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Agents de sécurité contre pirates: pour Eric Banel, «L’Etat français n’a pas démissionné»

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Le gouvernement français veut améliorer la protection des navires marchands contre les pirates et souhaite pour cela autoriser des agents de sécurité privés à embarquer sur les bateaux. Un projet de loi a été présenté vendredi 3 janvier 2014 en Conseil des ministres. Actuellement, seuls des militaires de la Marine nationale peuvent monter à bord. Qu’est-ce que cela va changer ? Le recours au privé dans la lutte contre la piraterie est-il un aveu de faiblesse de la part de l’Etat français ? N’y a-t-il pas des risques de dérapages ? Eric Banel, directeur délégué général de la fédération Armateurs de France est l’invité d’Anthony Lattier. Il défend le projet du gouvernement.

Embarquer des gardes privés sur les navires français, est-ce nécessaire d’après vous ?

Eric Banel : C’est même indispensable. Cela fait deux ans que nous travaillons avec le gouvernement, c’est une demande ancienne de la profession. Sans protection aujourd’hui, notamment dans le nord de l’océan Indien mais également dans l’Ouest de l’Afrique, nos entreprises ne peuvent pas travailler.

Pourquoi autoriser des gardes privés, alors que l’Etat français envoie déjà des militaires à bord de ces navires ?

Les entreprises, depuis 2008, travaillent en étroite coordination avec la Marine nationale et cela se passe très bien. Le problème, c’est que la piraterie dont chacun pensait à l’époque qu’elle allait rester un phénomène ponctuel, s’est installée dans le paysage de notre activité. On doit vivre avec malheureusement, et pour ça il nous faut des protections, à la fois des équipements pour surveiller, mais cela n’est pas suffisant. Nous devons aussi avoir des gardes armés en permanence.

N’y-a-t-il pas une sorte de démission de la part de l’Etat français ?

L’Etat français n’a pas démissionné dans cette affaire. En tout cas, le ministère de la Défense et la Marine ont toujours été présents à nos côtés. Simplement, il y a une dimension pratique à laquelle on ne pense pas. Premièrement, ce qui peut durer six mois est encore supportable. Mais ce qui dure cinq ans l’est quand même moins, à la fois pour nos forces armées et pour le budget de l’Etat. Mais également – et pour nous, ça a été donc le point essentiel – les militaires, lorsqu’ils embarquent demandent un certain nombre d’autorisations, des démarches administratives, d’accompagnement, et ça prend du temps. Dans certains cas, cela pouvait prendre trois semaines, un mois, voire plus. Ce qui n’était pas compatible avec notre activité.

Donc il s’agit moins de remplacer la Marine nationale, de remplacer l’Etat, que d’intervenir lorsque l’Etat n’est plus en mesure ou n’est plus en capacité, ou n’a pas les disponibilités pour embarquer des gardes militaires. Aujourd’hui, ça représente à peu près un tiers des cas. Et c’est dans ce tiers que nous demandons des gardes privés.

Ces gardes privés vont-ils coûter plus cher aux armateurs ?

Non. Ce n’est pas une question de coût puisque nous prenons déjà en charge les déplacements des forces armées à bord de nos navires. Ce n’est pas une question de coût, c’est une question de disponibilité. Et derrière ces questions de disponibilité, une question de compétitivité. Puisque si nous n’avons pas accès à certaines zones parce que nous ne pouvons pas protéger nos navires et nos équipages, nous perdons les marchés.

Et ce que nous avons observé depuis deux ans, c’est que le pavillon français, les entreprises françaises, perdaient des marchés par rapport à leurs concurrents, y compris européens. Je pense notamment aux Britanniques. Parce que ces pays-là ont autorisé très tôt l’embarquement de gardes privés et que nous, nous ne sommes pas capables donc d’assurer une protection continue de navires.

Ça coûte combien une équipe de gardes privés embarquée sur un bateau ?

C’est extrêmement variable. Mais on peut situer le coût entre 3 000 et 5 000 dollars par jour aujourd’hui. Au total, le coût de la protection, qu’elle soit privée ou militaire, nous coûte environ 800 millions par an.

De l’ensemble des armateurs français ?

Oui.

Ces gardes n’auront le droit d’utiliser leurs armes qu’en cas de légitime défense. N’y a-t-il pas des risques de dérapages ? Comment contrôler réellement ce qu’il se passe sur un navire ?

Le gouvernement nous a entendus. Le projet de loi sur la piraterie est un projet de loi complet, qui prévoit des dispositions assez strictes, tant en termes d’agrément des entreprises que de recrutement des gardes et de formation, et de sanctions d’ailleurs, si les obligations ne sont pas respectées.

Des gardes privés sur des bateaux français seront-ils utiles, par exemple, dans le golfe de Guinée, où l’insécurité est de plus en plus grande ?

Les deux situations, celle du nord de l’océan Indien et celle du golfe de Guinée, sont assez différentes. Dans le nord de l’Océan Indien nous sommes confrontés à un Etat défaillant qui est l’Etat somalien. Et les efforts de la Communauté internationale n’ont pas réussi à restaurer l’ordre sur place. Donc la piraterie prospère sur un Etat défaillant.

La situation dans le golfe de Guinée est différente puisqu’on a bien des Etats qui existent, qui sont en place, mais on a plutôt affaire à des phénomènes de corruption, à des phénomènes de contournement de la règlementation ou à des phénomènes d’abus de droit par certaines forces militaires ou paramilitaires en place localement. Et là, on a besoin surtout de la pleine coopération des gouvernements et des forces militaires en place.

Des gardes privés dans ces cas-là ne sont pas suffisants ?

Les gardes privés ne sont pas suffisants pour au moins deux raisons. Premièrement, certains Etats interdisent les gardes privés dans leurs eaux territoriales. C’est-à-dire que dès que vous pénétrez dans les eaux territoriales du Nigeria par exemple, vous êtes obligé de faire appel aux forces nigérianes.

Et deuxièmement, vous avez besoin toujours du concours de la force publique et du concours des Etats côtiers pour intervenir, donc réprimer, et le cas échéant condamner d’ailleurs, les pirates.

Je vais prendre un exemple. Aujourd’hui on travaille très bien avec les autorités togolaises qui ont mobilisé leur marine, ont mobilisé leur gendarmerie maritime. Donc ils se sont également dotés d’une législation pour réprimer les actes de piraterie. Nous souhaitons que l’ensemble des Etats de la région réagissent comme ça, et peut-être même pour aller plus loin, s’organisent entre eux pour agir ensemble contre la piraterie.

RFI

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