L’Assemblée Nationale a adopté, le jeudi 19 avril 2018, tard dans la nuit, le projet de loi portant modification de la Loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 portant Loi Electorale, par 93 voix pour, 2 contre et 18 abstentions. Et comme il s’y attendre, le Groupe parlementaire Vigilance Républicaine et Démocratique (VRD), chapeauté par l’URD, a refusé de voter. Un manque de réalisme de la part de ceux-là même qui ont passé le clair de leur temps à critiquer le régime par simple désir de critiquer, car voyant le mal partout, sauf devant leur porte ! Quels sont donc les griefs de l’opposition ? Résistent-ils à une analyse pointue ?
Au commencement c’était…
D’abord la volonté même d’empêcher l’adoption de la nouvelle loi électorale ! Pour cela, les caïds de l’opposition parlementaire pilotée par l’honorable Mody N’Diaye, avait proposé 12 amendements et conditionné leur quitus au vote de la loi par la prise en compte complète de ces 12 amendements, au nombre desquels l’insertion d’un dernier paragraphe à l’Article 14 rédigé comme suit : « La CENI présente dans les 48 heures suivant la proclamation des résultats provisoires un rapport comportant les résultats complets selon son propre décompte et ses observations sur le scrutin. Ce rapport est adressé à la Cour constitutionnelle et mis à la disposition de tous les acteurs du processus électoral ». En outre, elle voudrait que les cartes d’électeurs biométriques soient remises à leurs titulaires par une commission nommée par décision du représentant de l’Etat dans l’arrondissement ou le district, l’ambassadeur ou le consul. Une commission devant comprendre des représentants des partis politiques représentés dans l’arrondissement, le District, l’Ambassade ou le consulat. Il avait préconisé que les cartes d’électeurs biométriques et les cartes NINA qui n’auront pu être remises à leurs titulaires jusqu’à la veille du scrutin soient déposées, contre décharge, auprès du représentant de l’Etat dans l’Arrondissement, ou dans le District, de l’Ambassadeur et du Consul avec le procès – verbal, que les assesseurs de l’Opposition et de la Majorité soient désignés au moins quinze jours avant la date du scrutin, et es membres du Bureau de vote soient nommés au plus 7 jours avant la date du scrutin, cet amendement a été adopté par les députés. Un autre amendement, la reformulation de l’Article : 91 comme suit : «Avant le commencement du scrutin les membres du bureau de vote constatent : que l’urne est vide et fermée par scellé sécurisé ; que l’urne ne comporte qu’une seule ouverture destinée à laisser passer le bulletin unique ou l’enveloppe le contenant ; les numéros de séries imprimés sur les bulletins de vote. Mention de ces constats en sera faite au procès-verbal ». Par ailleurs, l’opposition voulait un dépouillement public des bulletins. Article 147 nouveau : « Sont applicables à l’élection du Président de la République les dispositions concernant les conditions d’éligibilité, d’inéligibilité, d’incompatibilité, de campagne électorale, d’opération de vote, de dépouillement et de proclamation des résultats telles que prévues aux dispositions précédentes de la présente loi définissant les règles électorales générales et conformément à l’article 34 de la constitution. Toutefois, un débat contradictoire télévisé est organisé par l’organe audiovisuel national pendant la campagne du premier tour de l’élection présidentielle entre tous les candidats. Il en est de même pendant la campagne du second tour entre les deux candidats finalistes ».
Arguments contre arguments
On a comme l’impression que l’opposition a été prise dans son propre piège, car les modifications apportées dans la loi visent surtout à rendre les scrutins plus transparents pour que nul n’ait eu à redire quoi que ce soit ! Et selon le rapporteur de la Commission des Lois Constitutionnelles, de la Législation, de la Justice, des Droits de l’Homme et des Institutions de la République, l’application de la Loi N°2016-048 du 17 octobre 2016 portant loi électorale a révélé des difficultés et des insuffisances qu’il fallait corriger. Comme par exemple le remplacement de la carte NINA par la carte d’électeur biométrique afin de donner des précisions sur le centre et le bureau de vote ; la possibilité donnée à la Majorité et à l’Opposition de proposer des assesseurs ; la réglementation plus stricte du vote par procuration. Mieux, des personnes ressources entendues par la commission des lois de l’Assemblée Nationale ont confirmé que la modification permettra de corriger les insuffisances constatées dans la Loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 en vue de faire face à des élections crédibles, transparentes, apaisées et d’éviter une crise postélectorale. Toute chose qui prouve la bonne foi du gouvernement.
