A quelques jours du sommet de Nouakchott, on observe de réels progrès des armées maliennes en opération comme dans la structuration générale des forces. De sérieux efforts seront nécessaires avant que le Mali dispose de forces armées totalement autonomes et opérationnelles, cependant, 6 mois après le sommet de Pau, il faut apprécier le chemin parcourus.
En 2013, les forces maliennes n’étaient que l’ombre d’elles-mêmes, en 2019, malgré les progrès importants, leurs sérieux défauts n’avaient pas tenus le choc de la poussée agressive des Groupes Armés Terroristes (GAT) et de leurs montées en gamme capacitaire. Après des revers cuisants pour les Fama, et même pour certains soldats français, se posait alors la question de la pertinence du dispositif Barkhane sur le sol malien. La réponse fût donnée quelques temps plus tard, le 13 Janvier 2020 lors du sommet de Pau. Prenant acte de la démoralisation de ses partenaires du G5 Sahel, et de la trop grande dispersion des objectifs intermédiaires de l’opération Barkhane, le sommet de Pau décidait de raffermir sa relation avec les pays du Sahel tout en rationalisant ses objectifs militaires et augmentant drastiquement le tempo opérationnel.
Ce changement de donne aurait difficilement fonctionné sans sur une autonomisation croissante des acteurs déployés sur le théâtre dont les Fama. Pour rappel cinq acteurs sont présent au Mali : les Fama, la Minusma, la Force-Conjointe du G5 Sahel (FC-G5S), la mission de formation européenne EUTM-Mali et enfin Barkhane. Toute la stratégie française reposant sur la combinaison d’une pression accrue sur les GAT, la maitrise et la sécurisation des zones « périphériques » ou pacifiées, et l’autonomisation des forces du G5 Sahel. Or, malgré les pertes, les Fama ont progressé sur l’ensemble de ces points.
La montée en puissance opérationnelle
La coopération entre les Fama et Barkhane est largement fondée sur le Partenariat Militaire Opérationnel, axé sur l’ensemble des pays du Sahel, les Maliens reçoivent environ deux tiers de ses capacités d’appuis. Le PMO comporte plusieurs volets : combat, planification opérationnelle, formation. Or, ces derniers mois, sur un plan strictement opérationnel les forces maliennes ont participé de manière accrue aux opérations aux côté de Barkhane (Opération Monclar, Sama…), dans le cadre de la FC-G5S, aux côtés de la Minusma avec qui les Fama collabore pour le retour de l’Etat dans le Mali du nord, ou bien en unité nationale. A ce titre elles ont pleinement participé à la reprise du terrain sur les GAT au Mali et dans le reste des trois frontières avec la Force-Conjointe.
Dans cette voie, il est nécessaire de rappeler les mécanismes de coordination mis en place récemment dans le cadre de la coopération de Barkhane et des unités nationales du G5 Sahel : outre l’Etat-Major de la FC-G5S, on compte les Mécanismes et Commandement Conjoint (MCC), débouchant sur la création du PCC (Poste de Commandement Conjoint). Alimentées par des personnels français, maliens et d’autres soldats du G5, ils ont permis une synchronisation accrue des forces. Cet élément est très important car il permet d’appuyer à la fois les forces de Barkhane au contact mais aussi dans des zones où elle ne peut risquer de disperser son effort. Par ailleurs, ainsi intégrées dans des dispositifs plus vastes, les armées maliennes reçoivent une expérience croissante du combat et des opérations : un préalable vers plus d’autonomie et de coopération.
Une formation accrue et des unités qui se distinguent
Parallèlement, les armées maliennes profitent du volet de formation intense fournis par le PMO et la mission EUTM (dans les faits largement portée par la France). Le PMO appui la formation des officiers et officiers supérieurs via l’envoi de personnel à l’Ecole de Guerre à Paris et surtout via le réseau écoles nationales à vocation régionale (ENVR) qui forment toute une génération de cadres africains. Via la mission EUTM, la France participe à la formation des sous-officiers : chevilles ouvrières fondamentale pour l’encadrement d’une armée moderne. D’un point de vue tactique le PMO à permit aux armées maliennes de se former à des capacités tactiques plus complexes débouchant sur des unités dédiées en son sein. Il s’agit pour commencer des Guetteurs Aériens Tactiques Avancés (GATA) : première brique dans la constitution de capacités de combat collaboratif aéroterrestre, ils se sont distingués en conduisant des frappes air-sol pour le compte des armées françaises. Pour répondre directement à la nature fugace des GAT, le PMO) à permis au FAMA de constituer, depuis mai 2020, une unité légère de reconnaissance et d’intervention (ULRI) : très mobiles (montées sur moto) et couplées aux capacités de renseignement française ces unités seront capables d’infliger une pression soutenue aux terroristes au cœur de leurs sanctuaires. Dans le cadre des opérations spéciales ont été constituées des unités d’élites anti-terroristes, les Unités spéciales anti-terroristes (USAT) : elles ont été préparées, entre autres, afin de pouvoir se déployer aux côtés des forces spéciales européennes de la Task Force Takuba. Ces réalisations marquantes ne doivent cependant pas occulter le travail quotidien de formation des soldats aux actes réflexes (utilisation des armes, se poster, rendre compte, etc.) et élémentaires ou encore les formations de sauvetage au combat. Et enfin, sur un plan logistique, des formations ont été dispensées afin d’améliorer le niveau de Maintien en Conditions Opérationnelles des matériels de l’armée malienne. A terme les gains en expérience leur permettront d’intégrer des matériels plus perfectionnés (drones tactiques et stratégique, etc), de constituer des Etat-Major dotés de leur propres capacités de renseignement et de moyens de communication modernes permettant de se coordonner dans les deux dimensions (terre et air)… .
En définitive, il ne s’agit pas pourtant de dresser un tableau trop onirique, les armées maliennes souffrent de défauts structuraux encore lourd : déficit de gestion organique -même si la bancarisation des soldes est une bonne nouvelle en ce sens, formation encore insuffisante, gestion erratique de la distribution des équipements, etc… Toutefois les progrès réalisés quelques mois après Pau (en germe bien avant) prouvent que les armées maliennes savent apprendre. A ce titre les pertes subies récemment ne sont en rien représentative de la situation réelle. Le sommet de Nouakchott dans quelques jours sera donc l’occasion de faire un bilan bien précis des avancées et de transformer l’essai dans les mois et les années à venir.