Elle était demandée, elle est là. Utilisée pour la première fois cette année en Coupe du monde, l’assistance vidéo (VAR) est la star de ce Mondial. Intervenant dans quatre cas (penalty, validité d’un but, carton rouge, identification des joueurs suite à une sanction), l’objectif annoncé était de mettre fin à l’injustice et aux erreurs grossières d’arbitrage. Ce n’est pas encore tout à fait le cas.
On attendait Ronaldo, Messi ou Neymar, mais la star de ce Mondial est bien le VAR (Video assistant referee). L’assistance vidéo à l’arbitrage est la grande innovation de l’année. Censé réduire les injustices dans le football, le VAR ne fait pour l’heure pas l’unanimité. La FIFA a pourtant, à l’issue du premier tour, dressé un bilan très positif de son nouveau système. En conférence de presse, l’Italien Pierluigi Colina, patron des arbitres, s’est déclaré satisfait. « Le taux de bonnes décisions est passé de 95% à 99,3%. 335 incidents ont fait l’objet d’une vérification et le VAR a permis de rectifier 14 décisions arbitrales ». En outre, il a ajouté que le recours à l’assistance vidéo n’avait entrainé que peu de temps morts durant les matchs, en moyenne 80 secondes. Si sa position n’a pas de quoi surprendre, la technologie vidéo ne fait pas que des heureux, loin de là. « Je ne suis pas contre le VAR en tant que tel, mais contre la manière de l’utiliser. C’est toujours l’arbitre qui a le pouvoir de décision. Il peut même, après visionnage, réinterpréter une action », estime Mohamed Magassouba, sélectionneur des Aigles du Mali. « La FIFA doit revoir sa copie, le VAR n’a pas mis fin au débat ».
Favorable aux « grandes » équipes ?
C’est en tout cas ce que pensent de nombreux observateurs, notamment africains. La pilule de l’élimination des cinq représentants du continent dès le premier tour passe mal. Les Marocains étaient particulièrement amers. « Tout le monde le sait, tout le monde l’a vu. Quand il s’est agi de prendre une décision pour le Portugal ou l’Espagne, on a fait appel à la vidéo. Alors que quand nous avons demandé de revoir au moins l’action, l’arbitre nous a dit qu’il était en communication. Mais il ne l’était pas. Personne ne lui a dit de vérifier. Au final, elle n’a servi qu’aux grandes équipes », s’est emporté Younes Belhanda sur RMC. Le milieu de terrain marocain reproche une faute non sifflée sur le but de Cristiano Ronaldo et un corner tiré du mauvais côté qui a abouti à l’égalisation de l’Espagne. Son coéquipier Nourdine Amrabat est même allé plus loin, employant le mot « bullshit » pour décrire le VAR. Mais il serait injuste de ne pas souligner que son utilisation a également conduit à l’élimination de l’Allemagne.
Perte d’autorité et de magie
Les détracteurs de la vidéo estiment que son utilisation dénature le football. « Notre sport sans débat ne serait pas le même. Les discussions où on refait le match, c’est ce qui entretient la flamme, la passion », confie Magassouba. L’argumentaire est connu. La main de Dieu de Maradona, la demi-finale de Ligue des Champions entre Barcelone et Chelsea ou encore la main de Thierry Henry sur le but de William Gallas qui qualifie la France aux dépens de l’Irlande, l’utilisation du VAR aurait permis d’éviter ces grandes injustices. Mais l’histoire du football aurait-elle été la même ? Pas si sûr. Le mythe Maradona serait différent, la France n’aurait pas connu l’épisode de la grève de Knysna de 2010, l’arbitrage de Tom Ovrebo ne serait pas autant cité en exemple comme celui à absolument éviter. Le VAR impose une autre réflexion, celle de la crédibilité des arbitres. La FIFA et ses différentes confédérations les ont toujours soutenus et protégés, leur octroyant du coup une grande autorité. Le recours à l’assistance vidéo, où les arbitres se déjugent parfois, comme cela a été le cas sur les penaltys de Neymar et de Sadio Mané, pourrait bien rebattre les cartes. « L’arbitre perd son autorité et sa confiance en lui. Les joueurs contesteront de plus en plus ses décisions et lui-même hésitera pour certaines actions », analyse Sidi Bekaye Magassa, ancien arbitre international.
Ralentissement du jeu
« Vous imaginez ce que cela fait à un joueur d’arrêter un match pour confirmer ou non une décision », interroge Soumaila Diarra, ancien international malien. « C’est angoissant et ça le déconcentre », affirme-t-il. C’est la FIFA des paradoxes, dénonce Magassouba. « La FIFA a tout fait pour accélérer le jeu en multipliant les ballons. Les blessés sont soignés à l’extérieur et en même temps le match est arrêté pour consulter la vidéo. Où est la logique ? ». « Il y a déjà une incidence. Les temps additionnels sont désormais d’au moins cinq minutes. Imaginez qu’un jour il y ait plus de recours possibles que les quatre que nous connaissons, nous pourrions arriver à des rajouts de quinze minutes. Ce ne serait plus du football mais du basket », s’insurge Magassa.
Journal du mali