Le Programme de Développement de la Zone Spéciale de Transformation Agro-Industrielle de Koulikoro et Périurbaine de Bamako (PDZSTA-KB) est suspendu depuis plus d’un an à Bancoumana, en raison de l’opposition de trois familles. Lors d’une séance de concertation décisive tenue le 22 mai 2025, le Directeur de Cabinet du Gouvernorat de Koulikoro a dressé un état des lieux alarmant et appelé à une décision forte pour sauver ce projet structurant.
Dans la salle de conférence du Gouvernorat, l’atmosphère est tendue. Pas de discours fleuve, pas de formule toute faite. Juste un constat direct, porté par la voix calme mais déterminée de Mohamar Assagaïdou Haïdara, Directeur de Cabinet du Gouverneur de Koulikoro. Il s’adresse aux chefs coutumiers, aux autorités locales, aux représentants du projet et aux communautés présentes : « Ce projet devait être une chance. Aujourd’hui, il est en danger. Et si rien n’est fait, nous risquons de tout perdre. »
Le projet dont il parle, c’est celui du PDZSTA-KB, pour désigner un chantier aux dimensions très concrètes : relancer l’économie rurale, créer de l’emploi, donner un nouveau souffle à l’agriculture locale. À Bancoumana, commune du cercle de Kati, 200 hectares ont été réservés pour accueillir un vaste agroparc. Une fois achevé, le site devait regrouper une zone industrielle, un parc agro-industriel, des installations logistiques, un pôle qualité, des zones d’extension, de la voirie, des parkings et des espaces verts. En tout, 164 hectares seront occupés.
Sur le papier, le projet est ambitieux : 35 unités de production, plus de 5 000 emplois directs, des centaines d’opportunités indirectes, et un vrai levier pour freiner l’exode rural. Le financement est à la hauteur : 13,3 milliards de FCFA apportés par la Banque Africaine de Développement, et une contribution de 1,7 milliard de FCFA de l’État malien.
Mais rien ne s’est passé comme prévu. Sur le terrain, les engins sont absents. Les travaux n’ont jamais commencé. En cause : l’opposition catégorique de trois familles locales, qui refusent de céder leur terrain malgré les démarches engagées.
« Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’au départ, tout le monde était d’accord », rappelle Mohamar Assagaïdou Haïdara. « C’est seulement au moment du lancement des travaux que les résistances sont apparues. »
Depuis, le Gouverneur a tenté l’apaisement. Plusieurs commissions ont été mises en place : des sages, des médiateurs, des relais communautaires. Rien n’y fait. « Nous avons tout fait pour éviter la confrontation. Aujourd’hui, nous sommes à bout d’options », reconnaît un membre de la coordination.
Ce blocage ne met pas seulement en péril un projet local. Il menace toute une dynamique de développement national. Le PDZSTA-KB est la première opération d’un programme de douze agropoles prévues dans le cadre du Cadre Stratégique de Relance Économique et de Développement Durable du Mali (CREDD). Il devait montrer la voie. Il risque aujourd’hui de devenir un exemple d’échec.
Le coordinateur du projet, Demba Sidibé, n’a pas caché son inquiétude. « Le temps ne joue pas en notre faveur. Si les travaux ne commencent pas avant le 11 juin, les bailleurs pourraient retirer leurs financements. Et ce serait une perte immense. »
Ce projet, pourtant, a été pensé pour les populations locales. Il vise à lutter contre l’insécurité alimentaire, la précarité, la dégradation des terres, le chômage des jeunes. Il s’inscrit dans une vision de développement durable, inclusif, ancrée dans les réalités rurales du pays. Et Bancoumana ne manque pas de cadre juridique : la commune dispose d’un schéma directeur d’urbanisme validé par décret en 2016 et adopté en Conseil des ministres en 2017.
Les commissions, lors de la réunion, ont été claires. « On ne peut pas laisser trois familles bloquer un projet pour toute une région. De gré ou de force, le Gouverneur doit agir de sorte à faire plier ces opposants, pour le bien de tous. » Un appel sans détour, qui montre que la patience des acteurs locaux a des limites.
En clôture des échanges, le Directeur de Cabinet a indiqué que « Le message est passé. Et il sera transmis à qui de droit. Nous devons avancer, pour ne pas perdre cette opportunité. »
À Bancoumana, les terres sont prêtes. Le projet aussi. Mais il reste suspendu à une décision politique. « Derrière ce retard, il y a des visages, des familles qui espèrent, des jeunes qui attendent un avenir. Il y a, surtout, un pays qui ne peut plus se permettre de manquer ses rendez-vous avec le progrès », rappelle un membre de la commission de sensibilisation.
Cheickna Coulibaly