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Assemblée nationale : La 6è Législature intervient dans un contexte difficile

Les 1er et 2è tours des élections législatives se sont déroulés les 29 mars et 19 avril dernier, conformément à la résolution n° 1 du Dialogue national inclusif (DNI). La nouvelle législature qui en sera issue fera sa session inaugurale dans un contexte particulier marqué par la maladie à coronavirus et la situation sécuritaire

 

Le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, bien que conscient de ces défis, a insisté sur la tenue de ces élections. À l’issue de son vote dimanche pour le second tour, il a souhaité que « ce soit une belle journée électorale et qu’au sortir, nous nous retrouvions avec un Parlement bien installé comme attendu par notre ensemble national ». Pour le chef de l’État, il est essentiel que nous votions parce qu’il y a un avant et un après coronavirus et il faut que le Mali soit sur des institutions solides.
En effet, l’Assemblée nationale est l’institution qui détient le pouvoir législatif et celui de contrôle de l’action gouvernementale. Ainsi, elle est indispensable dans l’architecture institutionnelle de notre pays. Mais, il s’agit d’une institution qui vient de très loin et qui a connu beaucoup de péripéties au cours de son histoire.
Pour rappel, la République soudanaise a proclamé son indépendance le 22 septembre 1960 et devint la République du Mali. L’Assemblée législative du nouvel État indépendant se transforma alors en Assemblée constituante. C’est elle qui a élaboré la Constitution de 1960, dans le respect des principes constitutionnels à savoir la séparation des pouvoirs, l’équilibre institutionnel, le respect des libertés, de la personnalité africaine, des libertés et des droits consacrés par la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948. Le premier Parlement du Mali était monocaméral, appelé Assemblée nationale siégeant à Bamako la capitale qui est aussi le siège de toutes les institutions de la République. Ses membres, élus au suffrage universel, étaient choisis par le parti unique US-RDA et exerçaient un mandat de cinq ans.
Ses attributions étaient, entre autres : voter les lois ; examiner le budget et voter la Loi de finances ; exercer les prérogatives que la Loi fondamentale lui donne. Au lendemain de son accès à l’indépendance, le Mali avait opté pour un régime de parti unique qui décide de l’orientation politique, économique, culturelle et sociale du pays. Le parti désignait donc des candidats aux élections législatives.
Le 12 avril 1964, la liste unique de l’Union soudanaise RDA a enlevé la totalité des 80 sièges à l’Assemblée nationale, lors des législatives tenues à cette date. Le 22 janvier 1968, la Délégation législative de 28 membres, présidée par Mahamane Alassane Haïdara se substitua à l’Assemblée nationale. Les discussions vives au sein du Bureau politique national ont conduit à la suppression de cet organe et de l’Assemblée nationale.

PARTI CONSTITUTIONNEL- Un coup d’État se produit le 19 novembre 1968. Le régime RDA est renversé. L’armée, par la force, s’immisce dans l’espace politique. Le processus politique né du 22 septembre 1960, est interrompu. L’armée met en place un nouvel organisme composé d’officiers ayant conduit le coup d’État. Il s’agit du Comité militaire de libération nationale (CMLN) présidé par le lieutenant Moussa Traoré. Le CMLN prend l’Ordonnance n° 1/CMLN du 28 novembre 1968 après avoir suspendu la Constitution de 1960. Il concentre, entre ses mains, les pouvoirs exécutif et législatif jusqu’à la mise en place de la Constitution du 2 juin 1974 et la création de l’Union démocratique du peuple malien (UDPM) en juin 1979. Cette loi fondamentale en fait un parti constitutionnel hissé au rang d’institution.
Selon la Constitution du 2 juin 1974, l’Assemblée nationale est classée en quatrième position après le chef de l’État, le gouvernement et le parti unique. Elle est élue pour quatre ans au suffrage universel sur la base d’un scrutin uninominal à un tour. Les candidats sont ceux du parti unique constitutionnel. Les élus portent le titre de députés. Le bureau exécutif central (BEC) de l’UDPM désigne le président de l’Assemblée nationale. Le premier président de l’ère UDPM est Mady Sangaré, élu à Ségou et le second est Sidiki Diarra, élu à Koulikoro.
Désigné par l’organe supérieur du parti, le candidat ainsi pressenti est élu par les députés pour un mandat de quatre ans. Cette Assemblée fonctionne en apparence comme un Parlement en régime démocratique représentatif. Mais dans la réalité, c’est un Parlement aux ordres. Faire-valoir démocratique, elle ne joue que le rôle de boîte à lettres en ce qui concerne sa mission législative.
Mais le régime militaire par la dictature qu’il a imposée va susciter une contestation populaire après avoir étouffé toutes les velléités démocratiques qui affichaient après l’adoption de la Constitution du 2 juin 1974. La contestation populaire aura donc raison du régime dictatorial du général Moussa Traoré le 26 mars 1991.
Le mouvement démocratique organise alors la gestion du pouvoir et met en place le Comité de transition pour le salut du peuple (CTSP), chargé de diriger le pays en attendant la réorganisation des pouvoirs par une nouvelle Constitution qui sera adoptée le 25 février 1992. Le type de Parlement retenu est monocaméral et pluraliste. La première Assemblée multipartite du Mali de 1992 à 1997 comptait 116 députés venant de 11 formations politiques. La seconde législature de 1997 à 2002 a accueilli 6 formations politiques parmi lesquelles, l’ADEMA-PASJ comptait 128 députés sur les 147. La 3è législature de 2002 à 2007 a compté 10 regroupements politiques et la fonction parlementaire s’est bien ancrée avec une meilleure répartition des rôles entre opposition et majorité. La 4è législature de 2007 à 2012 a connu un sort tragique avec la démission du président de la République suite à une mutinerie le 22 mars 2012. Les mutins ont pris le pouvoir et suspendu toutes les institutions de la République.
Grâce aux efforts de la communauté internationale, l’ordre constitutionnel est rétabli par la signature d’un Accord-cadre entre le CNRDRE (Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’État) et les autorités, en fonction duquel, le mandat de l’Assemblée nationale sera prorogé et son président, Pr Dioncounda Traoré désigné président de la République par intérim.
La 5è législature, en fin de mandat, a connu sa séance inaugurale le 22 janvier 2014 avec 147 députés. Elle a adopté 477 lois et mené d’intenses activités de contrôle de l’action gouvernementale comprenant des séances d’interpellation du gouvernement. Mais aussi des motions de censure, de nombreuses questions orales et d’actualité, des missions de terrain et des créations de commissions d’enquête parlementaire.
Cette législature a aussi été marquée par le décès de onze députés dont les trois derniers en moins de deux mois. Il s’agit de Alhousna Malick Touré, élue à Gao, décédée le 12 mars dernier, Niamé Keïta, élu à Nara décédé le jeudi dernier et Habib Sofara, élu à Djenné, décédé hier. Le mandat des députés qui arrivait à terme en décembre 2018 a été prorogé une première fois pour six mois. Puis une seconde fois. Mais lors du Dialogue national inclusif qui a réuni les Maliens dans toutes leurs sensibilités, l’une des résolutions phares a été l’organisation des élections législatives pour doter l’Assemblée nationale de nouveaux députés au plus tard le 2 mai 2020. C’est en fonction de cette résolution que le chef de l’État et son gouvernement ont tenu à l’organisation de ces élections.

