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Assises : MORIKÉ A SEMÉ LE DOUTE

Face à un accusé qui est resté constant dans ses déclarations, l’absence de témoins et de partie civile a empêché la situation de basculer

cour d assises bamako mali

A la barre, où se joue en fin de compte son destin, l’accusé dispose d’une ultime liberté, celle de choisir sa tactique de défense. L’alternative est d’ailleurs des plus simples pour le prévenu. Soit il avoue les faits à lui reprochés. Soit il les nie mordicus. Lorsqu’il est coupable et qu’il opte pour le mea culpa, l’accusé facilite la tâche aux jurés. Il peut par conséquent faire naitre un sentiment d’indulgence en sa faveur et bénéficier au finish d’une peine moins sévère découlant de la reconnaissance des circonstances atténuantes. Ce scénario survient assez souvent. Les jurés sont en effet prédisposés à appliquer le dicton selon lequel faute avouée est à moitié pardonnée.
Par contre, si l’accusé est coupable et qu’il se barricade dans la dénégation systématique des faits, il parvient dans certaines affaires à compliquer considérablement le déroulement de son procès. Le droit au mensonge est reconnu à celui qui en use, mais en y recourant, l’accusé fait un pari risqué sur l’attitude de la cour. Dans le pire des cas, celle-ci laisse libre cours à son courroux et inflige une peine exemplaire à celui qui a eu l’audace de vouloir l’abuser. Mais il arrive aussi que la vigueur des dénégations du prévenu instille le doute dans l’esprit des jurés. Or, la règle bien connue en matière de justice veut que le doute profite à l’accusé. En effet, la cour préfèrera toujours libérer quelqu’un qu’elle soupçonne d’être coupable et le laisser face à sa conscience plutôt de prendre le risque d’envoyer un innocent en prison.
Malheureusement, la cour d’assises est souvent confrontée à ce type de dilemme. Il arrive fréquemment qu’un accusé qui a tout avoué à l’enquête préliminaire ainsi qu’à l’instruction, se décharge de toute faute, une fois amené à la barre. Nous avons vu des accusés se défendre avec une telle vigueur et une telle obstination que les jurés devaient eux-mêmes se demander s’ils ne se trompaient pas d’affaire. Dans ce genre de situation, le remède est tout trouvé.
UN INNOCENT PEUT ÊTRE CONDAMNÉ. Pour aider les magistrats à se forger une intime conviction, la présence d’un témoin ou d’une partie civile peut s’avérer d’une importance décisive. Le premier est susceptible de rétablir de manière irréfutable la vérité des faits et de balayer en quelques phrases le montage fallacieux réalisé par l’accusé. La partie civile, elle, éclaircit très souvent l’intention criminelle ou le projet funeste qui a guidé celui (ou celle) qui se voit confronté à la justice des hommes.
Cependant, force est de constater que ces instruments absolument nécessaires à la manifestation de la vérité et à l’aboutissement correct de l’action publique ne se manifestent pas toujours lors des procès en assises. Combien de fois n’avons-nous pas entendu leur absence déplorée aussi bien par les avocats que les magistrats. Une source judiciaire nous a confié que pourtant témoins et parties civiles sont le plus souvent cités dans les dossiers.
Mais dans la plupart des cas et pour des raisons qui leur appartiennent, ils préfèrent ne pas se présenter. On en est arrivé à un point où la fréquente répétition de la situation dans toutes les sessions interpelle fortement les autorités judiciaires. Car ce qui est aujourd’hui en jeu, c’est la crédibilité du jugement. Un innocent peut être condamné facilement. Ou alors un coupable peut aisément repartir libre et représenter dans un avenir plus ou moins proche un danger pour la société
La situation inextricable que nous avons évoquée dans ce long préambule s’est produite le mercredi de la semaine dernière aux Assises. Le ministère public était confronté à Morikè Sangaré, accusé de tentative d’incendie volontaire. L’accusé a nié sans désemparer les faits. L’accusation s’est dite absolument convaincue de la culpabilité de l’homme. Malheureusement pour elle, il n’y avait ni témoin, ni partie civile pour l’aider à fracasser la version de Moriké. Version qui n’aurait sans doute pas tenu la route si les autres protagonistes avaient fait le déplacement.
