Ouestafnews – A l’échelle du globe, la pandémie du Covid-19 tient en haleine acteurs de tous bords. Décideurs étatiques, médias, société civile, etc., n’ont d’yeux que pour cette maladie qui, depuis la fin 2019, bouleverse le cours normal des choses et tient la Une de l’actualité mondiale. En Afrique de l’Ouest, l’extrême focalisation sur le Covid-19, a noyé nombres d’évènements majeurs majeurs qui en d’autres temps auraient occupé la « Une » des médias.
Législatives contestées au Mali
Le 29 mars 2020, le Mali a organisé des élections législatives, malgré le contexte sanitaire mondial. Ces élections sont passées presque inaperçues, y compris les contestations post-électorales qu’affectionnent les journalistes et qui continuent encore en ce mois de mai 2020, dans une quasi-indifférence du reste du monde.
Les résultats définitifs de ces élections, selon la Cour constitutionnelle, donnent 51 sièges au Rassemblement pour le Mali (RP, parti au pouvoir) sur un total de 147 que compte l’assemblée malienne.
Dans la nuit du 7 mai, de nouvelles manifestations ont éclaté pour dénoncer les résultats de ces élections législatives, publiés le 30 avril par la Cour constitutionnelle. Ces manifestants ont bravé le couvre-feu instauré à partir de 21 heures et l’interdiction des rassemblements de plus de cinquante personnes, en raison justement de la pandémie du Covid-19.
Ces élections avaient été maintenues malgré le contexte marqué par les attaques terroristes et la pandémie du coronavirus. Ce scrutin avait un enjeu de taille dans un pays traversé par une crise profonde depuis 2012. Il devait permettre de renouveler un parlement dont le mandat était achevé depuis 2018 et surtout faire progresser la mise en œuvre de l’Accord d’Alger, signé en 2015 entre l’Etat malien et des groupes armés, sensé ramener la paix.
A la date du 10 mai 2020, le Mali a déclaré 704 cas confirmés, dont 351 guéris et 38 décès, selon un communiqué du ministère malien de la Santé et de l’action sociale daté du 11 mai 2020.
Soumaïla Cissé, otage oublié
Le scrutin législatif malien a aussi été marqué par un l’enlèvement, très peu médiatisé du fait de la pandémie de Covid-19, de Soumaila Cissé, le chef de file de l’opposition malienne et leader de l’Union pour la République et la Démocratie (URD).
Alors qu’il était en campagne électorale dans la région de Tombouctou, M. Cissé et plusieurs de ses collaborateurs sont tombés entre les mains de leurs ravisseurs, un groupe armé non identifié, dans la journée du 25 mars 2020.
Plus d’un mois après, cet ancien ministre et ancien président de la commission de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa) est toujours entre les mains de ce groupe. Le 31 mars 2020, le gouvernement malien a annoncé la création d’une « Cellule de crise » pour sa libération.
« Nous souhaitons de tout cœur que Soumaîla Cissé retrouve très vite la liberté. Nous ne ménagerons aucun effort pour obtenir sa libération », avait déclaré le président malien Ibrahim Boubacar Keïta, le 29 mars après son vote lors du premier tour des législatives.
Le parti de Soumaïla Cissé, l’URD, qui dit mener des négociations avec les ravisseurs, a annoncé le 3 avril 2020 la libération de huit proches de Soumaila Cissé, enlevés au même moment que lui. Jusque-là, très peu de place est réservé aux développements et rebondissements de cette affaire dans l’actualité.
A titre d’exemple, la libération d’Amadou Kolossi, le maire de Koumaïra (commune de la région de Tombouctou dans l’extrême noprd), annoncé ce dimanche 10 mai 2020 par les médias locaux. Parti négocier la libération de M. Cissé, l’édile de Koumaïra avait été pris en otage à son tour, le 10 avril 2020.
Législatives et référendum en Guinée
En Guinée, malgré la pandémie du Covid-19, les élections législatives couplées à un référendum sur la nouvelle constitution ont été tenues le 22 mars 2020. Selon les résultats de la Commission électorale guinéenne publié le 1er avril, le parti du Rassemblement du peuple de Guinée (RPG, parti au pouvoir) remporte 79 sièges sur les 114 de l’Assemblée nationale à l’issue du scrutin.
