu de la scène.

Quels sont vos projets ?

Oui ! Par exemple, j’ai un nouvel album qui est presque bouclé et qui doit sortir dans les semaines à venir si tout va bien. Aussi, en termes de projets sur le plan artistique, j’envisage, comme je le disais tantôt, de me lancer dans la production et le management cultuels. Mais si je dois le faire, je voudrais que ce soit bien. Pour cela, il faut un studio qui répond à toutes les normes. Il est vrai que j’ai mon propre studio chez moi, mais il faut un autre plus ambitieux pour ce genre de projet. Je crois que tout va dépendre des moyens et des dispositions nécessaires à prendre. Mais pour le moment, rien n’est encore fait. Cela reste dans mes projets et le jour où j’aurai les ressources nécessaires, on verra bien.

Quel sera votre mot de la fin ?

Vous n’êtes pas sans savoir que notre pays traverse un moment très critique de son histoire qui vient d’ailleurs s’ajouter à d’autres crises, notamment celles sécuritaire et économique.  Je lance donc un appel à tous les fils et filles de ce pays de mettre le Mali au-dessus de tout. J’invite les Maliens au dialogue et au pardon car nous sommes tous parents, frères et sœurs dans ce pays. Nous devons nous écouter et nous pardonner afin de trouver une solution définitive de sortie de crise.

Réalisée par Youssouf KONE

Aujourd’hui-Mali

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