Fief historique des rébellions touareg, Kidal, la grande ville du nord malien, a été le théâtre ces derniers jours de plusieurs incidents violents dont des échanges de tirs entre des membres du MNLA et des soldats de l’armée malienne. Ces affrontements restent circonscrits et n’ont jusqu’ici fait que des blessés, mais ils témoignent d’un regain de tension alors que les négociations entre le gouvernement central de Bamako et les groupes rebelles sont au point mort.
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Le premier incident s’est produit vendredi 27 septembre, dans la soirée, lorsque des militaires maliens ont été visés par une attaque à la grenade devant la Banque malienne de solidarité (BMS), un symbole de l’Etat central, dans cette ville de 15 000 habitants. L’un des projectiles a explosé, blessant deux soldats. La deuxième grenade a été détruite par des éléments de la force française Serval. Moins de quarante-huit heures plus tard, dimanche 29 septembre, des affrontements entre les troupes régulières maliennes et de jeunes combattants touareg ont débuté après un incident survenu à nouveau devant le bâtiment de la BMS.
PANIQUE DANS LA VILLE
Selon l’un de ses proches joint par Le Monde, un cadre du MNLA, Inkenane ag Attaher, a été arrêté à bord de son véhicule par des soldats maliens en faction devant l’établissement bancaire, alors qu’il n’était pas armé, et fouillé lorsque, sans sommation, un soldat malien posté sur le toit de la BMS ouvre le feu. Touché par trois impacts de balle, dont un dans le dos, il est grièvement blessé ainsi que deux autres personnes qui l’accompagnaient. Le colonel Diaran Koné, porte-parole du ministère de la défense malien, a démenti que l’armée malienne ait fait feu en premier, déclarant à l’agence de presse AP que le MNLA “a fait feu sur nos soldats”.
La nouvelle de cet accrochage a en tous cas vite fait le tour de Kidal et déclenché, selon des témoignages, une forme de panique dans cette cité qui a été gérée tout le premier semestre 2013 par le seul MNLA. Au cours de l’été, Bamako a fait revenir son armée à la faveur des accords de Ouagadougou, signés, le 18 juin, entre le précédent pouvoir malien, issu du putsch du 22 mars 2012, et deux composantes du nord du Mali, le MNLA et le Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA). Panique qui aurait été amplifiée par l’explosion d’un hangar plein de munitions, situé à la périphérie de la ville.
INTERVENTION DES TROUPES FRANÇAISES
L’intervention des troupes françaises de l’opération Serval et des casques bleus de la Minusma a évité l’affrontement direct entre les combattants touareg sortis avec leurs armes et l’armée malienne. Des échanges de tirs ont à nouveau éclaté lundi matin. Ils ont mis aux prises les forces maliennes et “une douzaine d’individus armés non identifiés”, indique une source militaire française qui confirme que des soldats français, qui patrouillaient dans la ville, ont également essuyé des tirs.
Du côté des rebelles touareg, on incrimine le pouvoir central. “La situation est extrêmement tendue”, estime Moussa ag Acharatoumane, le représentant du MNLA en France. “Contrairement à ce que peut laisser croire l’élection du nouveau président malien, le pays n’est absolument pas stabilisé, poursuit-il, la question du règlement de la question politique du Nord-Mali reste entière et l’ensemble des processus de discussions sont suspendus”.
Du côté de Bamako, on estime avoir été fidèle aux engagements des accords de Ouagadougou, notamment sur la remise en liberté de combattants touareg ou sur le respect du cessez-le-feu. Ce que conteste le MNLA. “Seuls 36 prisonniers ont été libérés sur les 300 encore détenus, l’armée envoie des hommes à Menaka, Gao et Kidal et a brisé le cessez-le-feu”, assure le porte-parole du MNLA à Paris. Ce dernier dénonce, enfin, les fausses nouvelles laissant croire que des alliés d’Al-Qaida, le groupe Ansar Eddine, auraient envoyé des renforts au MNLA à Kidal.
NÉGOCIATIONS ROMPUES AVEC BAMAKO
Cette dégradation sécuritaire à Kidal intervient alors que les trois groupes rebelles touareg et arabe – le MNLA, le HCUA et le MAA – ont annoncé suspendre leur participation aux négociations avec Bamako sur le statut du Nord-Mali, problématique à l’origine de la crise traversée par le pays. Selon une source régionale, très au fait des questions du Nord-Mali, plusieurs facteurs expliquent ce recul général et ces tensions, notamment les “énormes contradictions et divisions” au sein du MNLA, ou encore la position très ferme du président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, “IBK”, qui a dès son entrée en fonction fermé la porte à toute idée d’autonomie de la région.
En outre, poursuit cette source, “les négociations supposent une certaine confiance entre les parties. Le fait que l’armée malienne essaie d’occuper des positions dans la ville met à mal cette confiance”. Ce bon connaisseur du dossier ne pense toutefois pas à un risque de reprise généralisée des hostilités. Le sujet sera en tous cas à l’ordre du jour de l’entretien prévu mardi matin 1er octobre, à l’Elysée entre le chef de l’Etat malien, en visite officielle à Paris, et le président François Hollande.