Auparavant, le 27 mars 2020, la Commission électorale guinéenne avait également annoncé les résultats du vote sur la nouvelle constitution proposée par le président Alpha Condé : le « Oui » l’emporte avec 91,59 % contre 8,41 % pour le « Non », pour un taux de participation estimé à 61%.
Ce référendum est considéré par l’opposition guinéenne comme une manœuvre du président Condé pour se maintenir au pouvoir en briguant un troisième mandat fin 2020.
La vive tension et les violentes manifestations ayant précédé le double scrutin ont vite été oubliées et Condé a pu dérouler son plan dans l’indifférence totale. Le vote a été boycotté par les principaux partis de l’opposition, notamment l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDC) de l’ancien Premier ministre Cellou Dalein Diallo.
Les résultats des législatives et du référendum pour la nouvelle constitution ont été proclamés alors que la Guinée est sous le régime de l’état d’urgence, interdisant les rassemblements de plus de 20 personnes, assorti d’un couvre-feu, pour faire face à la pandémie du Covid-19.
A la date du 11 mai 2020, la Guinée compte 2.146 cas confirmé, dont 714 guéris et 11 décès, selon un bilan de l’Organisation mondiale de la Santé.
Bissau : Embalo enfin confirmé
La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a annoncé le 22 avril 2020 dans l’indifférence totale qu’elle reconnaissait la victoire de Umaro Sissoco Embalo, quatre mois après la proclamation des résultats contestés de la présidentielle bissau-guinéenne du 29 décembre 2020.
Le 17 janvier 2020, la Commission nationale électorale bissau-guinéenne avait confirmé les résultats provisoires annoncés le 1er janvier. Ces résultats donnent Umaru Sissoco Embalo vainqueur avec 53,55% des voix, contre 46,45% pour le leader du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC, parti majoritaire à l’Assemblée nationale), Domingo Simoes Pereira. Ce dernier avait saisi la Cour suprême pour un recomptage des voix du second tour.
Ignorant ce recours, Umaru Sissoco Embalo, après plusieurs tournées dans des pays africains, avait organisé son investiture fin février pour succéder au président sortant José Mario Vaz.
Installé au palais présidentiel, Embalo avait dans la foulée limogé le Premier ministre Aristides Gomes (PAIGC), qui avait été nommé par une médiation de la Cedeao, et désigné un gouvernement dirigé par son allié Nuno Gomes Nabiam, qui est arrivé troisième à la présidentielle avec 13% des voix.
Ce dernier vient de guérir après avoir été testé positif au Covid-19. Il a affirmé s’être soigné avec un remède local à base d’ail, de gingembre et de citron qu’il prenait au moins cinq fois par jour, selon l’Agence chinoise Xinhuanet.com.
A la date du 11 mai 2020, la Guinée Bissau compte 726 cas confirmés, dont 26 guéris et trois décès, selon la Commission interministérielle de prévention et de lutte contre le Covid-19.
L’« Eco », oubliée ?
L’émergence inattendue du Covid-19, a aussi relégué au second plan, la grande question de la monnaie commune ouest africaine qui a longtemps alimenté les débats avant l’apparition de la pandémie.
Idée lancée par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) depuis 1983 et dont la concrétisation tarde à se réaliser, la création de l’éco avait soudain refait surface à la faveur d’une annonce du président ivoirien Alassane Ouattara le 21 décembre 2019.
Cette annonce avait soulevé un tollé et a alimenté un vif débat jusqu’à ce qu’il soit noyé par le Covid-19.
Aujourd’hui l’Eco, dont l’entrée en vigueur est ixée en juillet 2020, a presque totalement quitté les espaces de débat public en Afrique de l’Ouest, pour céder la place à la crise sanitaire et à ses conséquences.
Les géants anglophones, le Nigeria et le Ghana insistent sur le retour au projet originel de la Cedeao et sont moins enthousiastes à l’idée d’un Eco qui « remplacerait » le franc CFA, la nouvelle option des huit pays membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine.
A la date du 10 mai 2020, l’Afrique de l’ouest (les 15 pays membres de la Cedeao) comptait un total de 17.973 cas, dont 5.100 guéris et 386 décès, selon les données du Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (CDC Afrique).
ON/ts