CONTEXTE DIFFICILE- Malgré la bonne foi des autorités, ces élections auront été entachées par plusieurs facteurs. D’abord l’enlèvement du chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé en pleine campagne dans sa circonscription électorale de Niafunké. Plus d’une vingtaine de jours et après son élection dès le 1er tour, il est toujours aux mains de ses ravisseurs. Également, il y a la psychose de la pandémie du coronavirus qui est en train de se propager dans le monde et dans notre pays. Face à cette situation, plusieurs électeurs ont décidé de ne pas se rendre aux urnes par peur de contracter la maladie. S’y ajoute le contexte sécuritaire toujours difficile dans certaines régions du Mali comme celles du Nord, de Mopti et de Ségou.
En effet, dans ces régions en proie à l’insécurité, un nombre important de citoyens ont été sevrés de leur droit de vote. Lors de la proclamation des résultats provisoires du 1er tour, le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Boubacar Alpha Bah avait déclaré que pour diverses raisons, certains bureaux n’ont pu ouvrir. Par contre, d’autres après l’ouverture du scrutin n’ont pas pu fonctionner. Il a précisé que sur un total de 22.147 bureaux de vote, 797 n’ont pas pu ouvrir. Ce qui représente 208.508 électeurs et 3% du corps électoral. En plus de cela, cette élection a été marquée par un taux de participation faible.
Selon la Cour constitutionnelle, le taux de participation du 1er tour est de de 35,58%. La Cour a validé l’élection de 22 candidats au 1er tour dans 12 circonscriptions électorales. Le second tour a eu lieu le dimanche 19 avril dernier et les résultats provisoires n’ont pas encore été publiés par les autorités compétentes.
Le Parlement qui sera issu de ces élections aura donc pour mission de représenter le peuple. Et à ce titre, il va d’abord voter les lois et faire la restitution aux populations. Mais pour ce faire, une loi peut être initiée par le gouvernement. Dans ce cas, l’appellation consacrée est un projet de loi. Et dans le cas où elle émane des députés, il s’agit d’une proposition de loi. Une autre mission du Parlement est le contrôle de l’action gouvernementale. À cet effet, il existe plusieurs mécanismes pour aider les parlementaires à mieux faire leur travail. D’abord, la Déclaration de politique générale du Premier ministre, la motion de censure, les questions écrites et d’actualité que les députés peuvent adresser au gouvernement. Mais aussi, les interpellations et la mise en place de commissions d’enquête parlementaire.
Également, les parlementaires ont la possibilité d’adopter des résolutions à l’issue de leurs débats, lesquelles seront communiquées par le président de l’institution au Premier ministre. En cas d’empêchement définitif dû à un décès, à une maladie du président de la République qui est un élu, celui-ci est remplacé par le président de l’Assemblée nationale. Et en cas d’empêchement du président de cette institution également, celui-ci sera remplacé par l’un des vice-présidents.
Cependant, le président de la République est remplacé par le Premier ministre en cas d’absence du pays ou d’empêchement temporaire. Un défi qui se pose aujourd’hui, c’est comment adapter le nombre des députés qui est 147 au nombre de la population qui a connu une croissance fulgurante ces dernières années.

Dieudonné DIAMA

Source : L’ESSOR

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