48 heures de désobéissance civile ! C’est le mouvement qui a été enclenché le 8 novembre 2022, par un collectif d’organisations de la société civile et des centrales syndicales du Mali dans toute la région de Gao. Ce, à travers la paralysie de l’Administration publique et la fermeture des commerces.
Il s’agit d’interpeller les autorités de Bamako sur l’insécurité grandissante qui trouble le sommeil et perturbe les activités des populations exposées aux attaques récurrentes des groupes terroristes et autres bandes armées qui sont en passe, si ce n’est déjà fait, de mettre cette région septentrionale du pays sous coupe réglée. Un appel qui a été suivi, à en croire plusieurs témoignages selon lesquels l’Administration, la gare routière et les marchés sont restés fermés dans la journée, avec une circulation réduite. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce mouvement de désobéissance civile est une mauvaise publicité dont aurait aimé se passer le pouvoir de Bamako. Un pouvoir qui ne cesse de mettre en avant la montée en puissance des FAMa, surtout depuis le divorce avec Barkhane et l’alliance avec les partenaires russes dont l’évocation du seul nom, dans l’imaginaire populaire, était censée suffire à semer la panique au sein des hordes terroristes si ce n’est de les mettre totalement en déroute.
Ce cri du cœur des populations de Gao est un message fort qui traduit toute la détresse des populations
Mais la réalité semble tout autre. C’est, du moins, ce que tend à traduire ce mouvement d’interpellation de ces forces vives de la région de Gao, qui ont décidé de sonner le tocsin en guise d’avertissement aux autorités de la transition avant de nouvelles actions. Preuve, s’il en est, d’une situation sécuritaire beaucoup plus délétère qu’on ne veut le montrer. Et preuve aussi que tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des Mali possibles comme tendrait à le prouver, la communication gouvernementale qui ne laisse pratiquement pas de place aux voix discordantes. C’est dire si le colonel Assimi Goïta doit se faire du mouron. Non seulement pour ce qui passe pour un cinglant démenti d’une situation sécuritaire totalement maîtrisée par les forces régulières, mais aussi par crainte des effets de contagion que pourrait susciter ce mouvement d’humeur des populations de Gao. Mais comme dit l’adage, « on ne peut pas cacher le soleil avec son doigt ». C’est pourquoi, venant de telles entités sociales censées être à équidistance des chapelles politiques et ne pas faire dans la politique politicienne, ce cri du cœur des populations de Gao est un message fort qui traduit toute la détresse des populations qui ne savent plus véritablement à quelle armée se vouer. Et pour qu’elles en arrivent, toutes activités cessantes, à de telles exigences à l’endroit du gouvernement, il faut croire que la coupe des exactions qu’elles subissent au quotidien, est tellement pleine à déborder que ces populations qui souffrent déjà le martyre, paraissent aujourd’hui, pour emprunter à l’adage populaire, « des cabris morts qui n’ont plus peur du couteau ».
Les autorités de la transition gagneraient à prêter une oreille attentive à ces interpellations des populations de Gao
Comment peut-il en être autrement quand des populations comme celles de Boni, dans le Centre du pays, sont obligées de négocier directement la levée de leur blocus avec les groupes terroristes après plus de trois mois de siège ? Comment peut-il encore en être autrement quand le Nord du pays est devenu le théâtre d’affrontements meurtriers et de luttes d’influence entre groupes terroristes rivaux qui y évoluent comme en terrain conquis ? La triste réalité du terrain est qu’à l’image d’autres pays du Sahel comme le Burkina et le Niger, de larges pans du territoire malien sont sous contrôle des groupes terroristes qui assiègent régulièrement des populations qui ne savent plus véritablement à quel protecteur se vouer. C’est pourquoi les autorités de la transition gagneraient à prêter une oreille attentive à ces interpellations des populations de Gao à l’effet de prendre les dispositions idoines pour redresser la barre d’une situation sécuritaire qui semble évoluer de Charybde en Scylla. La symbolique est d’autant plus forte que la région de Gao est connue pour avoir abrité une des bases de la force française Barkhane au Mali. Et ce mouvement d’humeur et cette sortie de ses populations pour protester contre la dégradation continue de la situation sécuritaire, sont autant de preuves des difficultés qu’éprouve la relève sur le terrain et autant de raisons de la nécessité de changer la kalach d’épaule. Les autorités de Bamako l’entendront-elle de cette oreille ? On attend de voir.
Arouna Traoré
Source: Nouveau Réveil