Samedi 5 octobre 2013. Afin d’être au cœur des réalités sur le terrain, nous avons décidé de passer une journée dans la ville garnison pour voir si les faits correspondent aux discours de ces derniers jours. Pour ce faire, nous sommes passés non seulement dans le camp mais aussi dans les maisons, les grins et autres lieux de regroupements pour recueillir les impressions des populations.
Le QG de la Junte a Kati (photo: AP Archves)
Le constat sur le terrain est loin des discours, loin des dispositions prises. La maison du commandant de la 3ème région militaire est toujours occupée par Amadou Haya Sanogo et ses hommes. L’autre homme fort de la junte, Seyba Diarra, se la coule douce chez lui. Cependant, tout le camp est entouré d’un dispositif militaire bien équipé avec des éléments de la Garde nationale et des bérets verts venus certainement du nord.
À notre arrivée à Kati, nous tombons sur le baptême du nouveau-né d’un collaborateur d’un de nos amis à Kati Sanafara. Ici, les discussions étaient autour de la présence des nouvelles unités dans la ville. On oubliait presqu’on était à une cérémonie de baptême d’autant que les gens étaient beaucoup plus préoccupés par la situation. Au point que certains convives n’ont pas retenu le nom du nouveau-né. En tout cas, nous avons tous prié pour l’enfant en faisant des bénédictions rajoutées à celles de l’imam.
Un homme sort des chaises dans la cour et l’on quitte les nattes pour commencer le petit-déjeuner. Ici, les gens disent ne rien comprendre de la part des autorités. Un rescapé parmi les mutins du lundi était dans la cour. Il a échappé aux arrestations qui, selon lui, n’ont concerné que des soldats subalternes. «Après notre rencontre avec le ministre (de la défense), à qui certains ont présenté nos doléances, j’ai commencé à sentir qu’ils vont nous arrêter. Le lendemain mardi, c’est ce qui a été fait. En tout cas, à ma connaissance, aucun grand n’a été arrêté. Seyba avait quitté son domicile, il y est retourné. Le colonel Youssouf Traoré n’a aucun souci, il est chez lui à Bamako, dans la cité ministérielle», nous a-t-il confié.
Après le baptême à Sanafara, nous sommes rentrés dans le camp par la grande porte. Là, nous constatons la présence de militaires et d’engins lourds : des BRDM au nombre de trois, dans la cour où se trouve le capitaine Amadou Aya Sanogo. Des armes sont dans les 4 coins de sa vaste cour ; trois gardes sont en faction. Les visiteurs font le va-et-vient comme d’habitude. Seul changement: l’entrée principale du camp est ouverte à la circulation. Les hommes qui surveillaient le siège du comité de suivi de réforme des forces armées et de sécurité ont été aussi remplacés par des gardes nationaux. Mais, dans la cour d’Amadou Haya Sanogo, ce sont les mêmes gardes, les mêmes hommes de sa sécurité rapprochée bien équipés avec des armes et des munitions, appuyés par d’autres militaires venus de Gao, selon les éléments en faction en ces lieux. En dépassant l’hôpital, avant d’arriver au Mess des officiers, il y a deux pick-up avec des armes ; les militaires sont à côté : ils ressemblent étrangement à des hommes du front à travers leur tenue.
Cap sur le camp, en allant vers la mairie et le marché. En ces endroits, les populations vaquent à leurs occupations quotidiennes et le marché est noir de monde. On se soucie peu de ce qui se passe dans le camp. «Ce n’est pas notre problème, qu’ils s’entendent seulement ! On ne veut pas de tirs de fusils ici à Kati», nous a confié Rokia Djiré, venue de Wélékedougou avec ses légumes fraîches. À l’instar de celle-ci, plusieurs autres femmes aspirant à leur tranquillité formulent le même souhait.
Nous quittons le marché pour aller vers le lycée où se trouve la maison de Seyba Diarra, l’un des cerveaux du coup d’Etat. Il est tout simplement à ses aises chez lui. Bien sûr, des militaires étaient à sa porte et plus d’une dizaine de voitures neuves y étaient aussi garées. Premières révélations fracassantes. Des hommes en faction nous confient que les responsables de l’ex-junte se portent bien à l’image de Seyba Diarra et d’Amadou Haya Sanogo qui habitent Kati. Dans un grin, une jeune fille croit savoir que : «tant que Haya, Seyba et autres resteront à Kati, on ne peut guère parler de changement, de nettoyage. Pour nous, rien n’a changé ; vous allez constater partout que Kati est pour eux ! Nous avons des frères chez Haya qui continuent leur boulot. Si vous pouvez rester, vers le crépuscule, ils viendront ici devant vous et vous les verrez».
Tout autour de la maison de Haya, il y a des hommes armés. Sa cour est tranquille comme d’ordinaire. Ses hommes de main sont là. Au fait, rien n’a changé. Certains vont jusqu’à dire que : «Depuis le début de cette affaire, tout le monde est venu voir Sanogo ici. Il n’a pas été inquiété un seul instant, et tant que nous sommes là, il ne le sera pas». Et un autre d’ajouter : «Sanogo n’a rien fait ! Il n’a pas promis de grade à qui que ce soit ! Il n’a pas de grade à donner. En réalité, tout l’incident s’est passé au niveau du PC 2. Nous n’avons senti aucune inquiétude. Ils ont tiré des coups, après, il y a eu des bruits. Vous voyez, c’est à 200 m d’ici, mais personne n’a osé s’approcher de nous. Tout s’est passé devant le bureau du comité».
En somme, nous avons vu plus de 5 BRDM dont 3 sont dans la cour de Sanogo ; une dizaine de pick-up qui portent des mitrailleuses et autres armes et plus d’une centaine d’hommes. En tout cas, ce que nous avons vu à Kati est loin des communiqués du gouvernement. L’entourage de Sanogo est présent avec ses armes. Au contraire, la sécurité de Sanogo a été renforcée. Et aucun membre influent de l’ex-junte, selon nos sources, n’a été ni inquiété ni arrêté. Les hommes de l’opération «Saniya» ont certainement arrêté des jeunes militaires, mais pas un grand de Kati. Le tout ressemble à un montage, alors que la réalité est tout autre. C’est un grand bluff du gouvernement d’IBK. Qui, en réalité, n’a fait que renforcer la sécurité de Sanogo en faisant croire à l’opinion qu’il a été réduit au néant. Faites-y un tour !
Kassim TRAORE