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ARMEE MALIENNE : A la recherche d’un lustre

Selon une étude menée par deux spécialistes aux Etats-Unis, Stéphane Kader Bomboté et René Magritte, l’armée malienne a besoin de se moderniser.

Militaires soldats maliens entraînement US Air Force

Selon l’étude « La crise que le Mali connaît depuis 2012 a mis à nu les défaillances de son appareil sécuritaire », l’armée n’a pas été en mesure de protéger le pays et de garantir son intégrité territoriale contre un adversaire, somme toute, loin d’être extraordinaire. Pis, des militaires démoralisés ont retourné leurs armes contre les civils dans un coup d’Etat qui a achevé le processus de délitement de l’Etat.

Aujourd’hui, le Mali tente laborieusement de réformer ses forces de sécurité afin de faire face aux défis de l’heure : contrôle du territoire, rébellion, terrorisme, trafics en tout genre.

En janvier 2013, lors du déclenchement de l’opération « Serval » qui a stoppé l’avancée des jihadistes vers le Sud, les Forces armées maliennes (FAMa) se présentaient selon le rapport d’information de l’Assemblée nationale française préparé par les députés Christophe Guilloteau et Philippe Nauche : état des forces armées maliennes au moment du déclenchement de la crise.

L’Armée de terre : Elle était forte de 7000 hommes avant la crise, mais était composée d’une forte proportion de cadres et de soldats originaires du Sud (90 %), limitant de fait la capacité à combattre dans le Nord.

Elle disposait de 35 BRDM2 (blindés de reconnaissance à roues), 18 BTR-60PB (blindés de transport de troupes), 14 chars T55 (en majorité indisponibles), 18 BM21 (lance-roquettes multiples sur camion), 8 canons tractés de 122 mm (non utilisables car sans maintenance et sans véhicule tracteur), 60 canons-mitrailleurs bitubes 23 mm sur camionnettes, 92 mortiers (120 mm, 80 mm et 60 mm), 192 pick-up avec mitrailleuses de 14,5 et 140 véhicules transport de troupes (camions russes et chinois).

 L’Armée de l’air : Elle présentait un effectif total de 1000 hommes avant le déclenchement de la crise. Elle disposait de quatre hélicoptères d’attaque MI-24, de trois avions de chasse MIG-21 (inadaptés à l’environnement et sans réelle efficacité opérationnelle), de deux avions légers de reconnaissance Marchetti FS 260, armés de deux mitrailleuses 7.62 mm (cédés par Kadhafi en 2010), de onze avions légers de reconnaissance Tétras, d’un avion léger Cessna 185 (convoyage de matériel léger, évacuation sanitaire – Evasan – transport de deux à quatre personnes) et d’un avion polyvalent de transport BT-67 remis en œuvre par la coopération avec les Etats-Unis (transport de troupes, convoyage de munitions, Evasan, aérolargage de colis).

La Garde nationale (GNM) : Elle présentait un effectif d’environ 3500 hommes avant la crise, dont 2000 hommes dans les régions du Sud.

La particularité du recrutement des unités du Nord (Tombouctou, Gao, Kidal), à forte dominante régionale, s’est traduite par des unités constituées de 60 à 80 % de cadres et de soldats de recrutement local (touareg ou arabe). De plus, une partie de ce personnel (surtout l’encadrement) provenait de l’intégration des ex-insurgés touareg de 1993.

Les unités GNM implantées dans le Sud (Kayes, Kati, Sikasso, Ségou et Sévaré) étaient constituées majoritairement de soldats non touaregs et avaient pour mission d’assurer des missions de sûreté et de protection civile (protection des édifices publics, banques, autorités) en complément des forces de sécurité.

(source : ministère français de la Défense/Rapport d’information du Sénat français).

Ces effectifs, d’à peu près 11 500 soldats, et ces moyens n’ont visiblement pas été suffisants pour juguler l’offensive de la coalition formée par les rebelles indépendantistes et jihadistes. En mars 2013, un audit des FAMa, réalisé par l’équipe de liaison et de conseil de l’EUTM (European Training Mission in Mali), a mis en évidence de graves dysfonctionnements ainsi qu’un certain nombre de recommandations :

L’audit des forces armées maliennes réalisé à partir de janvier 2013

  1. Un pouvoir politique coupé de son armée par crainte et désintérêt : Absence de Livre blanc et de Loi de programmation militaire, crainte permanente du coup d’Etat.

Une omniprésence de la culture de l’immédiat : Pas de projection dans l’avenir se traduisant par une absence d’entretien, pas de planification des besoins en réponse à une insuffisance de budget.

Une armée peu formée, mal entraînée, pas gérée, sous-équipée et insuffisamment encadrée : Absence d’école d’application, absence de contrôle de la préparation opérationnelle, absence de plan de carrière et de DRH, équipement obsolète, souvent le résultat de dons, dans un état de décrépitude avancée, absence de permanence de structures (sections) interdisant toute cohésion et donc toute aptitude au combat.

Des structures de commandement peu pertinentes : Superposition de structures organiques d’armée (région militaire) en charge de la préparation opérationnelle et de structures opérationnelles (zone de défense) en charge du contrôle du territoire aboutissant à une inefficacité patente ; centres de commandement interarmes et interarmées peu aboutis et se limitant à une capacité à faire des points de situation.

Ces constats émanent d’un rapport d’information d’EUTM au Sénat français.

« Le rapport souligne les insuffisances du système militaire malien dans des domaines aussi fondamentaux que la formation des officiers (absence d’écoles d’application), l’entraînement (aucun budget n’est affecté présentement à l’instruction) et l’équipement (matériels obsolètes d’origine chinoise, russe, américaine et française rendant toute planification logistique quasiment impossible), sans omettre l’existence de mauvaises habitudes au cœur du système ». François-Yann Henault, commissaire de l’Armée de terre (la refondation de l’armée malienne, un enjeu pour la PSDC).