Pour rappel, le projet de loi portant modification de la Loi n°2016-048 du 17 octobre 2016 portant Loi électorale a été adopté par le Conseil des ministres du 21 mars 2018, avec pour seul objectif : l’amélioration du système électoral et la prise en charge de certaines difficultés et insuffisances. Il s’agit notamment de la suppression du vote par anticipation des membres des Forces armées et de sécurité, la création des commissions de centralisation au niveau des régions, du district de Bamako, des cercles, des ambassades et des consulats pour le scrutin référendaire, la fixation d’un délai au ministre chargé de l’Administration territoriale, le remplacement de la carte NINA par la carte d’électeur biométrique… La volte-face de l’opposition ne surprend guère, car elle avait déjà annoncé la couleur. En effet, Mody N’Diaye de la VRD avait clairement fait savoir que l’opposition ne votera pas si ses amendements ne sont pris en compte. A l’image de l’opposition, l’Observatoire pour les Elections et la Bonne Gouvernance au Mali avait dénoncé le caractère non inclusif du processus, en faisant référence à l’article 2 du protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance qui stipule qu’ « Aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six mois précédant les élections sans le consentement d’une large majorité des acteurs politiques ». Un argument battu en brèche par Me DianguinaTounaara, Professeur de Droit à l’Université des Sciences Juridique et Politique de Bamako, qui interprète que l’article 2 du protocole de la CEDEAO pose deux conditions : la réforme substantielle et le consentement d’une large majorité des acteurs politiques. Pour lui, on attend par « réforme substantielle» le changement des règles du jeu, notamment le changement du mode de scrutin ou le durcissement des conditions d’éligibilité. Or, le changement prévu par l’exécutif est véniel, et les deux conditions ne sont pas cumulatives. Pour lui, il faut d’abord une réforme substantielle avant d’évoquer le consensualisme autour de la question. En définitive, il trouve que le protocole de la CEDEAO ne fait l’objet d’aucune violation !
Salif Diallo
Déclaration de Politique Générale du gouvernement :
Le quitus des députés au PM
Le Premier ministre SoumeylouBoubèyeMaiga était face aux députés pour présenter sa Déclaration de Politique Générale. Un exercice qu’il a bien réussi en mettant en relief, compte du temps imparti, les principaux actes de la mission à lui confiée par le Président IBK, et ce conformément aux axes définis par celui-ci lors de la session ordinaire du Conseil des ministres du 05 janvier 2018, le tout premier de son gouvernement.
L’action du gouvernement Soumeylou est donc fondée sur ces orientations du Président de la République, déclinées en quatre axes majeurs : 1. poursuivre la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger ;
2. endiguer l’insécurité grandissante dans le Centre du pays ;
3. satisfaire la demande sociale par l’accélération de la mise en œuvre du Programme présidentiel d’urgences sociales ; 4. organiser des élections transparentes, crédibles et apaisées.
Aussi, pour exécuter la feuille de route délivrée par le Président de la République, le Gouvernement se donne une triple vocation : protéger, rassembler et servir. « Protéger, parce que nous avons le devoir de gagner la guerre asymétrique qui nous est imposée par le terrorisme et de préserver toutes les valeurs qui fondent notre vivre ensemble », a fait savoir le PM. Un volet qui prend en charge la mise en œuvre de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger, un vaste chantier de réformes dans les domaines clefs qu’il aborde, notamment en ce qui concerne les questions politiques et institutionnelles, ainsi que les questions de défense et de sécurité. Et dans ce cadre justement, le gouvernement accordera une attention particulière: – à l’amélioration du fonctionnement des Autorités intérimaires et des Collèges transitoires en les dotant de moyens financiers et matériels adéquats en vue de la fourniture de services sociaux de base à la population et de leur participation dans l’organisation des élections à venir ; – ainsi qu’à l’accélération du transfert effectif des compétences et des ressources de l’Etat aux Collectivités territoriales pour l’atteinte de l’objectif de 30% des ressources transférées aux collectivités territoriales en fin 2018.
Pour y arriver, le gouvernement déploiera des actions décisives pour restreindre, et à terme éradiquer les activités des Groupes Armés Terroristes (GAT), afin de favoriser un déploiement des Forces Armées Maliennes (FAMa), la réinstallation de l’Administration et le retour des réfugiés et des populations déplacées. C’est d’ailleurs pourquoi, pour l’exercice budgétaire 2018, le budget d’Etat a réservé 22% de nos ressources à la défense et à la sécurité. En même temps, il sera procédé à l’opérationnalisation des Mécanismes Opérationnels de Coordination (MOC), véritables pilier du volet défense et sécurité de l’Accord. Le processus DDR connait également une avancée significative. L’indemnisation des victimes civiles et militaires n’est pas occultée dans l’action du gouvernement.
