En Afrique du Sud, les tensions sont toujours vives à Durban, où les étrangers sont victimes d’attaques depuis près de trois semaines. Ces violences ont démarré après un discours du roi zoulou, la plus haute autorité de la province, appelant les étrangers à rentrer chez eux. Ces derniers jours, les violences se sont étendues à Johannesburg.
Dans la nuit du 10 au 11 avril, deux commerçants éthiopiens se sont fait attaquer dans leur boutique, située dans un township de Durban. Leur commerce a été incendié. Le lendemain, l’un d’eux est décédé de ses blessures.
Depuis, plusieurs centaines de commerçants éthiopiens ont abandonné leurs commerces des townships de Durban. Ils sont ainsi près d’une centaine à vivre dans un entrepôt du centre-ville. Certains sont arrivés il y a deux jours, d’autres, il y a une semaine. Certains ont emporté avec eux de la marchandise.
David dort sur un matelas, à côté de ses biens. « C’est beaucoup d’argent, mais qu’est-ce que je peux faire ?, se désole-t-il. Je ne peux pas vendre. Je ne veux pas rouvrir mon magasin, il va se passer la même chose. On espère pouvoir rouvrir bientôt. On attend. »
Des criminels organisés
La plupart ne sortent pas de l’entrepôt. Abmou, un jeune commerçant, vient de rentrer précipitamment, visiblement choqué. « J’étais dehors juste là pour acheter de la nourriture. J’étais tout seul et ils ont commencé à me pointer du doigt. Ils étaient là, à attendre dehors, et ils ont dit : » C’est lui, c’est lui l’étranger ! » Je suis vite parti pour revenir ici avec mes frères. »
Nick explique aussi que des groupes de jeunes les ont suivis jusque dans le centre-ville et attendent la première occasion pour piller l’entrepôt. Pour lui, il ne s’agit pas de xénophobie, mais bien de criminalité. « Ce sont des criminels, ils sont organisés, analyse-t-il. En l’espace de 5-10 minutes, ils arrivent et sont tout à coup très nombreux. Cela veut dire qu’ils sont venus de différents endroits en minibus. Ils ont des soutiens haut placés. Ces chauffeurs de minibus sont complices. C’est eux qui transportent les pilleurs en ville. »
Au moment de sortir, Nick vérifie dehors avant d’ouvrir le rideau de fer. Dehors, il fait presque nuit. Dans la rue, de nombreux jeunes Sud-Africains attendent, on ne sait pas quoi exactement.
Plus de 5 000 étrangers ont fui les violences
Les Nations unies s’inquiètent de ces violences xénophobes. Selon le Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR), plus de 5 000 étrangers, surtout des demandeurs d’asile et des réfugiés africains, ont été déplacés par les violences.
Pour Mary de Haas, chercheuse à l’université de Durban, il s’agit d’un mélange de xénophobie et de criminalité opportuniste. « Avant même que le roi ne fasse cette fameuse déclaration sur les étrangers qui doivent quitter le pays, il y avait beaucoup de pression pour faire partir les commerçants étrangers, parce qu’ils faisaient de la concurrence aux locaux. C’est devenu une attitude générale, » les étrangers doivent partir » », explique-t-elle.
Les déclarations du roi ont amplifié les attaques
Selon Mary de Haas, les violences ont été facilitées par les déclarations du roi. « Les gens se sont dits : « Maintenant, on a l’aval du roi, on peut y aller. « »
Pour autant, ces déclarations ne sufisent pas à expliquer les attaques. « Les gens ont toutes sortes d’excuses, analyse-t-elle. Par exemple, » les étrangers vendent de la drogue « . En réalité, de nombreux Sud-Africains de toutes les couleurs vendent de la drogue ici et sont impliqués dans des réseaux de prostitution, ce ne sont pas que les étrangers. »
« D’autres disent que les étrangers font de la concurrence injuste aux commerçants sud-africains, parce qu’ils reçoivent des traitements de faveur. Enfin, il y a l’immigration illégale. Les Sud-Africains disent que beaucoup de ces étrangers viennent de pays qui ne sont pas en guerre, comme les Nigérians par exemple. Le Nigeria a une économie florissante, pourquoi sont-ils ici ? », poursuit-elle, avant de conclure : « Il y a vraiment toutes sortes de ressentiments. »
Source: RFI