Des partis et personnalités de l’opposition étaient réunis à Alger jeudi 7 mars après-midi dans les locaux du parti d’Ali Benflis, l’ancien chef de gouvernement. Une réunion importante puisqu’elle rassemblait des personnalités aux idées très différentes de la scène politique algérienne. Les participants, qui saluent les manifestations, souhaitent que les autorités repoussent les élections.
Ils sont plus d’une vingtaine autour de la table. Ces personnalités et partis d’opposition font tous le même constat sur la situation du pays. « Les prochaines élections présidentielles représentent une menace pour la stabilité du pays, la cohésion sociale et l’unité nationale », résume Abdelaziz Rahabi, ancien ministre.
Les participants estiment qu’il faut un report des élections. Mais ils ont du mal à se mettre d’accord sur une position commune. « Dans une rencontre de ce niveau et de cette taille-là, c’est difficile d’arriver à un consensus, surtout en une seule journée. Il y avait des propositions et des positions claires mais, en même temps, il y avait des divergences. Mais peut-être ça, ça peut aider pour faire le tri », observe Louisa Hanoune, présidente du Parti des travailleurs.
L’un des points de désaccord, c’est : faut-il ou non négocier avec les autorités ? Abderrezak Makri, le chef du parti islamiste du MSP, y est favorable : « Beaucoup disent qu’il faut débattre, négocier avec ceux qui sont en place, pour une transition, pour des réformes constitutionnelles et aller vers un autre processus électoral sur de nouvelles bases constitutionnelles et légales. »
Mais dans l’après-midi, Karim Tabbou, ancien leader du FFS, finit par quitter les locaux estimant que l’opposition fait de la politique comme les autorités.
Les trois frères
De quelles autorités parle-t-on précisément ?
Bien avant cette cinquième candidature du président Abdelaziz Bouteflika, les Algériens se sont opposés à sa réélection pour un quatrième mandat en 2014. Ils avaient alors dénoncé la mainmise de ce qu’ils appellent « le clan familial de Bouteflika sur l’appareil de l’Etat ».
Aujourd’hui, pour une majorité de citoyens, la situation est devenue intenable. La révélation récente du quotidien la Tribune de Genèvesur l’état de santé du président Bouteflika relance la polémique. Ce journal rapportait le 6 mars, en citant une source médicale, qu’Abdelaziz Bouteflika est « sous menace vitale permanente ». A nouveau, les contestataires se demandent donc qui gouverne l’Algérie.
Dès son arrivée au pouvoir en 1999, le président célibataire Abdelaziz Bouteflika, a été accompagné au palais Moradiya par ses trois frères. Il a aussitôt nommé officieusement son frère Saïd comme conseiller puis son second frère Nasser d’une manière plus officielle. Si le premier est l’homme de l’ombre, Nasser lui, a occupé publiquement plusieurs fonctions ministérielles.
Il est aujourd’hui au poste de secrétaire général du ministère de la Formation professionnelle. Le troisième frère, Abdel Ghani, occupe le poste de conseiller juridique de la compagnie Air Algérie.
Un Bouteflika pour succéder à Bouteflika ?
La rue, tout comme l’opposition algérienne est persuadée que Saïd Bouteflika est le vrai dirigeant de l’Algérie depuis 2014. C’est lui qui a dirigé la campagne présidentielle du président pour 2004 et 2008. Selon plusieurs témoignages, Saïd est à la tête d’un groupe restreint de personnalités qui dirigent le pays. Certains membres de ce groupe sont passés dans l’opposition comme l’ancien Premier ministre Ali Benflis, ou l’ancien général Lakhdar Bourigua. Ce dernier a déclaré à la presse que Abdelaziz Bouteflika « est captif d’un petit cercle, dirigé par Saïd ».
Selon des médias algériens, c’est Saïd Bouteflika qui serait derrière les changements à la tête de l’armée et du service de renseignements ; c’est lui aussi qui est derrière plusieurs lois qui touchent à la liberté, dont la loi sur la presse.
Si l’opposition algérienne est persuadée que Saïd Bouteflika cherche succéder à son frère aîné, ceux qui le connaissent bien affirment qu’il ne joue pas dans ce sens et qu’il cherche une personnalité vitrine pour la placer sur le devant de la scène.
Mais les avis divergent, car d’autres voient en Nasser, l’autre frère, un prochain président. Il a été vu à l’hôpital à Genève auprès d’Abdelaziz Bouteflika. En novembre dernier, c’est ce frère qui est apparu à la réunion des gouverneurs en lieu et place du Premier ministre absent, ou obligé de s’absenter, selon l’opposition.
Pour l’opposition algérienne, quand le président Bouteflika évoque des élections anticipées, dans un an s’il est réélu, c’est pour mieux préparer sa succession et pour présenter un de ses deux frères à la présidentielle anticipée. Le mot « continuité », répété par les responsables du parti au pouvoir, désigne pour nombre d’Algériens, une seule chose : un président du clan familial de Bouteflika.
RFI