Accueillis en héros et en libérateurs, le 18 Août 2020, les Colonels, membres du Comité National pour le salut du Peuple, CNSP, ont eu presqu’un chèque en blanc d’une frange importante du peuple malien pour désigner le Président de la transition et le Premier ministre. Bah N’Daw et Moctar Ouane ont été les choix de la junte pour diriger l’exécutif. Mais seulement voilà, près de trois mois après leur nomination le peuple ne sent toujours pas les lignes bougées, alors que leur temps est compté et il urge de s’occuper de l’essentiel. Ce qui est même inquiétant c’est l’ébullition du front socio – sécuritaire avec la grève des administrateurs civils, celle en perspective pour les travailleurs affiliés à l’UNTM et surtout la recrudescence de l’insécurité au centre, au nord et même au sud. Il n y a-t-il pas péril en la demeure Mali ? Les autorités de la transition pourront-elles se maintenir longtemps dans cette situation à l’allure chaotique ? Le risque d’une autre insurrection n’est-il pas plausible ? Les réformes auxquelles aspirent des nombreux maliens ne seront-elles pas du mirage ?
Il ne serait nullement exagéré d’affirmer, sans tressaillir, que rien ne va encore et toujours dans notre pays, après le départ d’IBK du pouvoir. En effet, l’espoir que la chute brutale de son régime avait suscité, tout comme celui de voir naitre le Mali Koura,sont en train d’aller à vau l’eau, par la cupidité et le dilettantisme des nouveaux hommes forts du pays.Nombreux étaient les maliens à penser que tout ira comme sur des roulettes, tant le coup d’Etat s’était passé dans une galanterie et une élégance jamais égalées dans l’histoire des coups d’Etat dans notre sous-région et surtout du fait également que les nouveaux hommes forts du Mali, tous des officiers supérieurs, sont des hommes du terrain, donc au-dessus de tout soupçon de corruption. Ils ont pris le pouvoir et ont l’intention de le monopoliser directement ou indirectement, alors même qu’ils avaient affirmé, Urbi et Orbi, qu’ils étaient prêts à rendre le pouvoir aux civils. Ce brusque changement est motivé par leur volonté de continuer à jouir des délices du pouvoir. Cela doit nous rappeler cette célèbre citation d’un grand philosophe, qui dit qu’on n’agit pas de la même façon dans une chaumière que dans un palais. La junte semble prendre goût du pouvoir donc elle entend le garder jusqu’au bout.
Mais ce que la junte feint d’oublier ce que le pouvoir, comme dirait Seydou Badian Kouyaté,est comme une source claire et limpide; on la regarde, on s’y regarde, on admire sa limpidité; mais au fond de cette source, le sable n’est pas toujours pur, il est bien souvent mêlé à la boue. Comme pour dire à Assimi Goita et ses compagnons d’armes qu’ils sont sur une pente glissante et tout peut basculer en un clin d’œil, qu’à Dieu ne plaise.
La junte doit comprendre qu’elle risque gros en maintenant la situation, de ni paix, ni guerre, comme telle. Les chantiers sont vastes alors que le temps est très court. Bah N’Daw et les autres membres de l’exécutif ont la lourde et exaltante mission de sécuriser le pays afin d’assurer le retour de l’Etat sur toute l’étendue du territoire national. Ils doivent également faire face à la grogne sociale qui va actuellement crescendo, avec la grève des administrateurs civils, qui est en passe d’être illimitée, et celle en perspective de l’ensemble des adhérents de l’Union Nationale des Travailleurs du Mali, UNTM qui demandent une harmonisation des salaires de tous les travailleurs après l’acceptation de l’article 39 pour les enseignants. Les autorités de la Transition doivent également jeter les bases d’un ensemble de réformes, toutes indispensables, pour mettre sur les rails le Mali Koura tant souhaité. Parmi ces réformes majeures on pourra citer entre autres, la révision de la Constitution pour la débarrasser de toutes les incongruités et la rendre moderne. Ensuite il faut relire la loi électorale pour enlever toutes les failles afin de la rendre irréprochable aux yeux des partis politiques et des électeurs. Cette relecture permettra de minimiser les éventuelles contestations lors des élections. Dans cette dynamique, il serait même opportun de relire le code des collectivités afin de revenir sur le découpage administratif, source de beaucoup de tensions. Comment pourrait-on dormir en ayant à l’esprit toutes les réformes ci-dessus citées et d’autres encore pour que notre pays renoue avec la démocratie et le modernisme ? Que Bah N’Daw, Assimi Goita et Moctar Ouane comprennent qu’aucune de ses réformes ne pourra être menée sans un large consensus, c’est pourquoi tous les observateurs de la scène politique s’accordent à dire qu’un remaniement ministériel est inévitable dans les mois à venir ou alors une insurrection populaire finira par balayer les balayeurs.
Youssouf Sissoko
Inf@sept