Rappelons les faits. Ils remontent à presque un an. Ils se sont produits précisément le jeudi 30 octobre 2014. L’histoire nous projette dans la localité Kobanibougoufiè dans le cercle de Bougouni. Il était 2 heures du matin lorsque Mamadou Koné qui dormait à poings fermés dans sa chambre se réveilla subitement. L’homme mit quelques secondes à comprendre ce qui l’avait tiré de son sommeil. Il s’aperçut que des effluves inhabituelles avaient envahi la pièce où il dormait. C’était une vague odeur d’essence qui planait dans l’air. Intrigué, Koné sauta de son lit, prit soin de se munir d’une lampe torche et se dirigea vers la cour de la concession. Il s’était rendu compte que c’était de là que provenait l’étrange odeur. Celle-ci s’accentuait d’ailleurs au fur et à mesure qu’il avançait.
Arrivé dans la cour, Koné ne vit dans un premier temps rien de suspect. Il se mit à inspecter les lieux. A un moment donné, malgré la pénombre, il distingua non loin de lui la silhouette d’un homme. L’individu essayait de se cacher derrière le local du débit de boissons installé dans la cour et appartenant au colocataire de Koné, un dénommé David Diakaridia. Koné braqua immédiatement la lumière de la torche en direction de l’intrus et reconnut sans peine Morikè Sangaré. Le locataire aurait interpellé l’étrange visiteur et lui aurait demandé les raisons de sa présence insolite en ces lieux, à une heure indue de la nuit. L’interpelé se serait bien gardé de répondre. Pris de panique, il aurait choisi de prendre la poudre d’escampette.
UN CHIEN DE SA CHIENNE. Mamadou se serait alors rapproché de l’endroit où s’était tenu Moriké et y aurait trouvé un bidon d’essence, abandonné de toute vraisemblance par le fuyard. Ne sachant pas trop quelle attitude adopter, Koné avait regagné sa chambre. C’est peu après que les époux Diakaridia – David et son épouse, Marie – se réveillèrent. Tous deux avaient vraisemblablement l’odorat moins aiguisé que celui de Mamadou. Mais l’odeur de l’essence avait fini par les incommoder eux aussi. Ils se levèrent et allèrent faire un tour dans la cour. Leurs investigations les menèrent tout naturellement vers le débit de boissons. Là, ils s’aperçurent que quelqu’un avait essayé d’incendier à la paillote, mais que le feu s’était éteint avant d’avoir pris. L’essence avait visiblement servi à cet acte malveillant.
Le couple reçut peu après de son colocataire des informations sur la présence de Moriké dans la cour et à proximité de la paillote. Le couple décida sans aucune hésitation de porter plainte contre le visiteur de la nuit à la gendarmerie pour tentative d’incendie volontaire. Interpellé, l’homme a nié les faits à l’enquête préliminaire. Il a soutenu qu’il était la victime d’un complot orchestré contre lui.
A la barre, habillé d’un polo bleu aux manches grises et d’un jean pantalon, l’accusé n’a toujours pas reconnu les faits. Il a expliqué que par le passé, il avait eu un contentieux avec le couple Diakaridia. Ce dernier lui en avait gardé un chien de sa chienne et avait même promis de lui faire payer son acte. Pour Moriké, la fausse accusation de tentative d’incendie constituait un coup monté par ses ennemis pour solder leurs comptes avec lui.
L’accusé prétendit qu’il ne connaissait même pas Mamadou, l’homme qui avait affirmé l’avoir identifié. Sur ce point, le ministère public fit remarquer que cette déclaration de Morikè était en contradiction avec ce que l’accusé avait admis au niveau de l’instruction. Il avait en effet et sans contrainte aucune indiqué qu’il connaissait Mamadou. Pour le ministère public, le prévenu voulait juste se disculper à la barre en pratiquant une dénégation systématique des faits, comme cela est courant aux Assises. Compte tenu du fait qu’il avait eu l’audace de mentir, la robe rouge a requis de reconnaître Moriké coupable des faits. Prenant compte son jeune âge, il a cependant requis de lui accorder le bénéfice des circonstances atténuantes.
La robe noire a, sans surprise, plaidé non coupable. L’avocat a insisté sur le fait que l’accusé n’a jamais reconnu les fait à l’enquête préliminaire. Il n’a donc fait que maintenir sa position à la barre où se fait la dernière instruction. Pour disculper son client, le conseil a indiqué que l’élément matériel n’a pas été constitué. En outre, ni la partie civile, ni le témoin n’ont comparu. Et tant que le doute persiste, il doit profiter à son client. L’avocat a donc demandé aux jurés de répondre à la majorité que Morikè n’est pas coupable des faits. Et c’est ce que la cour a fait. Dans sa sagacité, elle a prononcé une ordonnance d’acquittement.
A la suite de ce procès, Naba Coulibaly devait comparaitre pour coups mortels. Il a été condamné par contumace à 20 ans de prison.
A.D. SISSOKO

source : Essor

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