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Amadou KEITA, Directeur Général de l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) du Mali : «Notre souci constant est de faire en sorte que les résultats de nos concours soient les plus sincères possibles »

La prestigieuse Ecole Nationale d’administration (ENA) a ouvert des concours directs d’entrée en son sein en décembre 2018. Amadou Keïta, le directeur général de cette école d’élite se veut rassurant : « on ne peut pas payer le concours de l’ENA », a-t-il déclaré lors d’une interview qu’il nous a accordée le 16 novembre. Ainsi, le patron de l’ENA veut combattre une idée admise dans l’opinion selon laquelle seuls les riches et citoyens pistonnés bénéficient d’un passe-droit pour accéder à la fonction publique malienne. Lisez l’interview.

 

Le Républicain : Pouvez-vous nous parler du concours d’entrée à l’Ecole nationale d’administration session de décembre 2018 ?

Amadou KEITA : pour ce concours de décembre 2018, il est prévu de recruter 103 élèves fonctionnaires. Le nombre total de places offertes à ce concours est de 103 qui sont reparties ainsi qu’il suit. Administrateur civil : 25 ; conseillers des affaires étrangères: 07 ; inspecteurs des finances : 17 ; inspecteurs des impôts : 16 ; planificateurs : 13 ; inspecteurs des services économiques : 10 ; administrateurs du travail et de la sécurité : 05 et inspecteurs du trésor : 10.

Le Républicain : Qui peut faire ce concours ?

Le concours à l’ENA est ouvert aux détenteurs de la Maîtrise. Ça, c’est le niveau d’accès. Et là, je vais vous parler de l’arrêté qui régit cet aspect. C’est l’arrêté N°2013-0209/PM-RM du 23 janvier 2013 modifié récemment qui dispose en son article 2 ceci : « l’accès à l’Ecole nationale d’administration est ouvert chaque année en tant que de besoin par voie de concours direct aux candidats âgés de 40 ans plus au 1erjanvier de l’année de concours. Donc déjà, la limite d’âge, c’est 40 ans. Ça, c’est un détail important. Ensuite, remplissant les conditions générales d’accès aux corps de la catégorie (A) auxquelles prépare l’ENA et titulaire au moins d’un diplôme du niveau de la Maîtrise ou d’un diplôme reconnu équivalent.

Le Républicain : Les détenteurs de la licence ne sont pas autorisés à faire ce concours ?

Amadou Keïta : Ils ne sont pas autorisés. Les textes ne prévoient pas ça. Les textes prévoient la Maîtrise. C’est un arrêté qui organise tout ça.

 Le Républicain : En cas de contestation de la part d’un postulant, comment le litige est résolu ? Le postulant peut-il voir sa feuille d’examen ?

Amadou Keïta : A l’ENA, nous essayons d’être le plus transparent possible. Les textes de l’ENA organisent le concours de telle manière que c’est un jury totalement indépendant qui est responsabilisé. Ce jury indépendant supervise toute la procédure de correction et délibère sur les résultats. J’insiste sur cet aspect pour vous montrer que jusqu’où on a voulu être rigoureux par rapport au concours de l’ENA. Aussi vous dire que les épreuves techniques font l’objet d’une double correction, chaque copie. Or, il y a deux épreuves techniques et s’il y a un écart de plus de 5 points entre les deux notes, la copie est soumise à une troisième correction. Donc vraiment c’est pour se rendre compte, s’assurer que la correction a été faite normalement. Parce que s’il y a un écart de plus de 5 points concernant une seule copie, on peut penser que celui qui a donné une bonne note a essayé de favoriser le candidat et dans l’autre sens, celui qui a donné la mauvaise note a été plus sévère qu’il ne le fallait. Donc la copie est soumise à une troisième correction. Maintenant, il arrive que les candidats qui n’ont pas été admis au concours demandent à voir leurs notes. Et là, à l’ENA, nous sommes tout à fait transparents, il y a un relevé de note qui est fourni aux candidats qui font la demande. Ils peuvent prendre connaissance de leurs notes.

Le Républicain : Au-delà du relevé de note, est-ce que le candidat peut voir sa feuille d’examen ? Ou est ce que la loi l’autorise à voir sa copie d’examen ?

Amadou Keïta : Non, les textes ne prévoient pas cela mais dans le cas extrême on peut y aller et je serais prêt parce que je cherche la transparence. Tout le monde dit que les sortants de l’ENA sont bien formés, ça ne tient qu’à deux choses : le secret, c’est d’abord la sélection rigoureuse, il faut que ce soit les plus méritants qui soient admis. Ça, c’est la première chose. Deuxième chose, il faut qu’il bénéficie d’une formation de qualité. A l’ENA, il n’y a que les plus méritants qui sont admis.

Le Républicain : Qu’est ce que vous êtes en train de faire pour que ce concours soit une réussite totale?

