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Ammar Belhimer sur Barkhane: «Je ne pense pas que cette doctrine militaire française était la bonne»

Les Algériens attendent les résultats des élections législatives anticipées. Un scrutin rejeté par le Hirak et par une partie de l’opposition. Ammar Belhimer, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement algérien, répond aux questions de notre envoyée spéciale, Magali Lagrange, sur le scrutin et les interpellations qui ont eu lieu à l’approche de ce rendez-vous électoral, mais aussi sur la fin de l’opération Barkhane annoncée par le président français.

RFI : Dans ce renouvellement de la classe politique, est-ce que ce n’est pas un peu la fin du FLN (Front de libération nationale), le parti historique de l’Algérie qui était là depuis l’indépendance ?

Ammar Belhimer : Le FLN en tant que structure peut-être, mais en tant que représentation d’un courant, non. De mon point de vue, en Algérie, nous avons trois grands courants : le courant nationaliste qui est représenté par une tradition d’une guerre de libération qui a marqué ce pays, qui marquera à jamais, à mon avis, son identité nationale et c’est un courant qui ne disparaîtra jamais ; il est représenté sous différentes formes en termes de structures par le FLN, par le RND [Rassemblement national démocratique, NDLR], par d’autres organisations de masse de l’ex-FLN. Vous avez à côté le courant islamiste, né des années 1990, post-soviétiques. Il existe, il vit d’une réalité, c’est l’islamité de ce pays. Il vit d’une relation un peu particulière entre l’islam et la politique. Il y a un troisième courant, qui malheureusement n’est pas très en force dans ces élections, c’est le courant démocratique qui se retrouve représenté par des indépendants et par le parti Jil Jadid nouvellement constitué et qui incarne un peu ce troisième courant démocratique.

Il y a un Hirak, un mouvement populaire, vous pensez que c’est fini ? Comment évaluez-vous la situation ?

Le Hirak de février 2019 est un Hirak qui a été béni par le président de la République, qui de mon point de vue a sauvé l’État-nation algérien qui a été réduit à une carapace vide par vingt ans de gabegie, vingt ans de prédation. Donc le Hirak est une œuvre salutaire, patriotique. Donc, éviter les dérapages, éviter tout ce qui échappe à une démarche paisible, pacifique, institutionnelle qui permet une transition ordonnée.

Pour vous, les grandes manifestations à Alger et dans les grandes villes algériennes, c’est fini ?

Le Hirak a terminé sa mission avec les élections présidentielles. Ce qui se produit après les élections présidentielles, c’est ce que j’appelle le « néo-Hirak », une excroissance du Hirak initial qui est complétement investi par les mouvements terroristes. Soyons clairs, Rachad, d’une part, et avec l’association des mouvements séparatistes qui est le MAK [Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie, NDLR]. Le Haut conseil de sécurité a classé ces deux mouvements comme étant terroristes. Ils n’ont plus le droit de manifester à quelque titre que ce soit. Depuis cette décision, il n’y a plus de manifestations et le néo-Hirak est condamné à disparaître à ce titre.

Il y a plus de 200 personnes en prison, en lien notamment avec le Hirak. Est-ce que le président Abdelmadjid Tebboune va demander leur libération ?

Le président Tebboune a déjà pardonné en libérant à des dates fixes, les grandes dates qui sont le 5 juillet et le 1er novembre. À chaque date, il y a des libérations, c’est normal. Dans un État de droit qui fonctionne normalement, on ne pose pas la question comme vous la posez, vous.

Jeudi 10 juin, deux jours avant les élections, des personnalités publiques, l’opposant Karim Tabou, les journalistes Khaled Drareni et Ihsane El Kadi ont été interpellés. Pourquoi et quel est le message ?

Le message est de respecter les droits des uns et des autres. Exemple : vous n’avez pas le droit d’empêcher les gens de voter.

Mais c’était avant le vote ?

Tout ce qui enfreint à la loi est condamnable par elle, d’accord ? Sinon, c’est l’anarchie, c’est n’importe quoi.

Concernant les relations entre la France et l’Algérie, on a l’impression qu’il y a une bonne entente entre les deux présidents, mais que derrière ça ne suit pas ?

Parce que, chez vous, il y a ce que j’appelle « l’héritage du système colonial » qui ne veut pas que les deux pays avancent dans une voie différente qu’une voie néocoloniale et de dépendance. Moi, je réduis l’assainissement de la question mémorielle algéro-française à ce que j’appelle la logique des 3R : il faut que la France reconnaisse sa responsabilité dans le génocide et le crime colonial, crime contre l’humanité. Reconnaissance de sa « responsabilité ». « Repentance ». Et troisième « R » : « Réparation » des dégâts environnementaux, humains…

Sur la politique internationale, l’Algérie suit de près ce qui se passe au Mali. Qu’allez-vous faire concernant cette situation ?

On a pris acte, comme vous, de la fin de l’opération Barkhane dans le Sahel. Cette opération était menée à l’époque de [François Hollande], si j’ai bonne mémoire, conformément à la stratégie militaire française, consistant à tarir les sources du terrorisme qui menaçaient la France. Est-ce que cette doctrine militaire française était la bonne ou demeure la bonne ? Je ne le pense pas, puisqu’il y a beaucoup plus de menaces qui pèsent sur le Sahel qu’au départ de l’opération Barkhane. Est-ce qu’il n’aurait pas fallu consolider les constructions et les entités étatiques locales à l’époque, y compris en apportant du soutien militaire, sécuritaire, logistique à leurs armées, à leurs forces de sécurité, qu’en intervenant directement, ou  est-ce que cette intervention directe à la faveur de l’opération Barkhane ne camoufle pas d’autres intentions que la stabilité ou même le tarissement des sources du terrorisme ou plutôt la préservation des intérêts français dans l’uranium, dans d’autres richesses dans la région. Voilà.

Précision : Cette interview a été réalisée samedi, la veille du jour où les autorités algériennes ont décidé de retirer leur accréditation à nos confrères de France 24 à Alger. C’est pourquoi la question concernant France 24 n’a pas pu être posée.

RFI

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