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Après avoir longtemps sauvé l’année : Il faut maintenant sauver l’école malienne !

«Lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus rien au-dessus d’eux, alors c’est le début de la tyrannie.» (Platon).
Il convient de rappeler que la déperdition scolaire a été entreprise et entretenue par le régime autocratique de Moussa Traoré. L’on se souviendra toujours de la politique de musèlement du monde enseignant par la deuxième République, musèlement qui se traduisait par le retard chronique des salaires dus aux enseignants.

Pour la petite histoire, les enseignants attendaient cinq mois, voire six et même huit avant de recevoir un seul salaire. Idem pour les étudiants du Mali. Ce retard de salaires et de bourses a eu pour conséquences entre autres:
– La fuite des enseignants pour de nouveaux horizons, à la recherche de quoi vivre et de quoi faire manger les familles. Le Burkina Faso (ancienne Haute Volta), le Sénégal, le Niger, la Côte d’Ivoire, la République de Guinée, le Gabon, furent entre autres des pays d’accueil pour des milliers d’enseignants maliens en proie à la désolation et à la désagrégation des tissus familiaux.
– Se marier était un luxe pour les enseignants parce qu’ils travaillaient des mois durant sans être payés.
– Les conflits permanents entre les propriétaires de maisons en location et les enseignants contraints (pour diverses raisons) de rester au Mali. Le non payement des loyers était la raison fondamentale de ces conflits. Pour la circonstance, bien d’enseignants restés au pays ont été chassés de leur maison faute de payement desdits loyers.
– Bien d’enfants du Mali, en campagnes comme dans les villes, transportaient leurs tables-blancs entre l’école et la maison.
Progressivement, la déconfiture de l’école malienne se consolidait sous Moussa Traoré. Pour continuer sa hargne contre le monde intellectuel et en particulier celui de l’enseignement, le régime Moussa a organisé l’embastillement des enseignants, plongeant certains dans l’alcoolisme irréversible: bien d’entre eux ont trimé dans les geôles du régime tout simplement parce qu’ils ont commis le seul crime d’être des intellectuels avérés.
Pour tout dire, Moussa Traoré avait horreur des intellectuels capables de s’assumer. C’est aussi par là qu’il faut expliquer la fuite de cerveaux maliens vers des horizons inconnus. Nous n’oublions pas ici que quelques intellectuels en mal de crédibilité faisant les laquais du régime. À vrai dire, l’école malienne avait entamé sa descente aux enfers sous Moussa Traoré.
À la chute de ce dernier, le 26 mars 1991, l’espoir d’une école nouvelle était né en notre peuple travailleur. On pensait que les ‘‘démocrates’’ avec à leur tête Alpha Oumar Konaré (un enseignant) pouvait et devait relever le défi auquel notre système éducatif a été confronté vingt-trois (23) ans durant. Hélas ! Comme le dirait cette locution latine: «Parturiunt montes; nascetur ridiculus mus» (les montagnes sont en travail: il en naîtra une souris ridicule). Les démocrates se sont servis des élèves et étudiants du Mali pour assouvir leurs sales besognes de spoliation de notre peuple.
Pour amuser la galerie et se servir des enfants, ces ‘‘démocrates’’ affairistes ont introduit la politique dans l’espace scolaire. La suite, on la connaît: au lieu d’œuvrer pour l’excellence, notre système éducatif s’est enfermé dans le colmatage des examens et concours, l’achat des consciences, les innovations pédagogiques avec chaque fois de nouveaux experts sortis de terre comme des champignons. Les politiciens peu crédibles se sont livrés à cœur joie à la vente de la politique dans l’espace scolaire et cela à coût de millions. La suite logique est connue: au lieu de se battre pour l’excellence de notre système éducatif national, bien d’élèves et d’étudiants se battaient et se battent encore aujourd’hui pour occuper des postes de responsabilité au sein de l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM).
Pour se faire des paradis terrestres ! Les politiciens, notamment ceux qui ont eu à gérer ce pays sous Alpha Oumar Konaré ne peuvent faire le moindre mea-culpa par rapport à leur responsabilité dans la débandade dans laquelle se trouve plongée notre école. Ils sont obligés de faire des mensonges grotesques pour vanter leur gestion de la chose scolaire. L’école malienne s’est enfermée dans le colmatage des années scolaires et académiques, des examens de fin d’année.
L’autre pan de la politisation de l’école, c’est qu’on a construit une race d’élèves et d’étudiants qui n’hésitent plus à cracher au visage des enseignants et des autorités scolaires et cela jusque dans les écoles. Le Mali est tout simplement victime de sa politique éducative tronquée par des politiciens véreux.
Platon avait pourtant averti en ces termes: «Lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants, lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter, lorsque les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus rien au-dessus d’eux, alors c’est le début de la tyrannie.»
Le constat est aujourd’hui dramatique: l’école malienne patauge dans l’anarchie et le désordre chapeautés par la loi des coupe-coupe, des armes blanches et à feu. Le corolaire de cette anarchie et de ce désordre qui ont longtemps marqué la vie de notre système éducatif national se résume en deux mots connus de tous et de chacun: «sauver l’année !». Dans ces années de grèves à répétition, tant des scolaires que des étudiants, la baisse tendancielle des niveaux n’est plus à démontrer. La grève étant devenue le moyen privilégié des revendications, les enseignants en ont fait leur crédo d’expression.
Certes, la grève est un droit surtout dans un pays où ceux qui travaillent sont laissés pour compte et ceux qui ne foutent rien s’amusent impunément avec l’argent du contribuable malien. Mais il importe de ne pas oublier un instant que recevoir la formation est aussi un droit pour les enfants et un devoir pour les enseignants d’enseigner.
Sans doute, aujourd’hui, l’école malienne est victime de la gestion calamiteuse des ‘‘démocrates’’ qui n’ont que faire du devenir radieux de notre système éducatif national. Ce qui compte pour eux, c’est le regard extérieur des bailleurs de fonds et non l’avenir de ces millions d’enfants qui constituent l’espoir de demain.
Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), alors Premier ministre d’Alpha Oumar Konaré avait laissé entendre que si nos enfants ne rentrent pas pour étudier, ils seront commandés par les enfants de nantis qui étudient dans les meilleures écoles d’Europe et d’Amérique. C’est là une vérité mais qui boitille quelque peu car le Premier ministre n’a pas dit que c’est avec l’argent du contribuable malien que les nantis envoient leurs enfants à l’extérieur pour recevoir les meilleures formations.
Maintenant que tout le monde réclame haut et fort la refondation du Mali, il urge de fonder une école nouvelle pour notre pays. Cet impératif catégorique ne saurait souffrir du moindre doute quand on sait qu’il ne peut y avoir de refondation du Mali sans la refonte de son système éducatif. Dès lors, il doit être question, non pas de sauver l’année comme on a coutume de le faire, mais plutôt de sauver l’école malienne qui n’a que trop souffert des combines politiciennes de ‘‘démocrates’’ affairistes. Ces politiciens affairistes ne reconnaîtront jamais de leur plein gré leur entière responsabilité dans la débâcle de l’école malienne, car la reconnaissance sincère d’une telle culpabilité exige le minimum de décence. Un adage de chez nous nous apprend que c’est une telle reconnaissance qui doit surprendre.
L’adage dit ceci: «Tant que les animaux n’auront pas écrit leur propre histoire, l’histoire tournera toujours en faveur des chasseurs.»
Il faut maintenant sauver l’école malienne de toutes les turpitudes. Pour le bonheur du peuple travailleur du Mali.

Fodé KEITA

Inter De Bamako

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