Le président de la Transition, le colonel Assimi Goïta, a été agressé au couteau par un individu dont l’identité n’a jusque-là pas été révélée officiellement. Cette agression laisse plusieurs questions sans réponses, surtout avec le décès de l’auteur. Quid du niveau de sécurité autour du président ? Qu’est-ce qui peut pousser un individu à commettre un tel acte ? Dr Aly Tounkara, directeur du Centre des études sécuritaires et stratégiques au Sahel (CE3S) nous livre son analyse.
Cette agression a mis toute la nation sous le choc. L’acte a été condamné unanimement par tous les compartiments de notre société. Classe politique, religieux, société civile, légitimités traditionnelles, amis du Mali, tous l’ont condamnée et demandé que la lumière soit faite sur cette affaire.
Les autorités ont annoncé des enquêtes mais, pour le moment, rien n’a filtré officiellement sur l’identité de l’auteur et sur ses potentiels complices. Et entre-temps, dans un communiqué publié le dimanche dernier, le gouvernement a annoncé le décès de l’agresseur, précisant toutefois que cela ne fait pas obstacle à la poursuite de l’enquête déjà en cours au niveau du parquet de la Commune II, surtout que les premiers indices collectés et les informations recueillies indiquent qu’il ne s’agissait pas d’un élément isolé.
Dans un communiqué, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) a salué l’ouverture d’une enquête judicaire pour faire la lumière et établir les responsabilités, et aussi, sur les circonstances du décès de l’auteur. Elle dit rester disponible pour apporter son assistance aux autorités nationales dans cette enquête.
L’Association malienne des droits de l’Homme (AMDH) a, elle aussi, condamné avec énergie l’agression et la tentative d’assassinat du président de la Transition. Elle se réjouit de la diligence et de l’ouverture d’une enquête judiciaire et appelle au respect des droits de toutes les parties à un procès équitable.
Selon Dr Aly Tounkara, directeur du CE3S, lorsqu’on regarde le cadre et le contexte de cette agression, on ne peut pas s’attarder sur la défaillance sécuritaire quand on sait qu’un lieu de culte est par excellence un espace de partage, de concentration, où les fidèles pensent à tout sauf à des calamités, à des violences.
Pour le chercheur, la nature du lieu est propice au relâchement sécuritaire. Il fait remarquer que partout, lorsque les dirigeants sont fondus dans des foules qui ont pour finalité de célébrer une fête religieuse, il va de soi qu’il y ait un allègement quant au dispositif sécuritaire.
Il soutient que si un tel évènement s’était produit hors du lieu de culte, lors des escortes ou à un autre endroit, la question sécuritaire allait être posée. Cependant, il estime que cette agression doit pousser les responsables en charge de la securité du président et des institutions de la République à s’interroger sur la pertinence de la présence des officiels à ce genre de lieux de rassemblement.
Le directeur du CE3S se demande s’il n’est pas aujourd’hui pertinent, vu la crise sécuritaire que connait le pays, que ces officiels s’abstiennent de se rendre à des cérémonies qui ne sont pas forcément indispensables quand on sait que le palais présidentiel a, en son sein, un lieu de culte. Selon lui, un autre enseignement qui peut être tiré d’une telle agression est que lorsqu’un pays est secoué par des crises multidimensionnelles, la vigilance ne doit pas être contextualisée, circonstanciée mais être de mise en tous lieux et en toutes circonstances. Le spécialiste explique que l’heure n’est pas à la culpabilisation de l’appareil sécuritaire mais plutôt, à comment se prémunir d’éventuels incidents qui pourraient survenir dans des endroits similaires.
à la question de savoir ce qui peut pousser un individu à commettre un tel acte, Dr Tounkara dégage trois hypothèses. Selon lui, l’individu peut avoir été instrumentalisé ou mandaté par une tierce personne pour des fins politiques par exemple. La deuxième hypothèse qu’il avance est qu’il peut s’agir d’un frustré du système qui voudrait s’y opposer symboliquement. La dernière hypothèse qu’il a soutenue porte sur les questions pathologiques. D’après lui, des individus peuvent paraitre normaux mais quand on questionne leur psychologie, on se rend compte qu’ils souffrent de pathologies psychiques notamment.
Dieudonné DIAMA
Source : L’ESSOR