Amadou Keïta : D’abord, il y a les tâches routinières. Nous avons publié la liste, l’avis de concours. Les candidats commencent à déposer les dossiers, il y a toute une organisation et au fil des années, nous essayons d’améliorer notre organisation. L’année dernière, nous avons reçu près de 20 000 dossiers de candidature. Et quant nous avons commencé à recevoir les dossiers, il y a deux semaines, de jour en jour, le nombre de dossiers augmente. Nous sommes à peu près de 1000 dossiers par jour. Donc, il faut une bonne organisation pour recevoir les dossiers et ensuite faire le dépouillement. Il y a une équipe qui fait la réception, une équipe qui fait la saisie. Il y a des corps qui sont plus sollicités que d’autres. Le corps des inspecteurs des impôts par exemple, habituellement c’est ce corps qui reçoit plus de dossiers de candidature. Il y a des réglages à faire chaque jour par rapport à la réception des dossiers. Maintenant, c’est la réception et la saisie des dossiers avant la publication des listes provisoires. A l’ENA, il y a une liste provisoire. Parce qu’il y a des réclamations ; ce sont les textes qui prévoient tout cela. Il y a aussi un délai de réclamation. Ceux dont les dossiers ont été rejetés ont le droit de faire des réclamations. Il peut arriver que le dossier a été rejeté de bon droit, mais il peut aussi arriver que c’est peut être des erreurs dans le nom. Ensuite la personne fait la réclamation et peut être remise dans ses droits. Il y a aussi tout le travail de dispatching entre les centres, c’est énorme. Nous sommes en train de travailler sur un logiciel qui nous permet de prendre en charge l’ensemble du processus du début jusqu’à la fin. Nous sommes en train de nous outiller pour que le concours se passe de la manière la plus heureuse. Ça, c’est les outils mais il y a aussi l’Homme. Le plus important, c’est de motiver les agents pour qu’ils aient conscience de leur rôle, mais c’est aussi d’insister sur les questions de déontologie, d’intégrité au niveau des agents. De mon point de vue, tout le monde a été sensibilisé ; ça c’est déjà un acquis à l’ENA. Quand je suis arrivé, je continue dans la même lancée. Les agents ont conscience de leur responsabilité, nous savions tous qu’on ne nous pardonnerait pas si jamais nous tombions dans des travers qui vont décrédibiliser l’ENA, le Mali ne va nous le pardonner.

Le Républicain : La plupart des Maliens pensent que si vous n’êtes pas riche, ou si vous n’avez pas de relations, il est impossible d’avoir le concours de la fonction publique au Mali. Est ce que vous pouvez donner la garantie ou assurer les Maliens que tel n’est pas le cas à l’ENA?

Amadou Keïta : Je ne suis pas fâché par de telles questions, non ! Nous sommes tous des Maliens ; nous savons les bruits qui courent. D’ailleurs, l’année dernière, quant j’ai pris fonction, quant nous avons commencé à organiser le concours qui était mon premier concours à l’ENA, je leur ai dit que ce n’est pas à l’opinion de nous accorder le crédit  d’honnêteté. Ils peuvent douter de nous, c’est leur droit, mais c’est à nous de prouver que nous sommes intègres à l’ENA, que nous organisons les concours de la manière la plus transparente. Notre souci constant est de faire en sorte que les résultats de nos concours soient les plus sincères possibles. Et nous nous y attelons avec opiniâtreté.

Le Républicain : Donc il n’y aura pas de dessous de table pour passer ?

Amadou Keïta : Je ne sais ce que ça veut dire les dessous de table. Je suis un enseignant chercheur qui a appris à vivre de ses travaux.

Le Républicain : Je pose ma question autrement, on ne peut pas payer le concours de l’ENA pour passer ?

Amadou Keïta : Non, on ne peut pas payer le concours de l’ENA. Organiser un concours, c’est comme rendre un jugement.

Le Républicain : Donc, il n’y aura pas de quota entre guillemet pour telle personnalité ?

Amadou Keïta : Il n’y a aucune pression sociale. La pression, ça vient de la société surtout, parce que tout le monde pense au Mali que les concours, il faut toujours payer comme vous le dites. On pense que tout est monnayable, il s’agit de dire aux gens qu’à l’ENA, ce n’est pas possible. En tant que directeur, je n’ai fait l’objet d’aucune pression.

Le Républicain : Quels sont les conseils et les messages que vous avez à lancer ?

Amadou Keïta : Le message que je vais lancer s’adresse aux postulants. Je leur demande de travailler, de redoubler d’efforts et de comprendre que c’est l’effort qui sera payant en ce qui concerne le concours de l’ENA. Et je donne aussi la garantie. En tant que directeur, je mets tout en œuvre, je pense que toute mon équipe est également d’accord avec moi sur cette question, nous mettrons tout en œuvre pour que le concours  à l’ENA soit le plus transparent possible et pour que les résultats qui sortent de nos délibérations soient les plus sincères possibles. C’est à peu près le message qui s’adresse à l’opinion. L’admission doit se fonder sur le mérite. Si nous sommes tous d’accord sur ça, je pense qu’il n’y aura aucun problème. Maintenant à l’endroit des autorités, c’est de continuer à nous appuyer pour que la vision qui a prévalu à la création de l’ENA, c’est-à-dire, faire émerger des cadres de haut niveau, puisse continuer à donner les résultats qui sont déjà tangibles, parce que tout le monde est d’accord que les produits de l’ENA sont très bien formés. Je pense aujourd’hui qu’ils font la fierté de l’administration malienne. Mon objectif est que cela puisse continuer tant que je resterais à la tête de l’ENA.

Propos recueillis par Aguibou Sogodogo

 

Source: Le Républicain

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