Quant à la vocation de rassembler les Maliens, le gouvernement conduira un certain nombre d’initiatives concourant à la réconciliation et à l’apaisement. La première de ces initiatives constitue une prise en charge des instructions présidentielles. Elle concerne la rédaction d’un projet de loi sur l’Entente nationale, proposant des mesures spéciales d’amnistie ou de cessation de poursuite en faveur de certains acteurs, qui ne doit pas être confondue à l’instauration d’une prime à l’impunité. Un autre axe de ce travail de rassemblement et d’apaisement du gouvernement est relatif au processus électoral. Là-dessus Soumeylou rassure : « Nous nous sommes donné comme objectif l’organisation d’élections transparentes, crédibles, apaisées et à bonne date… L’avenir de notre nation, chère à nous tous, dépend de l’esprit de raison que chacun de nous observera pour le plus grand bénéfice de la stabilité de notre pays et de la qualité de notre démocratie. Il s’agit pour chaque Malienne et pour chaque Malien, d’assumer sa part de responsabilité dans la préservation d’équilibres internes qui restent encore fragiles et qui ne doivent pas être remis en cause par des débordements injustifiables ». Enfin, sur la troisième vocation du gouvernement, qui est de servir le peuple malien, Soumeylou souligne : « Notre dédicace prend une importance toute particulière dans le contexte actuel. Elle répond à l’exhortation du Président de la République qui demande à nos compatriotes de n’abdiquer ni de l’espérance, ni de la confiance malgré les épreuves. C’est cette confiance et cette espérance que soutient le Programme Présidentiel d’Urgences Sociales dont l’exécution a déjà commencé. Ce Programme est constitué d’un ensemble de mesures et d’activités qui sont à mettre en œuvre dans le court terme avec un impact rapide et visible au bénéfice des populations, et particulièrement les plus vulnérables d’entre elles ». Pour le Premier ministre, ces actions inscrites dans la triple vocation de son gouvernement ne porteront véritablement fruit que si on s’attache à restaurer la confiance des citoyens en l’action publique. Il est important que l’appareil administratif soit remis en ordre, que la gestion publique soit assainie, que la corruption soit combattue, que l’impunité soit bannie de nos mœurs administratives.
Ainsi, pour mener à bien ces missions, Soumeylou et son Gouvernement entendent faire de l’efficacité leur credo et du terrain leur champ d’action, tout en maintenant les bons contacts avec les partenaires du Mali. Pour Soumeylou, le gouvernement qu’il dirige appréhende la longévité qui lui est impartie non comme un handicap, mais comme un stimulant. Toutes les actions énoncées dans cette Déclaration de Politique Générale sont incontournables pour sortir des épreuves que nous affrontons. Elles ne peuvent être différées principalement pour quatre raisons : elles prennent en charge des initiatives qui doivent être engagées d’urgence ; elles se rattachent à des situations qu’il faut rectifier sans tarder ; elles résultent de décisions parfois difficiles à prendre, mais indispensables ; elles donneront dans le très court terme des motifs d’espoir à nos concitoyens et témoigneront de notre volonté de rester une Nation débout.
Le PM et son gouvernement s’engagent donc à ne ménager aucun effort en vue de parvenir à une démocratie de courtoisie, une démocratie de considération réciproque ; une démocratie qui n’édulcore pas nos divergences et qui ne nie pas nos différences. Mais en même temps une démocratie qui, en ces temps difficiles, favorise la recherche des voies de sortie à travers un idéal commun et une réflexion partagée. « L’idéal, c’est la sauvegarde de notre patrie, sauvegarde qui doit être placée au-dessus de toute autre considération. La réflexion partagée, c’est la mise en commun de nos intelligences et de nos énergies. C’est vers cette démocratie focalisée sur l’essentiel que nous devons nous tourner aujourd’hui. Car nos populations sont lasses des réquisitoires. Ce qu’elles demandent, c’est que leur soient présentées des solutions » a t-il fait savoir. Et d’ajouter : « Les défis qu’aborde le Gouvernement sont d’une importance et d’une complexité sans doute inédites. La manière dont l’équipe que je dirige relèvera les différents challenges aura une importance certainement décisive sur le devenir de notre Nation. Et de poursuivre :« Notre Nation est d’une certaine manière la fille des obstacles victorieusement surmontés depuis cinquante-huit ans ». Sécuriser, rassembler et servir pour que notre nation reste débout ! Voilà le maitre mot du gouvernement Soumeylou, qui a désormais le quitus du parlement pour mener à bien sa mission !
Le Matinal