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Au Mali, les religieux musulmans discrets mais toujours influents

Bien installés dans le paysage politique malien, les chefs religieux se sont faits plus discrets qu’en 2013 dans la campagne qui s’achève, même si les prétendants à la présidence ont fait en sorte de s’afficher à leurs côtés.

La longue salle de réception du candidat à l’élection présidentielle Cheikh Harouna Sankaré ressemble à l’intérieur d’une mosquée. Chacun se déchausse à l’entrée et attend une audience, assis au sol sur un tapis.

Le Mali, pays à majorité musulmane

C’est la première fois qu’un guide religieux se présente à la magistrature suprême. « Au départ, c’est la politique qui s’est invitée dans la religion. Lors des grandes fêtes, le chef de l’État ou les chefs des partis viennent dans les lieux religieux et y tiennent des discours politiques », explique le candidat, qui ne peut espérer un score élevé dimanche.

Au Mali, d’après le dernier recensement de 2009, 94,8 % de la population est musulmane. « Les religieux ont gagné en influence politique, comme tout groupe de pression qui utilise ses atouts dans la société et sa capacité de mobilisation populaire pour faire avancer son point de vue », lit-on dans un rapport de juillet 2017 de l’International Crisis Group.

Pour autant, à l’approche du premier tour de l’élection présidentielle, à Bamako, les mosquées ne se transforment pas en quartier général électoral comme en 2013. Les prêches appellent davantage à une élection apaisée.

Des alliances nouvelles depuis la présidentielle de 2013

Aujourd’hui, trois prédicateurs sont connus du grand public. Mahmoud Dicko, président du Haut Conseil islamique du Mali, qui s’est illustré en 2009 en faisant reculer le gouvernement sur l’adoption du code de la famille. Haïdara, du Groupement des leaders spirituels du Mali, qui peut mobiliser des dizaines de milliers de personnes, et revendique plus de 1 million d’adeptes. Enfin, le chérif de Nioro du Sahel, dont la notoriété repose pour l’essentiel sur sa légitimité historique.

Lors de la présidentielle de 2013, l’imam Dicko et le chérif de Nioro s’étaient regroupés pour soutenir Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), l’actuel président. Haïdara, lui, n’avait donné officiellement aucune consigne de vote.

Cinq ans après, les lignes semblent avoir bougé. Le mouvement « Sabati 2012 », créé à quelques mois de la précédente élection pour regrouper les jeunes musulmans, est divisé. Une branche proche de Mahmoud Dicko, lui-même resté silencieux, soutient le président sortant. Une autre se range derrière le chérif de Nioro.

Cette autorité du Sud-Ouest malien a offert son soutien au riche homme d’affaires Aliou Diallo, un candidat surprise ne comptant pas parmi les favoris. Cette année, « Haïdara reste encore neutre », indique l’un de ses bras droits, même si « la quasi-totalité des candidats est passée chez lui ».

L’Église catholique exhorte chacun à respecter les règles du jeu électoral

Il demeure important pour les prétendants à la présidence de s’afficher aux côtés des autorités religieuses, même si leurs consignes de vote sont moins attendues. « Les chefs charismatiques ont perdu de leur superbe », assure Issa N’Diaye, professeur de philosophie à l’université de Bamako et président de l’association malienne Forum civique.

Pendant le mandat d’IBK, plusieurs scandales de corruption ont éclaboussé ces chefs. « Lors de la large contestation en 2017 contre le référendum de la Constitution, les jeunes de la société civile ont dénoncé les passe-droits octroyés, comme le non-paiement des droits de douane ou la libre circulation pour les biens des leaders religieux, poursuit l’enseignant, alors qu’ils sont tous des opérateurs économiques. Il y a eu une réelle confrontation entre les jeunes et les religieux. »

Et l’Église catholique ? Dans les quelques églises du pays, les prêtres n’ont pas pour coutume de donner des directives. Dans une lettre pastorale d’avril 2018, la Conférence des évêques du Mali exhorte chacun à respecter les règles du jeu électoral sans « tripatouillage des urnes ».

S’adressant aux partis politiques, les évêques demandent de ne pas « courir derrière les consignes de vote des religieux car, tôt ou tard, vous devrez en payer le prix, tant il est dans la nature du faiseur de roi de toujours obliger celui qu’il a aidé à venir au pouvoir ».

Coralie Pierret, correspondance particulière à Bamako
Source: la-croix
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