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Au Mali, un bruissement de contestation perce dans la clameur pro-junte

Les putschistes jouissent d’une large popularité à Bamako, entretenue par les propos populistes du Premier ministre et la répression des voix dissidentes.

Dans les rues de Bamako, son visage est partout : sur les casquettes, les tee-shirts et les réservoirs des motos qui bondissent entre les nids-de-poule. Depuis le coup d’Etat du 18 août 2020, le colonel Assimi Goïta, président de la transition malienne, est devenu une star dont le patronage s’affiche en béret vert sur les flyers de concerts et d’événements sportifs, à hauteur des célébrités de la chanson ou du gazon.

Alors que le retrait français prend forme et que les annonces d’une restructuration profonde de l’opération Barkhane sont attendues cette semaine, les autorités maliennes jouissent d’une popularité sans entrave, ou presque.

A Bamako, la mode est dorénavant au kaki. Même le Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, a dû s’y résoudre. Afin d’être acclamé par la population, ce politicien s’est mis à porter le treillis. Si ce soutien populaire n’est pas nouveau, il s’est considérablement renforcé depuis le 9 janvier, après les sanctions économiques de la Cédéao, l’autorité sous-régionale. Perçues par les Maliens comme excessives et injustes, ces mesures, visant à ramener la junte à la table des négociations, ont pour l’instant surtout amplifié un sentiment de persécution sur lequel les autorités n’hésitent pas à s’appuyer.

Fatigue

Des théories complotistes ont surgi dans les discours populistes du Premier ministre. Derrière les sanctions africaines, il y aurait la main «d’une puissance étrangère», a dénoncé Choguel Kokalla Maïga. L’opération franco-européenne Takuba (signifiant «sabre» en tamasheq, la langue des Touaregs) s’appellerait ainsi pour «diviser» le Mali. Quant aux légionnaires de Barkhane, ils seraient en fait des «mercenaires» à la solde des indépendantistes touaregs… Des attaques qui ont consolidé la popularité des autorités malienne auprès d’une jeunesse qui a grandi avec la présence militaire française. Après dix ans de conflit, la fatigue est si forte que même le maigre bilan économique et sécuritaire des putschistes n’a pas entamé la confiance des Maliens. La réécriture en cours de la charte de la transition, pour prolonger officiellement le maintien des militaires au pouvoir «de six mois à cinq ans», ne provoque pas non plus beaucoup de contestation.

Faut-il croire pour autant que ce soutien est infaillible ? Difficile de l’affirmer tant la parole publique est aujourd’hui écrasée. Depuis octobre, politiciens, chercheurs ou activistes sont arrêté pour «propos subversifs». Les réseaux sociaux croulent sous les vidéos diffamatoires à l’encontre des opposants et des journalistes, dissuadant les voix discordantes de s’exprimer librement. Car c’est d’abord sur Twitter et Facebook que s’entretient la popularité de la junte. Si les soutiens véritables sont nombreux, chercheurs et observateurs de la société civile notent une augmentation récente de faux profils vantant les mérites des autorités maliennes. Des campagnes de propagande derrière lesquelles Paris voit la main des services russes.

Brouille diplomatique

Jusqu’à aujourd’hui, l’immense soutien populaire dont bénéficie la junte avait rendu l’opposition aphone. Mais face à la pression internationale et à une recomposition discrète de ses rangs, elle semble retrouver un filet de voix. Le 9 février, le Cadre des partis pour une transition réussie, unissant plusieurs dizaines de mouvements politiques, a annoncé qu’il ne reconnaîtra plus les autorités de transition à partir du 25 mars. Une contestation naissante qui pourrait s’accentuer à mesure que les effets économiques des sanctions de la Cédéao et de l’UE se feront sentir dans la population. Le jusqu’au-boutisme de la junte deviendrait alors intenable.

Ce risque, les autorités maliennes en ont conscience. Le même jour, elles ont annoncé la mise en place d’un mécanisme de poursuite du dialogue avec la Cédéao, l’Union africaine et l’ONU. Pas avec la France et l’Union européenne, dont la brouille diplomatique risque encore de s’aggraver avec le départ des forces françaises. Mais un acteur inattendu pourrait pousser les autorités maliennes à revoir leur stratégie. Resté quasi mutique depuis le putsch, l’imam Dicko, autorité morale de la contestation qui avait conduit à la chute du président Ibrahim Boubacar Keïta, a repris la parole pour mettre en garde les autorités. Dimanche, dans les colonnes de l’Opinion, l’influent religieux a fustigé les membres de la junte «qui veulent mettre fin à nos relations [avec la France] de manière brutale». Appelant le gouvernement de transition à «reconsidérer son choix».

Source : Liberation

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