Le choc, l’horreur, les larmes, la colère… Au lendemain de l’attentat terroriste qui a coûté la vie à douze personnes, l’émotion reste à son comble en France. Comment en parler aux enfants, aux ados, quand soi-même, adulte, on peine parfois à trouver les mots ? En cette journée de deuil national, nous avons demandé conseil à la psychanalyste Liliane Holstein.
Quelle attitude adopter avec les petits ?
Liliane Holstein. Très tôt, les enfants ressentent l’émotion des adultes. Ce sont de vraies « éponges ». Dès 2 ans, ils se rendent très bien compte qu’il se passe quelque chose d’anormal, d’inhabituel. Ce qui est important pour eux, c’est cette innovation émotionnelle. Ils n’ont jamais vu leurs parents dans un tel état. On peut faire l’analogie avec ce que l’on a ressenti, plus jeunes, lors de la mort de Kennedy, des attentats de 95 ou du 11 septembre. Il faut les laisser parler et les écouter. Demandez-leur ce qu’ils ont compris, ce qu’ils ressentent. C’est la parole qui va leur permettre de passer à autre chose.
Faut-il leur parler de nos propres émotions ?
Oui, bien sûr. Ils ont besoin de savoir ce que les adultes ressentent, comment ils vont réagir. Est-ce qu’ils vont rester insensibles, ne rien faire ? Vont-ils se révolter ? Sont-ils horrifiés ? Ils vont observer vos réactions. Ces grands évènements sont des moments clé d’un point de vue émotionnel pour les enfants. Cet attentat va rester gravé dans leur inconscient. Par notre attitude, nous pouvons transformer cette atrocité en quelque chose de noble, et les enfants s’en souviendront toute leur vie.
Que dire à un enfant qui se met à pleurer ou à paniquer ?
Dès hier après-midi, des parents catastrophés m’ont appelée pour savoir quoi faire face à leurs enfants en effroi. Je leur ai répondu qu’il faut insister sur le fait que les adultes sont là pour les protéger. Il faut les rassurer, leur rappeler que la France est un pays avec des forces policières et un système de justice très puissants. Il est également important de souligner la solidarité internationale. Les autres pays sont comme une famille qui viendrait au chevet de leur petite sœur blessée. Le dessin, enfin, est essentiel pour dédramatiser. Cela va permettre aux plus jeunes d’exprimer ce qu’ils ressentent, notamment s’ils ont fait des cauchemars.
Comment réagir avec les ados ?
C’est une occasion de leur donner une leçon de vie et d’éveiller leur conscience politique. Ils sont nés avec la conviction que la liberté de s’exprimer était acquise. Or, ce sont les adultes de demain. Il faut leur montrer combien les valeurs fondamentales de la France, notamment la liberté, doivent être défendues. Charlie Hebdo a été visé car ce journal et ses journalistes incarnent ce qu’il y a de plus beau et plus noble dans notre pays : la liberté. Il est aussi primordial de leur redonner le goût de débattre sans agressivité, d’argumenter sans brutaliser, d’écouter les autres, de respecter leurs opinions.
Faut-il les emmener aux rassemblements prévus partout en France ?
Oui ! S’il y a bien une manifestation qui sera intéressante au niveau éducatif, c’est bien celle-là. Elle va réveiller leur conscience humanitaire, politique et sociale. Pour les ados, ce sera l’occasion de voir ce qu’est un rassemblement, de sentir la ferveur humaine et la solidarité. C’est vital, surtout pour les jeunes qui passent tellement de temps, seuls, retranchés derrière leurs écrans. Si certains veulent préparer des affiches, imaginer des chansons, faire des dessins, apporter des bougies… Encouragez-les et accompagnez-les.
Enfin, plusieurs vidéos très violentes ont été diffusées sur Internet et à la télévision…
Si vos enfants les ont vues, demandez-leur ce qu’ils ressentent. On ne peut qu’être horrifié en voyant ce policier à terre voir la mort fondre sur lui. Il faut se mettre à la place des proches des victimes. Dans ce monde de barbares, remettons tous l’empathie et la compassion sur un piédestal.
4 témoignages de parents :
– « Quand il faut trouver les mots » de E-Zabel : « J’ai parlé de la grande tristesse des gens. De la peur qu’il ne fallait pas laisser gagner. »
– « Il est Charlie » de Cranemou : « Ça veut dire qu’en s’attaquant à ce journal, ils se sont attaqués à la valeur de la liberté. Et nous, on doit défendre la liberté. Alors ils se sont attaqués à nous. On est tous Charlie maintenant »
– « Desseins d’enfants » de Papapoule : « J’espère que je saurai élever mes filles sans trahir le sacrifice qu’ils ont fait aujourd’hui, car c’en est un. Ils ont toujours, avec obstination, choisi la liberté de dire, d’écrire, de dessiner, de moquer. »
– « Et maintenant ? » de Serial Mother : » Ce matin je crois comme au lendemain de la tuerie de Toulouse, que la vie est plus forte que les barbares, que mes enfants doivent grandir dans l’espoir que l’on peut changer les choses. »
Source: .mariefrance.fr