A l’occasion des trois ans de la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger, quelques Maliens se prononcent sur sa viabilité. Nombre d’entre eux sont très critiques envers ce texte, qui devait ramener la quiétude.
El Hadj Bamoussa Touré, coordinateur des chefs de quartier de Bamako : « On ne peut pas mettre un peuple d’accord s’il n’en a pas la ferme volonté »
L’Accord est une œuvre humaine et donc ses insuffisances. Mais elles sont tellement minimes qu’elles ne doivent pas nous empêcher de le réaliser dans l’intérêt supérieur de la Nation. Il nous revient de nous faire violence pour nous l’approprier, l’appliquer et réunir les conditions pour qu’il devienne réalité. C’est aux Maliens qu’il revient de lui donner son vrai contenu, la volonté de réussir la réconciliation nationale. On ne peut pas mettre un peuple d’accord s’il n’en a pas la ferme volonté.
Mohamed Ould Mahmoud, porte-parole de la CMA : « La déception est grande par rapport à la mise en œuvre »
C’est le seul accord qui nous lie au Mali. Il y a des engagements, sur les plans politique, sécuritaire, économique et même culturel. Il y a des problèmes dans la mise en œuvre. Le contexte aussi a changé, au centre et dans les attentes par rapport à l’Azawad. Il faut le réactualiser et l’adapter, mais il reste valable. L’instabilité du gouvernement ne nous a pas permis d’avancer. L’Accord souffre dans sa dimension politique. On devrait avoir au moins la régionalisation, qui consacre l’autonomie de gestion et la responsabilisation des populations locales. La déception est grande par rapport à la mise en œuvre.
Bocary Tamboura, animateur : « Chacun s’occupe de ses affaires et attend que tout soit résolu »
La situation que nous vivons prouve que l’Accord n’a pas été mis en œuvre. S’il avait été respecté et que les groupes armés avaient été désarmés, ce qui se passe au centre du pays ne serait pas arrivé. Ceux auxquels on avait promis l’intégration sont laissés pour compte. Au centre, on profite des ambiguïtés pour agir. Il y a une grande déception. L’accord sera valable si les parties prenantes accélèrent sa mise en œuvre. Chacun s’occupe de ses affaires et attend que tout soit résolu. Ceux qui sont en haut, dans de bonnes conditions, ne savent pas comment les gens souffrent ici. Ils n’ont pas le souci de la population.
Fatoumata Aliou Maiga, étudiante : « Chaque jour, des personnes sont tuées au nord »
Cet accord n’est qu’un papier. Il n’y a pas eu d’avancée. Chaque jour, des personnes sont tuées au nord. Les choses ont empiré. Ceux qui sont au gouvernement sont complices de ceux qui font des bêtises sur le terrain. Quand on arrête des bandits, trois jours après ils sont relâchés. A mon avis, rien de ce qui devait être appliqué ne l’est. Les populations n’y croient plus. Le pays est en guerre. Les gens qui ont signé l’Accord savent qu’il est inapplicable. La division est toujours présente dans leur esprit.
Mohamed Touré, chômeur : « Il faut organiser des assises nationales souveraines »
Trois ans après, les lignes n’ont pas bougé. On ne peut pas dire que l’Accord est valable. On s’attendait à quelque chose de positif. Vous avez entendu parler des attaques à Tombouctou ? C’est comme cela presque chaque jour. Il n’y a eu ni cantonnement, ni démobilisation, ni réinsertion. Il faut que cet Accord avance, parce que nous attendons les dividendes de cette paix. Il faut organiser des assises nationales souveraines, aller dans les villages, parler aux gens. Ensuite la paix pourra revenir. Les conférences et ateliers à Bamako ne vont rien amener. Le fait même de consulter les gens, comme vous, rares sont ceux qui le font.
Arouna Samaké, enseignant : « J’ai l’impression qu’il n’y a jamais eu d’Accord »
3 ans après, il reste beaucoup de choses à faire. Il n’y a pas de bilan concret. Tout dernièrement, une infime partie de l’Armée a fait son entrée à Kidal, dans le cadre du MOC, qui est purement politique. Je suis optimiste, mais il y a toujours des problèmes. La position de la France est ambiguë, elle joue un double jeu. On devrait prioriser la mise en œuvre du DDR, incontournable pour la réussite. Jusqu’à présent, j’ai l’impression qu’il n’y a jamais eu d’accord entre le gouvernement et les ex-combattants. Il est vraiment temps que le gouvernement cesse de badiner avec les sentiments du peuple.
Journal du mali