Suivez-nous sur Facebook pour ne rien rater de l'actualité malienne

Amedy Coulibaly : « La prison, c’est la putain de meilleure école de la criminalité »

C’était un jeune homme sorti de prison comme on en rencontre régulièrement en reportage lorsqu’on explore les quartiers les plus difficiles de la banlieue parisienne. Un « black », musculeux, soupçonneux, condamné pour des affaires de braquage. Avec quatre autres détenus et ex-détenus de la prison de Fleury-Mérogis (Essonne), Amedy Coulibaly, l’auteur des attaques terroristes de Montrouge et de la porte de Vincennes, avait organisé l’entrée d’une caméra au sein de la maison d’arrêt pour décrire les conditions de vie carcérales. Les images, filmées dans la clandestinité pendant plusieurs mois, en 2007, et révélées par Le Monde en 2008, montraient la vétusté des locaux et la violence au sein de l’établissement pénitentiaire.

 Amédy Coulibaly islamiste alqaida maghreb aqmit terroriste bandits armeePersonne ne pouvait imaginer qu’Amedy Coulibaly, originaire de la ville voisine de Grigny, finirait sa vie en tuant une policière municipale à Montrouge, jeudi 8 janvier au lendemain de l’attentat contre Charlie Hebdo et le jour suivant en prenant des otages dans un supermarché casher porte de Vincennes, au nom du djihad, exécutant quatre personnes de confession juive. Personne ne pouvait non plus imaginer qu’une vidéo serait ensuite diffusée, le montrant, dans des tenues de combattant, puis avec une robe de prière, justifiant les actes terroristes. L’enquête a montré qu’il était équipé d’une caméra GoPro pendant la prise d’otages.

« Un des patrons de la prison »

Lorsque nous l’avions rencontré, sous stricte condition d’anonymat, en 2008, le jeune homme, alors âgé de 26 ans, déjà condamné à de nombreuses reprises, affirmait vouloir montrer la réalité de la situation des prisons. « Quand on est en détention, on voit plein de reportages télé sur les prisons, nous avait expliqué Amedy Coulibaly. Mais ils ne montrent jamais ce qui se passe vraiment parce que l’administration organise les visites et ne montre que les bâtiments en bon état. On s’est dit qu’il fallait montrer l’autre côté de la détention ».

Grâce à deux caméras introduites par les parloirs, les détenus, en se relayant, avaient réussi à filmer 2 h 30 d’images et une centaine de photos – authentifiées par plusieurs sources, notamment l’Observatoire international des prisons (OIP). La vidéo était de qualité médiocre mais montrait des cellules en très mauvais état et des conditions d’hygiène déplorables. Elle montrait également des scènes de bagarre extrêmement violentes. Sur l’une d’entre elles, on apercevait un homme se faire rouer de coups par d’autres détenus. « La loi du fort », avait-il expliqué – lui se situant du côté des leaders, des intouchables de la prison. « Je suis un des patrons de la prison », disait-il.

L’aspect financier n’était pas dissimulé. En faisant connaître l’existence de ces images, le jeune délinquant espérait pouvoir négocier avec des chaînes de télévision pour leur vendre les images. « Je suis pas un héros de la terre, expliquait-il. On prend beaucoup de risques, et il faut qu’on prépare nos arrières, au moins pour payer nos avocats ». Après plusieurs tentatives avortées avec des boîtes de production, les images, confiées à deux réalisateurs, avaient donné lieu à un documentaire diffusé sur France 2 dans l’émission « Envoyé Spécial », en 2009.

« La meilleure école de la criminalité »

Mais l’aspect financier ne constituait qu’une partie des motivations d’Amedy Coulibaly. L’homme justifiait la démarche par la volonté de dénoncer les conditions de vie et ce qu’il décrivait comme les vexations ou punitions décidées par l’administration pénitentiaire. La violence. Les brimades, réelles ou supposées. L’impossibilité d’avoir des soins corrects. « On nous soigne au Doliprane, on n’a pas de vrai médecin ». Plusieurs détenus témoignaient, le visage flouté, sur l’absence de chauffage, les sanctions décidées par les gardiens, la « gamelle » pour s’alimenter, les violences dans les douches, les vitres cassées dans les cellules.

Amedy Coulibaly assurait que s’il voulait témoigner c’était pour faire bouger « l’Etat français » sur le système carcéral. « La prison, c’est la putain de meilleure école de la criminalité. Dans une même promenade, tu peux rencontrer des Corses, des basques, des musulmans, des braqueurs, des petits vendeurs de stups, des gros trafiquants, des assassins », soulignait-il. « Là bas, tu prends des années d’expérience. Au début, quand je suis arrivé en détention après avoir fait une connerie, je me disais j’arrête tout. Après le temps passe et je me dis, je nique tout, ils me rendent ouf. Comment vous voulez apprendre la justice avec l’injustice ? ».

La prison crée de la haine, ajoutait-il, et la prison donne des réseaux criminels. Six ans plus tard, après avoir tué une policière municipale et quatre juifs retenus en otage dans un supermarché casher, Amedy Coulibaly est mort sous les balles de la police en « soldat du califat », le titre donné à la vidéo de revendication. Une vidéo qui débute avec des images visiblement tournées, clandestinement, dans une prison.
Source: lemonde.fr

Suivez-nous sur Facebook pour ne rien rater de l'actualité malienne
Ecoutez les radios du Mali sur vos mobiles et tablettes
ORTM en direct Finance