Si les Maliens se doutaient bien de certains problèmes révélés par cet audit, ils ont toutefois été surpris par leur ampleur et par la désastreuse situation de l’armée, similaire en bien des points à celle du reste de l’administration publique.

D’autres témoignages, sans être aussi systématiques, font état des mêmes dysfonctionnements, incompréhensibles à ce niveau. Ainsi, le major Simon Powelson de l’US Army, qui a participé à de nombreuses sessions de formation des unités de l’armée malienne, rapporte dans son mémoire en vue de l’obtention d’un master en études de défense : les soldats des Etia (Echelon tactique interarmes) 6 et 4, basés à Nampala et Tombouctou, se sont illustrés par leur absence des compétences militaires les plus élémentaires. Certains soldats ont affirmé n’avoir jamais fait feu avec leur arme avant les sessions de formation dispensées par l’armée US. Des soldats ne savaient pas démonter leur arme.

D’autres s’étonnaient de voir que leur fusil ne pouvait pas tirer lorsqu’il était rempli de sable ! Pendant l’épreuve de tir, les [instructeurs américains] ont vu certains soldats tirer les yeux fermés ! Il y avait quelques exceptions, mais dans l’ensemble, ce niveau déplorable était particulièrement scandaleux).

S’en suit un témoignage hallucinant, une succession d’anecdotes où le misérable le dispute au pittoresque : uniformes qui disparaissent, inadéquation de l’équipement, mauvaise maîtrise de certains équipements tels que les GPS ou les radios, ignorance des procédures de réglage de l’AK47, absence de discipline et d’esprit de corps, etc.

Ceux qui ne seraient pas convaincus par cet audit et ce témoignage peuvent visionner ici un exemple des « tactiques d’engagement » de l’armée malienne (Clown Army Of Mali Techniques Analyzed). Le site, qui fait ses choux gras de l’impréparation des FAMa, montre une vidéo tournée par la force « Serval » lors de l’infiltration de Gao par des jihadistes. On y voit effectivement des soldats maliens tirer sans prendre la peine de viser et « avancer » de manière plutôt chaotique…

Pour remédier (en partie) à ces travers, la mission de formation de l’EUTM œuvre depuis février 2013 à la restructuration des FAMa en formant notamment 6 bataillons (Gtia – Groupement tactique interarmes) de 700 hommes chacun : Waraba (qui sitôt formé se fera remarquer par une fronde en juin 2013), Elou (septembre 2013), Sigui (décembre 2013), Balanzan (mars 2014), Débo (août 2014) et Al Farouk (janvier 2015).

Par ailleurs, comme en écho à l’audit réalisé par l’EUTM, le gouvernement malien a fait voter en début d’année 2015 une loi d’orientation et de programmation militaire qui a pour objet de réformer en profondeur les forces armées et de les doter en ressources humaines suffisantes en nombre et en qualité.

Voici quelques extraits de cette loi qui va coûter plus de 1230 milliards de F CFA sur 5 ans et qui vise à porter les effectifs des forces de sécurité à 20 000 hommes : le but étant de se doter à l’horizon 2019, d’une organisation et d’un plan d’équipements, de disposer d’un outil de défense adapté aux besoins de sécurité, et capable en toutes circonstances de défendre l’intégrité du territoire national tout en contribuant à la consolidation de la démocratie (…)

[La] mise en œuvre [de la Loi d’orientation et de programmation militaire] nécessite un financement budgétaire de 1 230 563 972 34 F CFA sur une période de 5 ans répartis comme suit : 427,59 milliards F CFA pour les investissements ; 442,57 milliards CFA pour le fonctionnement et 360,38 milliards CFA pour le personnel.

Les fonds sont ventilés sur les cinq ans de la manière suivante : 104 milliards en 2015 ; 109 milliards en 2016 ; 97 milliards CFA en 2017 ; 110,9 milliards CFA en 2018 et 92,8 milliards CFA en 2019 (…)

Sur un besoin réel en ressources humaines estimé à près de 20 000 hommes, il est prévu de recruter environ 10 000 hommes sur les cinq ans. Le montant total pour ce recrutement s’élève à la somme de 42 981 240 066 F CFA (…)

Le pays consacre actuellement 12 % de son budget à la défense nationale(…)

Les ressources requises s’inscrivent dans le taux exigé par la Banque mondiale qui est de 25 % du budget national. La LOPM requiert 21 %, alors une marge budgétaire existe encore. Le financement doit être recherché au niveau interne, notamment sur les recettes fiscales. Il est exclu de creuser davantage le déficit budgétaire pour financer la LOPM. Le budget proposé n’empiète en aucun cas sur les autres secteurs. A l’état actuel, la part de la défense dans le PIB national représente environ 2,26 % qui seront portés à 3,92 % en 2015 pour une moyenne sur les 5 ans de l’ordre de 2 à 3,5 % à l’horizon 2019.

Les effectifs des forces régulières maliennes sont-ils suffisants pour faire face aux problèmes sécuritaires du moment ; à savoir : la rébellion séparatiste et des troubles récurrents, dont le terrorisme ? Certains semblent penser que non.

Dans de nombreux états-majors à travers la planète, l’épineuse question de la taille des forces armées divise les experts. Certes, au-delà des simples effectifs, de nombreux facteurs, matériels et immatériels, déterminent l’issue d’un conflit : puissance de feu, équipement, stratégie, organisation, discipline, motivation, entraînement, renseignement, logistique, soutien de la population, etc.

Dossier réalisé par

Alexis Kalambry

 

Source: lesechos

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