«Homme à poigne, homme de parole», disaient de lui, fiers, bien de ses supporteurs, lors de la campagne présidentielle de juillet 2013. Dans ce Mali, naguère aux prises avec des groupes islamistes armés qui avaient occupé le Nord du pays, surfer sur les symboles de puissance et de justice valait son pesant de voix. Les communicants du candidat Ibrahim Boubacar Keita ont-ils alors présenté leur idole sous une réputation surfaite ? En tout cas une fois au pouvoir, IBK comme on l’appelle sur les bords du Djoliba, a célébré le premier anniversaire de son accession au palais de Koulouba le moral en berne. Critiqué de toutes parts. Tant la désaffection pour «fama» (1) a gagné des pans entiers du peuple qui ne voit rien venir des promesses de campagne de celui qui a manqué de peu de remporter le scrutin dès le premier tour.
– L’engagement d’améliorer les conditions de vie des Maliens dont le pouvoir d’achat fond comme neige dans les sables chauds du désert ? «Aux oubliettes».
– La résolution de rendre au Mali sa fierté ? «Dans les tiroirs»
– La détermination de faire entrer le groupe séparatiste du MNLA ? «de la poudre aux yeux»
– Le serment de restaurer l’unité nationale par le dialogue inclusif ? «Sans suite».
Un chapelet de promesses non tenues dont se servent nombre d’opposants, d’activistes de la société civile et de médias pour mieux pendre l’enfant de Koutiala.
Indignation somme toute légitime, dans un pays toujours sous le choc émotionnel des images de l’armée nationale taillée en pièces par de simples rebelles.
Colère des populations face au renchérissement des denrées de première nécessité. Impatience justifiée au regard du refus du MNLA de désarmer et les multiples humiliations infligées à des autorités de premier plan de l’Etat.
Oui, tout ça, ça se comprend aisément.
Pour autant faut-il crier haro sur «l’imposteur IBK» ? Trop tôt pour le faire. En une année seulement d’exercice du pouvoir même avec une baguette magique on voit mal le miracle opérer dans pays qui revient de si loin.
Mais s’il est un domaine où il faut rendre à «Kankélentigui» (2) ce qui est à «Kankélentigui», c’est bien celui de la justice.
En effet, l’un des thèmes de campagne du chantre du «Maliba» (le grand Mali) a été l’instauration de l’Etat de droit dans toute sa plénitude. Une promesse suivie immédiatement de gestes forts comme l’arrestation, début décembre 2013, de six magistrats pour concussion.
Mais la grande illustration de cette volonté de faire du pays une République digne de ce nom viendra de l’implacable traque des membres de l’ex-junte militaire impliqués dans l’affaire dite «des bérets rouges», du nom des 21 soldats dont les corps ont été retrouvés dans une fosse commune. Soupçonnés de tentative de contre-coup d’Etat en 2012, plusieurs militaires fidèles au président déchu ATT ont été arrêtés et certains torturés à mort.
Après avoir maté le camp militaire de Kati, garnison de funeste renommée, et véritable armée dans l’armée, IBK va s’appliquer à nettoyer les écuries du capitaine Sanogo, chef de l’ex-junte bombardé général quatre étoiles. Arrêté manu militari par suite de son refus de répondre à la convocation du juge d’instruction, le général d’opérette a été interpellé de force, inculpé «pour complicité d’enlèvement de personnes» puis placé sous mandat de dépôt en novembre 2013. Deux mois après, ce fut au tour d’autres anciens putschistes de rejoindre leur mentor en prison pour «complicité d’enlèvement ou complicité d’assassinat». Parmi les quatre nouveaux embastillés, l’ancien ministre de la Défense et chef d’état-major particulier d’IBK, le général Yamoussa Camara. Comme quoi, même à l’ombre du chef, on reste exposé à la justice, comme le citoyen lambda. Marque de fabrique des véritables Etats de droit.
Alain Saint Robespierre
(1) Chef en langue bambara
(2) Homme qui n’a qu’une parole, toujours en bambara
Source: .lobservateur.bf/
SOURCE: Autre Presse