Incarcéré à la prison de Koulikoro, depuis le jeudi 9 mai dernier, pour atteinte aux biens publics, dépossession du bien d’autrui et faux usage de faux (des faits qui restent à prouver, l’instruction judiciaire se poursuivant, selon les propres termes du procureur général)
Adama Sangaré, maire du district de Bamako, et ses avocats sont toujours dans l’expectative dans ce dossier qui a brusquement perdu sa célérité du début, quand il fallait jeter le jeune maire au gnouf.
Et depuis, plus rien : l’affaire traîne dans les tiroirs du prétoire, comme si quelqu’un avait justement intérêt à le laisser pourrir au détriment de la liberté d’un citoyen au sujet duquel le procureur général lui-même dira publiquement qu’il est innocent jusqu’à preuve du contraire et qu’à cette étape de la procédure, nul ne peut avouer qu’il est coupable des faits pour lesquels il est poursuivi.
Ça piétine au point que le dossier semble être bloqué. Et cela, à dessein.
Pour cause, de sources proches de ce dossier, on apprend que les avocats du maire du district, en dépit de la minceur de l’accusation, qui n’ont pas pu obtenir la liberté provisoire pour leur client, sont, à ce jour, totalement désemparés des suites judiciaires de l’affaire. Au motif incompréhensible que le dossier ne parvienne pas à suivre son cours normal en atterrissant à la Chambre d’accusation de la Cour suprême. En effet, dès lors que les juges refusent la liberté provisoire, à la demande des avocats, ces derniers, dans ce dossier, ne peuvent alors s’en référer qu’à l’arbitraire judicaire de la Cour suprême.
De sources proches du dossier, il est dit que le juge d’instruction, qui a en charge le dossier, et qui a rejeté la liberté provisoire, est toujours introuvable.
N’ayant pas transmis l’affaire à la chambre d’accusation, on affirme, dans son entourage, qu’il n’a pas encore entendu toutes les personnes concernées par la procédure, à l’image d’un certain Abdoulaye Sissoko.
Celui-ci, propriétaire d’une maison bâtie sur la parcelle litigieuse, est une pièce maitresse du dossier, est à auditionner à tout prix.
Normal dans une procédure habituelle, mais le hic, ici, est que ce dernier est passé comme étant en fuite.
Ce qui empêcherait le juge d’instruction de transmettre le dossier judiciaire à la plus haute juridiction, comme on s’y attendait.
En vérité, rapporte-t-on de sources proches de ce dossier, l’intéressé, dont on dit de lui qu’il est lié avec le ministre de la justice par une amitié tenace (au point de l’appeler nommément par téléphone lors de son interpellation à la police), se la coule douce dans une localité bien connue de la région de Ségou. Cet homme est l’énigme de cette procédure qui a du mal à suivre son cheminement normal.
D’ailleurs, dans ce dossier, du début à la fin, il n’y a que de grosses interférences familiales qui s’y mêlent.
En fait, selon toujours les mêmes sources, la dame (qui n’a aucun intérêt juridique fondé dans cette affaire ; le lot convoité ne lui appartenant même pas), par qui la plainte est partie contre le maire du district, serait l’amie de la mère du même ministre.
On rapporte que c’est cette dernière, en pleurs, qui se serait jetée sous les pieds de la mère du ministre pour implorer le ciel afin qu’elle agisse en sa faveur pour que son lot (jusqu’ici propriété d’autrui) ne lui soit pas « retiré ».
Voilà pourquoi cette procédure a été aussi hâtive qu’accélérée. Dès ce moment, en bon droit, les avocats ont attiré l’attention sur le fait que la procédure n’avait rien de judiciaire du fait même de la nature de l’acte administratif posé par le maire du district de Bamako.
S’ils avaient été suivis, on n’en serait pas, à ce jour, à tenter de multiplier des manœuvres dans le but de prolonger une détention qui n’en vaut pas la peine, au point de laisser disparaître dans la nature, comme un fantôme, un homme, pourtant jugé comme pièce maitresse de la procédure, et dont l’absence est maladroitement exploitée pour trainer en longueur cette procédure.
Malheureusement, ils n’ont pas été entendus.
Aujourd’hui, on en est à multiplier le dilatoire autour d’un dossier qui n’aurait jamais quitté le seul domaine qui lui sied, à savoir le tribunal administratif, habilité à se prononcer sur la régularité d’une telle décision administrative, comme celle d’un édile qui attribue à un particulier un lot à usage d’habitation. Autant dire que le sort du jeune maire du district, qui croupit aujourd’hui en prison, est bien connu, une fois que cette affaire sera transmise à la Cour suprême, haute instance juridictionnel qui n’a cure des faits, puisque s’attachant seulement à veiller dans la procédure si le droit a été bien dit.
Autre fait inédit qui éloigne ce dossier du droit, ce sont les accointances politique qui s’y greffent. Aux amis et responsables de la famille politique de l’infortuné maire du district, qui tentent de se mobiliser pour la cause de leur jeune partenaire, on leur répond sans cesse qu’ils se trompent de combat en faveur d’un homme qui n’est pas avec eux et qui serait en train d’épauler, dans l’ombre, son favori pour les prochaines joutes électorales.
Voilà qui démontre, comme certains l’avaient bien redouté dès le début de cette procédure, que dans l’affaire Adama Sangaré, la frontière entre le droit et la politique est bien mince…
Sékouba Samaké
Source: info-matin